Turquie-EU, qui sera la femme battue dans le couple ?
La perspective de voir la Turquie rejoindre un jour l’Union européenne soulève de nombreuses interrogations au sein des populations et des élites politiques européennes et conduit l’Union à s’interroger sur ses frontières et sur son projet, dans ses dimensions géopolitiques, institutionnelles et économiques. Mais encore plus que le fond, c’est la forme actuelle de la relation Turquie-UE qui devrait faire réfléchir.
Depuis le début des négociations, à chaque fois, c’est le même processus qui s’est produit. C’est un processus peu novateur stratégiquement mais terriblement efficace face à la mélasse informe qu’est l’UE. La diplomatie turque s’arc-boute sur place, attendant patiemment que l’UE essaie tant bien que mal de mettre un peu de pression pour faire évoluer la position de la Turquie vers les principes de l’Europe. Mais depuis 1963, la Turquie connaît très bien l’Europe, elle sait que l’Europe sera toujours molle dans une négociation. Donc, toujours au dernier moment, la Turquie retourne la négociation à son profit, en sortant une proposition médiane qui est censée témoigner de sa bonne volonté.
« Les autorités turques ont présenté leur proposition à la dernière minute, alors que les ambassadeurs de l’UE débattaient déjà du nombre de chapitres de la négociation qui seraient suspendus si la Turquie continuait à refuser d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et aux avions chypriotes, comme elle s’y était pourtant engagée en signant le "protocole d’Ankara "(Reuters). »
Et chaque proposition est accompagnée de son lot de limitations posées par la Turquie. Ainsi « la Turquie aurait ouvert un port et un aéroport aux navires et avions chypriotes », indique la présidence finlandaise de l’UE le 7 décembre 2006. Pseudo-avancée, qui équivaut à une pseudo-volonté d’appliquer pleinement le protocole d’Ankara... Ce faisant, les Vingt-cinq se retrouvent coupés en deux. Comme toujours, les Anglais sont derrière la Turquie pour torpiller le couple franco-allemand.
L’avenir du couple tumultueux est-il de se marier ?
Demain, dans dix ans, dans vingt ans, la Turquie sera peut-être dans l’UE. Elle pèsera alors de tout son poids démographique, de 70 à 80 millions d’habitants, dans les décisions de l’UE. A la lumière de sa manière de négocier son entrée, il est aisé d’anticiper son rôle futur. Elle ne se contentera pas de rejoindre des positions de groupe d’intérêts communs, mais elle appliquera la même stratégie qu’actuellement. Rester sur place, en menaçant de tout bloquer, pour forcer les autres membres à se positionner sous son angle de vue. Dans cette position, toute ouverture infime, tout « grand pas inattendu », bien que scandaleux dans l’absolu, devient alors la solution faussement courageuse... Alors, tel un vieux couple grincheux, la Turquie et l’UE feraient bien de s’interroger dès à présent sérieusement sur leur relation amoureuse. Vivre pour aller dans la même direction, ou vivre en s’épuisant à renégocier au jour le jour une direction qui ne satisfait personne ? C’est leur intérêt commun. Comme dans la question de la pseudo-constitution européenne, c’est peut-être une nouvelle fois depuis la France qu’un vrai débat démocratique s’exprimera. En effet, plus près de nous temporellement, la campagne présidentielle sera certainement l’occasion de quelques escarmouches sur la question turque. Sarkozy dit et répète bien fort non à la Turquie dans l’UE, même si les critères de Copenhague sont remplis. Ségolène, qui se targue de si bien écouter les souhaits des Français, s’exprimera-t-elle un jour ?
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