Réformer l’élection présidentielle, moderniser notre démocratie
Dans 365 jours se tiendra l’élection présidentielle, le rendez-vous phare de notre vie démocratique. On s’interroge sondage après sondage sur l’identité des candidats en lice, sur leur chance de succès. Personne ne s’interroge en revanche sur l’élection présidentielle elle-même, comme s’il s’agissait d’une donnée intangible. Or notre système électoral vieillit mal. Ses défauts sont de plus en plus visibles : inscriptions difficiles sur les listes électorales, règles de candidature baroques ; cadre de campagne (calendrier, temps de parole, campagne officielle) archaïque et décalé ; système de financement contestable. Surtout, le mode de scrutin pourrait aboutir à un accident démocratique majeur : la qualification en finale, et donc la mise au centre du jeu politique, de Marine Le Pen, la candidate la plus rejetée, la « dernière » de la classe politique ; voire l’élimination au premier tour du « meilleur » candidat, celui qui recueille l’assentiment majoritaire des Français. Dans ce rapport, Olivier Ferrand, président de Terra Nova, propose une réforme profonde du cadre législatif de l’élection présidentielle. Avec un objectif : moderniser notre démocratie.
Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut réunir le parrainage de 500 élus[2] - en pratique, pour l’essentiel, de maires. Cette règle des « 500 signatures » ne fait guère de sens. Il s’agit d’un étonnant archaïsme. Les maires n’ont qu’une légitimité très indirecte à désigner les candidats à la présidentielle. Cette règle est inefficace : elle permet à des candidatures non-représentatives de se présenter et bloque ou fragilise à l’inverse des candidatures populaires dans l’opinion.
Terra Nova propose de supprimer cette règle et de rendre possible deux types de candidatures. Le premier : les candidatures désignées par les partis représentatifs (ceux dépassant un seuil de représentation électorale minimal, par exemple 5% aux élections législatives précédentes). Ce serait conforme au rôle que la Constitution confie aux partis dans la vie démocratique nationale. Le second : les candidatures ayant fait l’objet d’un « parrainage populaire » sous la forme d’une pétition de soutien (avec un seuil autour d’un million de signataires, soit 2.5% du corps électoral). Cela permettrait de reconnaître les candidatures « hors-système » bénéficiant d’une légitimité dans l’opinion. Et cela leur donnerait l’occasion de créer une vraie dynamique populaire par la recherche de signatures, plutôt que de les monopoliser dans un travail stérile de collecte des signatures auprès des maires.
La campagne française fait l’objet d’un étrange déséquilibre de calendrier : environ 4 mois de campagne de premier tour pour seulement 14 jours de second tour – soit huit fois moins. Ce déséquilibre empêche le déploiement des arguments politiques les plus importants, ceux du second tour, car portés par les finalistes appelés à gouverner le pays. Le second tour se résume le plus souvent à la consolidation des résultats du premier tour, avec comme seule variable d’ajustement les consignes de vote des candidats battus au premier tour, en particulier le « troisième homme ». Son autonomie se limite au débat entre les deux candidats finalistes, souvent très corseté, et donc peu révélateur.
Terra Nova propose d’allonger la durée de la campagne de second tour à au moins un mois.
Cela redonnerait de l’importance aux enjeux du second tour et permettrait, notamment,
d’organiser trois débats en face-à-face entre les deux finalistes.
principaux candidats dans des situations de pénurie médiatique. Ils n’ont plus qu’un accès très limité aux médias, qui doivent traiter les dix ou quinze candidats de manière identique dans leur rubrique politique. Cette situation est inefficace : la campagne réelle s’arrête lorsque s’ouvre la campagne officielle, environ quinze jours avant le scrutin, alors que cette période devrait au contraire être la plus déterminante pour éclairer le choix des électeurs. Elle est également injuste : il n’est pas normal que Gérard Schivardi (0.34% des voix aux élections présidentielles de 2007) ait le même temps de parole que Nicolas Sarkozy (31%, soit cent fois plus).
Cette règle de l’égalité formelle du temps de parole est loin d’être généralisée dans les démocraties occidentales. La règle aux Etats-Unis, par exemple, est inverse : la liberté d’expression, garantie par le 1er amendement de la Constitution américaine. Il n’y a pas de limite à cette liberté et les plus « gros » candidats peuvent saturer les médias et faire disparaître les plus « petits ».
Entre ces deux extrêmes, Terra Nova propose un juste milieu : l’instauration d’une règle
d’équité du temps de parole. Les candidats doivent être traités de manière équitable, en
fonction de leur poids estimé dans l’opinion. Les erreurs manifestes d’appréciation seraient
sanctionnées par le CSA. Un socle minimal d’exposition médiatique serait offert à tous les
candidats, à travers les spots télévisés de la campagne officielle qui resteraient régis par le
principe d’égalité.
Aux Etats-Unis, qui autorisent la publicité politique, l’expression politique télévisée est d’une
grande modernité. Mais elle nécessite des financements que les Américains eux-mêmes jugent excessifs et elle tend à transformer la politique en produit commercial.
La France se situe à l’extrême inverse. Sévèrement réglementés dans leur forme, les spots de la campagne officielle sont d’un rare archaïsme. Conséquence : les téléspectateurs zappent, les audiences sont abyssales, le message politique est rejeté par le citoyen. L’image de la politique en pâtit.
Terra Nova propose de rendre son utilité à la campagne officielle en permettant aux candidats de s’exprimer dans des formats courts (de type publicitaire), créatifs et attractifs, librement produits. La campagne officielle serait placée aux moments de grande écoute dans des écrans télévisuels de six minutes environ (les coupures plus longues entraînant un décrochage de l’audience). La suppression de la publicité sur les chaînes publiques offre la possibilité d’installer ces écrans sur France Télévision au même moment que les écrans publicitaires des chaînes privées. L’idéal serait toutefois de les installer aussi sur les chaînes privées, et donc d’y remplacer les créneaux publicitaires par les spots de la campagne officielle.
Le plafond de financement de la campagne présidentielle française atteint 20 M€ pour un
candidat finaliste. C’est un niveau relativement bas, qui contraint l’expression politique de
campagne.
Terra Nova propose un élargissement contrôlé du financement.
Contrôlé, avec le maintien en l’état du plafond de financement, l’interdiction des dons des
entreprises et la limitation des dons des personnes physiques à 4.600€ : il ne s’agit pas de
tomber dans les excès américains.
Elargissement, avec l’autorisation des petits dons hors plafond. L’idée est que le financement privé pose problème car il crée une dépendance aux lobbies et aux gros donateurs. Mais Barack Obama a innové en 2008 en finançant sa campagne avec des petits dons. Ce financement populaire ne crée aucune dépendance aux lobbies. Au contraire, il participe de la mobilisation démocratique en créant un lien entre le candidat et ses supporters. Les petits dons financent les campagnes caritatives de type Téléthon ; rien ne s’oppose à ce qu’ils financent aussi les campagnes politiques. Le seuil des petits dons pourrait être fixé autour de 100€.
En contrepartie, Terra Nova propose la publication et le contrôle en temps réel des comptes de campagne. Les budgets de campagne sont opaques : les publications, plusieurs mois après le vote, sont minimalistes. La Commission nationale des comptes de campagne, chargée de leur contrôle, n’a en réalité pas de pouvoir. Et on voit mal comment elle pourrait annuler une élection présidentielle pour non-respect des règles financières de la campagne. C’est pourquoi Terra Nova propose une transparence et un contrôle en temps réel, sur une base mensuelle voire bi-hebdomadaire, comme aux Etats-Unis. Les irrégularités pourraient ainsi subir une sanction politique en étant exposées publiquement et utilisées contre le candidat fautif pendant la campagne.
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