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Accueil du site > Tribune Libre > Nul n’est prophète en son pays

Nul n’est prophète en son pays

Nul n’est prophète en son pays ou pourquoi les Français connaissent encore aussi mal l’oeuvre de René Girard.

Peut-on imaginer aujourd’hui qu’une oeuvre en sciences humaines serait comparable à celle de Copernic en astrophysique et serait totalement ignorée du public, mais mieux encore, mise systématiquement à l’écart par la plupart de nos intellectuels ?

Notre monde contemporain ressemblerait-il finalement à la société qui avait forcé Galilée à abjurer ses théories, parce que ces théories dérangent trop l’idélogie dominante ?

Mais qui sait vraiment quelle est l’idéologie dominante de la société française, du moins en ce qui concerne ses intellectuels ? Chacun voit midi à sa porte, ou plutôt l’ennemi à sa porte puisque chaque intellectuel accuse volontiers ses rivaux de porter « l’idélogie dominante ». Les intellectuels de gauche sont persuadés que l’idéologie dominante correspond à l’ordre moral conservateur et catholique. Les intellectuels de droite sont prêts à jurer que l’idéologie dominante repose sur la décomposition des utopies marxistes, relookées par Jack Lang en une vénération sans limite pour tout ce qui porte une étiquette culturelle ou ethnique.

Ces oppositions de plus en plus stériles et incapables de soulever le moindre débat de fonds ne visent-elles pas à masquer la vacuité des engagements portés par des penseurs bien plus préoccupés par la promotion de leur propre personne que de « faire changer le coeur des autres » et d’apporter un peu de répit à la violence des rapports humains ?

Mais qu’advient-il si quelqu’un se risque à un tel exercice ? Si quelqu’un décrypte la foire aux vanités et en tire des conclusions de portée universelle ? Eh bien il ne sera rien d’autre que boudé d’un commun accord par les deux camps rivaux car que faire d’une théorie qui éclaire le psychisme humain si elle ne permet pas de départager les bons et les méchants, mais au contraire renvoie dos à dos les adversaire ?

Que faire d’une théorie qui ne démontre pas la liberté de l’homme, mais son asservissement irrémédiable à l’opinion des autres ?

Que faire d’une théorie qui ne prétend pas que les philosophes et ceux qui les admirent sont une élite immortelle qui plane au-dessus des désirs vulgaires du peuple et des bourgeois ?

Et par-dessus tout, que faire d’une théorie qui ne prétend pas dépasser toutes les précédentes, mais s’agenouille avec humilité devant le pire repoussoir des intellectuels français, le christiannisme ?

Non, cette théorie ne vous prouvera jamais que vous êtes supérieur aux autres, voilà son plus grave défaut. En dévoilant le mimétisme inhérent à tout désir humain (quand on voudrait y voir la marque d’une autonomie romantique) et la violence qui fonde toute société (quand on la croit érigée sur les plus nobes principes), René Girard ne peut que conduire le lecteur à un lourd travail d’humilité.

Or, n’y a-t-il rien de pire, pour l’individu moderne engagé dans une compétition enragée contre ses semblables que de devenir plus humble ? C’est tout le contraire du cri de victoire tant désiré que d’admettre la folie de ses rivalités, tout le contraire de l’écrasement voulu de l’ennemi que d’y reconnaître son jumeau, celui que l’on ne cesse d’imiter avec une dévotion cachée.

Et pire encore, comment renoncer à l’unanimité fraternelle qui nous rassemble contre un ennemi commun en admettant que ce dernier n’est autre qu’un bouc émissaire ?

La théorie de René Girard est d’autant plus insupportable qu’elle touche au plus juste, au plus vrai de nos motivations et de nos comportements. Elle heurte moins la mentalité anglo-saxonne qui a depuis longtemps admis, avec un certain cynisme, que l’essentiel des rapports humains tourne autour de la compétition et qui sait le rôle joué par Richard III dans la fondation de la nation anglaise.

Elle est beaucoup plus mal acceptée en France, où chacun s’acharne sans cesse à prouver qu’il n’obéit qu’à des idéaux élevés et désintéressés, où la liberté de l’espit est un dogme que l’on ne remet pas en cause sans s’exposer à la lapidation verbale et où l’on se persuade que la République n’a pas été fondée dans le sang, mais dans la gloire militaire épaulée par la philosophie des Lumières.

Le paradoxe est que René Girard soit Français, né à Avignon en 1923 et qu’il soit resté toujours allergique à la plupart des modes intellectuelles qui frappaient notre pays, de la collaboration vichyste aux délires verbaux de Lacan. Le paradoxe est qu’un homme de notre pays ait réussi à conserver sa colonne vertébrale et à ne jamais céder au désir de plaire à ses contemporains, qu’il ait encaissé toutes les critiques, les dénis, voire le silence total et l’oubli, sans jamais renoncer à son idée, que toujours la réalité prouvait, la réalité tangible, pas l’opinion des autres.

S’il est dit que nul n’est prophète en son pays, peu d’hommes comme René Girard ont pu expérimenter jour après jour le sens profond de cette maxime.


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73 réactions à cet article    


  • docdory docdory 10 octobre 2007 15:39

    @ Luciole

    Auriez vous des références bibliographiques concernant cet auteur , dont , malheureusement , je n’ai jamais entendu parler ? D’avance merci !


    • Marie Pierre 10 octobre 2007 15:58

      Bonjour Docdory,

      J’ai lu, il y a bien longtemps, le Bouc Emissaire. Livre intéressant, sur la persécution, la victime...

      @ l’auteur,

      Bravo pour cet article, qui positionne R. Girard de façon bien claire.


    • fouadraiden fouadraiden 10 octobre 2007 16:03

      évite à tout prix car la lecture tardive de cet auteur risquerait d’encourager chez toi la chasse des p’ti musulmans qui oseraient encore demander des plats sacrificiels à leur cantine.


    • Luciole Luciole 10 octobre 2007 16:25

      @ Docdory

      Si vous vous intéressez plutôt à l’analyse des relations mondaines et sentimentales, je vous conseille « Mensonge Romantique et Vérité Romanesque » ainsi que « Shakespeare ou les feux de l’envie ».

      Si vous vous intéressez plus à l’anthropologie, « La Violence et le Sacré », ainsi que « Le Bouc emissaire ».

      Sur la Religion, « La Route Antique des Hommes Pervers » est très intéressant aussi, avec une analyse subtile du mythe de Job.

      Je n’ai pas encore lu son dernier ouvrage qui vient de paraître « Achever Clausewitz ».

      Bien à vous.


    • Thiland Thiland 10 octobre 2007 15:51

      Bien vu ! De la part d’une économiste, je trouve particulièrement louable de vouloir diffuser le travail de Girard. Effectivement, Girard possède une importance qui devrait être au centre de tous les débats, et effectivement ; Girard est ignoré !! il y a peu de penseurs, encore moins des français, qui ont construit des systèmes de pensée totaux comme il a fait. Ce sont les plus instructifs, mais ils doivent faire peur car ce sont des analystes. En tous cas, la télé n’a aucun intérêt à faire parler des gens comme lui, qui de leur hauteur intellectuelle ferait tout effondrer et laminerait n’importe quel tacheron ! Bien à vous, Thiland


      • fouadraiden fouadraiden 10 octobre 2007 16:07

        attention alors à faire ciculer l’auteur avec les véritables critiques qui font que les thèses défendues par l’auteur ne résiste pas une seule seconde à une analyse sérieuse.raison pour laquelle il demeure à peu près ignoré de tout le monde, et pas uniquement ici sur AgoR.


      • Luciole Luciole 10 octobre 2007 16:29

        @ Thiland

        Merci Thiland. J’avais noté que vous aviez une connaissance fine des théories de René Girard et que vous y aviez réfléchi sur le mode « réaliste » cher à ce penseur.


      • alberto alberto 10 octobre 2007 15:55

        C’est en effet bizarre que ce monsieur qui a travaillé avec des gens comme Barthes, Lacan, Michel Serres soit aussi oublié dans son propre pays !

        Luciole : savez-vous s’il a aussi travaillé avec Claude Lévy-Strauss ? Merci


        • Luciole Luciole 10 octobre 2007 16:21

          @ Alberto

          En fait, René Girard s’est particulièrement opposé au structuralisme de Levy-Strauss dans l’un de ses ouvrages majeur « La Violence et le Sacré ».

          Pour lui, toutes les cultures humaines sont comparables et fondées sur les mêmes mécanismes psychologiques et anthropolgiques, à savoir principalement le meurtre d’un bouc émissaire et la création d’un mythe autour de ce mort divinisé.

          Cette opposition à Levy-Strauss lui a bien sûr coûté des accusations d’ethno-centrisme, alors que Levy-Stauss a lui-même avoué à sa mort que la seule culture qui l’intéressait vraiment était la sienne.


        • fouadraiden fouadraiden 10 octobre 2007 16:28

          et il est mort depuis quand Lévi-Strauss ?


        • Luciole Luciole 10 octobre 2007 16:40

          Le créateur de mode en 1902, mais à vrai dire, il se pourrait que l’anthropologique Levy-Strauss soit encore vivant. Je vais vérifier mes sources concernant la remarque qui précède et que j’ai faite de mémoire (qui n’est pas infaillible).


        • fouadraiden fouadraiden 10 octobre 2007 16:46

          il est encore parmi nois bien qu’absent socialement. ce qui n’est pas grave.ce qui m’inquiète c’est le propos que vous lui prêtiez afin d’accréditer la thèse que Girard aurait eu raison .....

          René n’est qu’un théoricien ,probalement animé par sa foi profonde..rien de tel chez notre ethnologue.


        • alberto alberto 10 octobre 2007 16:52

          Merci, Luciole, et sorry d’avoir tapé sur « moins » ...vu mon grand âge et mon daltonisme...C’est une erreur !


        • Luciole Luciole 10 octobre 2007 17:14

          @ Fouadraiden

          J’ai entendu cela récemment, mais je suis d’accord avec le fait que j’aurais dû mieux vérifier mes sources. Je vous rassure sur le fait que René Girard s’oppose à toute forme de violence et en particulier de chasse aux sorcières. Il s’est beaucoup opposé à Nietsche, Levy-Strauss et Freud parce qu’ils sont les monstres sacrés de la pensée contemporaine. Je pense que, comme beaucoup de gens, le fait que Girard se revendique comme chrétien peut vous inquiéter et que vous puissiez y craindre un conflit de domination entre religions. En fait, Girard est très mal connu et très mal accepté par l’église catholique dans sa majorité, car sa théorie remet en question un certain nombre de dogmes. Par exemple, la phrase d’Hérode : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que la nation entière ne périsse » est souvent interprété par l’Eglise comme une pensée venant de Dieu pour justifier la mort de Jésus. Pour Girard, elle ne fait que révéler le mécanisme sacrificiel caché de réconciliation qui passe par la mort d’un innocent. Cette phrase révèle donc plus la pensée « du diable » que celle de dieu. D’où un désaccord important.


        • fouadraiden fouadraiden 10 octobre 2007 17:19

          je suis d’accord avec vous.sa pensée est valable d’autant plus lorsqu’elle critique un des aspect du freudisme.je dis juste attention à ce propos qui consiste à nous convaincre que le lui seul a compris contre l’Eglise la vértibale signification du sacrifice divin ....un peu gros...


        • Luciole Luciole 10 octobre 2007 16:43

          @ Philippe Renève

          Effectivement, comme je le disais plus haut, j’ai cité une source de mémoire mais avec manifestement une imprécision impardonnable (mille pardon à ce brave homme !).


        • LE CHAT LE CHAT 10 octobre 2007 17:07

          salut la luciole , il a peut être comme toi été victime du zèle des modérateurs du politicalcorrect qui contrôlent les médias et les moyens de diffusion . smiley

          bienvenue chez les rédacteurs smiley , que ta lumière éclaire les obscurantismes .....


          • Luciole Luciole 10 octobre 2007 18:03

            @ Le chat

            Merci de tes encouragements pour mon premier article ! Au plaisir de te lire également.


          • Christophe Christophe 10 octobre 2007 19:28

            Bonjour Luciole,

            Très bon article.

            L’anthropologie est un domaine très vaste et il n’est pas simple d’émettre un jugement définitif sur une approche ou une autre. L’important n’est pas là me semble-t-il ; il faut retenir les apports de chaques approches. Mais si il est possible de rêver d’un universalisme comportemental, cela reste à l’état de rêve, même éveillé.

            Je rejoins votre avis sur le fait que ce qui gène est rejeté loin de la bien pensance actuelle, cela est vérifié dans bien des domaines. smiley

            Pour ce qui concerne René Girard, je ne le connais pas suffisamment pour émettre des critiques sur son approche. Cependant, dans vos commentaires vous enterrez, me semble-t-il rapidement Levi-Strauss comme sans doute dautres comme Malinowski, Pritchard, Scheller, Boas, ... voir même certaines approches sémiotiques traitant de la communication.

            Il reste prépondérant, à mon sens, dans toute étude anthropologique de garder ses distances par rapport à l’objet de l’étude (concept porté par Durkheim, Mauss et Levi-Strauss). Il me semble tout aussi pertinent d’analyser le sujet dans son ensemble, études systémiques introduites par Malinowski relayées par Russel, permettant de savoir si un comportement est intrinsèquement lié à la nature humaine ou bien une influence de son environnement de vie. Si Levi-Strauss a eu une si grande portée, cela est dû principalement à l’influence du culturalisme dans son approche structuraliste.

            Il faut aussi se rappeler, que malgré toutes ces approches, il arrive que l’expérimentateur influence lui même le sujet de son étude.

            Il est donc, pour ma part, hors de question de soutenir l’ensemble des thèses d’un anthropologue en particulier, mais de tenter de fusionner ce qui me semble pertinent dans chacune des études.

            Nous pourrions, par ailleurs, admettre que le comportement humain peut se référer à un libre arbitre virtuel tant le conformisme est de mise dans nos sociétés occidentales. En revanche, nous pourrions objecter que les hypothèses économiques néoclassiques prennent une importance prépondérante par le fait que l’approche économique, voir même politique, appliquée actuellement tend à pousser l’homme vers le comportement que Girard met en évidence.

            Ce qui apparaît est notre opacité à nous-mêmes comme l’ont montré la psychanalyse et la sociologie ; la conscience est le lieu de l’illusion d’indépendance, d’autosuffisance, d’avoir un être, elle est aussi changement, dissimulation. Je rejoins donc votre titre, nul n’est prophète en son pays.


            • Luciole Luciole 10 octobre 2007 20:44

              @ Christophe

              Expulser et enterrer Levy-Strauss serait une tâche en effet bien trop lourde pour mes épaules. Je soulignais simplement que Girard s’était opposé à l’idée que l’on ne pouvait pas comparer les cultures entre elles. Il pense que c’est une façon de renoncer trop vite à comprendre l’esprit humain, à abandonner l’analyse pourtant bien amorcée par quelques brillants anthropologues de terrain comme Frazer.

              Girard s’intérresse à la question centrale de la violence et de son rôle dans la genèse du sacré. Il affirme souvent qu’il se sent beaucoup plus antropologue que philosophe et que d’ailleurs la philosophie, comme la théologie, ont tendance à l’endormir.

              Dans son ouvrage « La voix méconnue du réel », il rappelle qu’il est avant tout intéressé par les faits et finalement assez peu par les théories. Il s’intéresse aux mythes, parce que les mythes parlent d’évènements anciens réels, mais dont le déroulement a été réinterprétés par ceux qui s’en sont le mieux sorti, au détriment de ceux qui sont morts, devenus après coup les fauteurs de trouble.

              Avec un peu d’honnêteté intellectuelle, il n’est pas difficile de nous mettre à la place des indiens d’Amazonie lorsqu’ils ont jeté dans le feu leur « dieu soleil » pour soulager une crise collective. Nous ne sommes pas différents d’eux et nous reproduisons le même type de comportement en votant pour ou contre l’exclusion de participants dans les jeux du cirque organisés par la télévision.

              Cet ancrage dans le réel me semble être l’une des grande originalité de René Girard par rapport aux autres penseurs de son temps.


            • Christophe Christophe 10 octobre 2007 23:06

              @Luciole,

              Expulser et enterrer Levy-Strauss serait une tâche en effet bien trop lourde pour mes épaules.

              Pour les miennes aussi, tout autant que d’enterrer Girard.

              Je soulignais simplement que Girard s’était opposé à l’idée que l’on ne pouvait pas comparer les cultures entre elles. Il pense que c’est une façon de renoncer trop vite à comprendre l’esprit humain, à abandonner l’analyse pourtant bien amorcée par quelques brillants anthropologues de terrain comme Frazer.

              Sur ce point, je me rapproche sans aucun doute de Girard, mais la comparaison est difficile, pour ne pas dire périlleuse. Le relativisme, dû aux facteurs culturels, donne lieu à une manipulation symbolique dont il est fort difficile d’en comprendre la signification ; la symbolique linguisitique en est, si besoin est, une preuve flagrante. Nous retrouvons là l’un des points les plus complexes dans les échanges interculturels qui sont tout autant soumis à l’incommunicabilité que nous connaissons dans les échanges entre sujets d’une même culture.

              Par ailleurs, Frazer, sans remettre en question ses travaux sur les mythes et les rites, avait une approche très marquée par la supériorité des occidentaux sur ces tribus sauvages ; principe même de l’anthropologie évolutionniste défendant l’idée que toute société évolue pareillement en passant de l’état de tribu sauvage en société organisée de type occidentale.

              Dans son ouvrage « La voix méconnue du réel », il rappelle qu’il est avant tout intéressé par les faits et finalement assez peu par les théories. Il s’intéresse aux mythes, parce que les mythes parlent d’évènements anciens réels, mais dont le déroulement a été réinterprétés par ceux qui s’en sont le mieux sorti, au détriment de ceux qui sont morts, devenus après coup les fauteurs de trouble.

              Exactement ce que nous reproduisons aujourd’hui ; sur ce point, il y a convergence ; et le mythe persiste sous une autre forme. Nous n’avons pas encore assimilé les propos de Wittgenstein : Tout ce que le philosophe peut faire, c’est de détruire les idoles. Et cela ne veut pas dire en forger de nouvelles.

              Avec un peu d’honnêteté intellectuelle, il n’est pas difficile de nous mettre à la place des indiens d’Amazonie lorsqu’ils ont jeté dans le feu leur « dieu soleil » pour soulager une crise collective. Nous ne sommes pas différents d’eux et nous reproduisons le même type de comportement en votant pour ou contre l’exclusion de participants dans les jeux du cirque organisés par la télévision.

              C’est peut-être plus difficile que nous puissions le croire, mais admettons. Cela laisse-t-il supposer un quelconque universalisme ? Mais peut-être n’est-ce pas le propos de Girard, il insiste sur une proximité comportementale entre deux cultures, ce qui est important.

              Cet ancrage dans le réel me semble être l’une des grande originalité de René Girard par rapport aux autres penseurs de son temps.

              Et le problème du réel est qu’il est quasiment impossible d’énumérer de façon exhaustive l’ensemble des comportements culturels ; par cette voie, il ne recherche donc pas à démontrer la nature universelle de l’homme.

              Il reste cependant très pertinent de noter les corrélations existantes entre différentes cultures. Cela devrait nous inciter à nous plonger plus dans l’histoire de l’humanité afin d’analyser comment de tels comportements connexes peuvent exister ; une sorte de réflexe pavlovien ? smiley

              En tout cas, vous avez créé, chez moi, un attrait pour cet anthropologue dont je ne connais pas l’ampleur des travaux ; je vous en remercie.


            • Marie Pierre 10 octobre 2007 23:17

              Comme d’habitude, Christophe, commentaire excellent.

              Merci à vous.


            • Marc P 10 octobre 2007 20:12

              Bonjour à tous...

              en effet nul n’est prophète en son pays... Cela est encore plus vrai d’un philosophe français (pays laïciste s’il en est...), protestant, dont la grille de lecture de ce monde et de son histoire est une théorisation innovante de l’histoire religieuse de l’occident ou judéo-chrétienne... chacun peut à partir de cette lecture donner un sens inédit à son existence...

              Je dois admettre pourtant que lorsqu’il est devenu immortel revêtu de l’habit vert, cela m’a quelque peu choqué...

              En outre interrogé sur l’application de sa théorie à l’Islam, il a dit qu’il connaissait très peu ou pas du tout cette religion...

              Toutefois il affirme que sa théorie s’applique d’une façon universelle à toute les cultures...

              Il conserve toutre mon admiration, et mon respect, mais certains aspects de se vie et de son approche me questionnent cependant...

              Bien à vous...

              Marc P


              • miaou miaou 10 octobre 2007 20:35

                « en effet nul n’est prophète en son pays... Cela est encore plus vrai d’un philosophe français (pays laïciste s’il en est...), protestant »

                René Girard est catholique romain (il se dit même converti)

                « En outre interrogé sur l’application de sa théorie à l’Islam, il a dit qu’il connaissait très peu ou pas du tout cette religion... »

                Cela relève de la prudence la plus élémentaire. René Girard insiste même sur certains aspects non-sacrificiels de l’Islam, issus de son héritage.

                Mais pour bien comprendre l’application des théories de René Girard à l’islam, relire attentivement la fameuse tribune de Redeker, dont le trait le plus remarquable concerne la mise en évidence de ses aspects sacrificiels (donc archaïques) de l’Islam : Aid al Kebir, simulation de la lapidation de Satan...

                On comprend ainsi mieux la prudence de René Girard sur cette question, et la réticence de nombre de musulmans à l’égard de ses thèses...


              • Luciole Luciole 10 octobre 2007 20:54

                à Miaou

                La réticence ne concerne pas que les musulmans. J’ai vu des catholiques réagir de façon assez agressive face à ses thèses. Il a plutôt été mieux accueilli chez les protestants, mais avec une certaine gène néanmoins. J’ai plutôt le sentiment que l’accueil que l’on fait aux théories de Girard tient beaucoup d’un parcours intellectuel personnel. En particulier, les personnes ayant vécu des expériences d’exclusion dans leur famille ou en groupe y sont particulièrement sensibles.


              • miaou miaou 10 octobre 2007 21:12

                @ Luciole

                tout à fait d’accord


              • Marc P 10 octobre 2007 21:35

                Bien d’accord Miaou, merci pour ces mises au point,

                d’origine protestante, il s’est converti relativement récemment je crois au catholicisme, je l’avais oublié...

                Bien d’accord encore, la prudence est de mise et la réticence compréhensible...

                Marc P


              • Marc P 10 octobre 2007 22:11

                « Les choses cachées depuis la fondation du monde »

                de R. Girard

                c’est le livre qu’il m a été donné de lire il y a 25 ans à peu près...

                Marc P


                • Luciole Luciole 10 octobre 2007 22:20

                  @ Marc P

                  Ce texte est construit sous forme d’un dialogue avec deux psychiâtres, Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort. Beaucoup d’ouvrages réçents de Girard sont construit sur ce modèle, mais je dois avouer que je me délecte bien plus en lisant ses subtiles analyses de textes littéraires et de mythes.

                  Je porte à votre connaissance une conférence qui va se tenir le 25 octobre à l’Hôpital Américain de Neuilly et qui porte sur la confrontation des théories de Girard avec le développement réçent des neurosciences, en particulier sur la question des neurones miroirs.

                  Aurait-on découvert le siège biologique du mimétisme ?


                • Marc P 11 octobre 2007 09:56

                  Merci Luciole pour l’info... J’ai du lire des choses sur cette problématique (mimétisme et neurones miroirs.

                  Le traitement de la question du mimétisme et de sa centralité par Girard, mériterait sans doute un article... ???

                  Merci aussi pour votrepapier intéressant.

                  Enfin je ne suis pas sûr que cette affirmation soit encore pertinente... :

                  « Les intellectuels de gauche sont persuadés que l’idéologie dominante correspond à l’ordre moral conservateur et catholique ».

                  Cordialement.

                  Marc P


                • Luciole Luciole 11 octobre 2007 10:45

                  @ Marc P

                  J’admet que j’aurais pu trouver une référence plus moderne, telle que l’affairisme et les doctrines néo-libérales, mais elles font moins l’unanimité de la gauche entière que de l’extrême gauche dans la mesure où la gauche modérée a souvent peur d’être taxée d’archaïsme si elle s’attaque trop au système économique libéral. Cette difficulté à trouver un bouc émissaire commun pourrait d’ailleurs en soi faire l’objet d’un article, mais j’avoue que votre proposition d’en écrire un sur le mimétisme et les neurones miroirs m’intéresse beaucoup plus.

                  Néanmoins, j’en saurais un peu plus après avoir assisté au colloque auquel René Girard sera effectivement présent.

                  J’ai surtout été facinée par la façon dont les neurones miroirs ont été découvert. Des chercheurs faisaient une expérience sur les neurones impliqués dans le geste d’un macaque pour prendre une pomme et la porter à sa bouche. Lorsqu’il effectuait ce geste, les électrodes placées à des points précis de son crâne s’allumaient. Lorsque l’on éloignait la pomme, malgré le désir « autonome » du singe de manger la pomme, les électrodes ne réagissaient pas. Or, voici qu’entre dans la salle un étudiant en train de manger une glace et que les électrodes émettent le signal voulu, indiquant que le singe s’identifiait à l’étudiant en train de manger sa glace et copiait le geste dans son cerveau.

                  Les neurones miroirs seraient particulièrement à l’oeuvre dans les mécanismes d’empathie ou d’ennervement mutuel. De là à imaginer leur rôle dans le désir mimétique, il ne semble y avoir qu’un pas, mais je n’en sais pas plus aujourd’hui.


                • Marc P 11 octobre 2007 19:04

                  Merci Luciole pour ces rappels...

                  En effet, par exemple lorsque qu’on assiste à un spectacle sportif ou de danse, il me semble que les neurones miroirs sont activés et on mobilise les mêmes zone cérébrales que lorsqu’on effectue soi même le mouvement (sport ou dance pas seulement par procuration, mais aussi par « identification », mimétisme mental)...

                  Vous nous en direz plus long dans un prochain article je l’espère...

                  J’ai été fasciné par ce bébé de quelques semaines seulement à qui un ami des parents jusque là inconnu de lui tire la langue très ostensiblement en le regardant comme pour le saluer... Quelques jours plus tard, il recroise le bébé dans un magasin, lequel dès le 1er regard lui tire la langue de la même manière en le reconnaissant... Ils disent que c’est reproductible inmanquablement...

                  Oui , dire que Les intellectuels de gauche sont persuadés que l’idéologie dominante correspond à l’ordre moral conservateur et catholique ne colle plus tout à fait à la réalité... vous parlez de l’affairisme et les doctrines néo-libérales qui certainement choquent la pluspart des intellectuels de gauche mais que tous ne dénoncent pas ouvertement...

                  Il me vient à l’esprit l’idée suivante :

                  pour la gauche française l’idéologie dominante disons de droite au sens large (une certaine gauche libérale y compris)est une absence désespérante de distanciation et d’esprit critique vis à vis de « règles » économico-financières et des résultats de leur mise en oeuvre, mesurant tout et son contraire à l’aune du profit. elle a renoncé à tout instrument intellectuel ou éthique pour justifier ou non, légitimer ou non des choix, des stratégies, des opérations socio-économico-financières, micro-, macro-économiques, à l’international également...

                  L’ignorance des facteurs sociaux ou psychosociaux, voire historiques ou culturels induisant nos choix de société fait de nous des pantins infatués au service de Mammon...

                  Ce qui me fait le plus peur est la marchandisation de la valeur travail mesurée par le degrès d’interchangeabilité... Sans le SMIC il n’y a pas de raison de payer 1 euro de l’heure un travail pénible répétitif et sans qualification... Cela n’a aucun sens...

                  Cordialement...

                  Marc P


                • Francis, agnotologue JL 10 octobre 2007 22:26

                  bonsoir Luciole : «  »Et par-dessus tout, que faire d’une théorie qui (...) s’agenouille avec humilité devant le pire repoussoir des intellectuels français, le christiannisme ? «  »

                  Je ne vois pas bien ce que signifie ce mélange des genres, le christianisme est tout ce qu’on veut, sauf une théorie.

                  Ah ! Le pire repoussoir des intellectuels dites-vous ? Des intellectuels français ? Le mystère s’épaissit. smiley


                  • Francis, agnotologue JL 10 octobre 2007 22:38

                    PS : j’ai dans ma bibliothèque deux des ouvrages cités plus haut. J’ai à plusieurs reprises essayé de les lire. Je n’ai jamais réussi à tenir plus d’un quart d’heure. Je passe peut-être à coté d’une révélation ... smiley

                    Promis, je vais essayer de nouveau. smiley


                  • Luciole Luciole 11 octobre 2007 08:29

                    @ JL

                    Il aurait été malhonnête de ma part de ne pas parler du rôle du christiannisme dans les théories de René Girard, puisqu’il y consacre au moins un ouvrage entier, « le Bouc Emissaire ». Si j’ai employé le mot « s’agenouiller » c’est que, concrètement, Girard s’agenouille quand il va à l’église, ce qui dérange un peu ses admirateurs. Mais il aurait dit que s’agenouiller devant Dieu est pour lui la seule façon de ne pas s’agenouiller devant les hommes. Or, ses théories ne font que démontrer à quel point « les hommes sont des dieux pour les hommes » et que nous sommes souvent trop les esclaves mimétiques les uns des autres.

                    En ce qui concerne l’aspect repoussoir du christiannisme, j’en ai fait l’expérience dès ma classe de terminale quand j’ai parlé de Girard à mon prof de philo, un fervent admirateur de Nietzsche. Il est entré tout de suite en conflit avec moi en accusant Girard de vouloir rechristianniser l’Europe. J’ai pu faire cette expérience de nombreuses fois par la suite et j’ai pu constater en en discutant autour de moi que je n’étais pas la seule à observer ce phénomène.

                    Le fait qui peut paraître étrange, c’est que les Evangiles, mais également de nombreux passages de la Torah, sont effectivement pour Girard avant tout des textes de théorie anthropologique, bien plus que des textes « religieux ». Autrement dit, Girard semble penser que si Dieu s’est adressé aux hommes, c’est avec la vocation scientifique de leur expliquer le fonctionnement sous-jaçent de leurs comportement et de leurs institutions. Simplement, l l’a fait avec un langage imagé et accessible à tous.

                    Par ailleurs, quand on dévoile un système, on a tendance à le détruire. C’est pourquoi ces textes s’efforcent également de proposer une modalité aternative de régulation de la violence entre les hommes, qui n’est autre que la non violence.


                  • Francis, agnotologue JL 11 octobre 2007 10:15

                    Luciole, merci pour cette explication élaborée qui est en même temps une perche tendue pour dénaturer votre sujet.

                    Je crains que vous ne soyez en train de faire ici au plan des sciences humaines, ce que font au plan des sciences physiques les partisans de Dessein intelligent. Bien que la tentation soit forte, je ne veux pas en abuser.

                    Je note que vous écrivez : « Par ailleurs, quand on dévoile un système, on a tendance à le détruire ».

                    C’est très intéressant car c’est un peu ce que dit la théorie quantique. En somme, pour rebondir sur cette analogie, on pourrait dire que dieu n’est pas discible.

                    C’est une piste qui évacuerait les querelles de religions. smiley


                  • Marc P 11 octobre 2007 19:09

                    Bonjour JL,

                    « Par ailleurs, quand on dévoile un système, on a tendance à le détruire ».

                    Peut être Luciole a t elle voulu dire que lorsqu’on décortique ou analyse un système, en effet, on le démonte, on le déconstruit et les failles que cela révèle nous font nous tourner vers ou en rechercher, en élaborer un autre....

                    Mais je ne veux pas parler à sa place...

                    Marc P


                  • Luciole Luciole 11 octobre 2007 20:49

                    @ Marc P

                    Merci pour votre intervention. Si je peux préciser, non pas ma pensée, mais ce qu’elle a compris de l’oeuvre de Girard, un mode de fonctionnement anthropologique ou psychologique est d’autant plus efficace qu’il n’est jamais explicité, voire fait l’objet d’un tabou complet.

                    Prenons une famille dans laquelle l’un des enfants, le cadet, est le souffre-douleur de la famille. Il développe rapidement des symptômes psychopathologiques qui renforcent l’idée de ses persécuteurs selon laquelle l’enfant a mérité les mauvais traitements et persécutions qu’il subit. Généralement, l’enfant se met à les provoquer, par un comportement agressif ou excentrique, dès qu’il sent l’équlibre de la famille en danger. Si une personne extérieure intervient et révèle que l’unanmité familiale repose sur la persécution de l’enfant, le système ne pourra plus aussi bien fonctionner qu’avant. Il y aura comme un grain de sable dans les rouages. La conséquence peut être une crise violente de la famille entière qui est susceptible de se disloquer pour avoir perdu son mécanisme émissaire régulateur.

                    Cet exemple permet d’expliquer notamment la phrase étrange des évangiles selon laquelle « dans chaque famille, deux seront divisés contre trois et trois contre deux ». Les évangiles sont parfaitement conscients, selon Girard, du processus apocalyptique dans lequel la révélation du mécanisme de la victime émissaire peut entraîner l’humanité. Au reste, Apocalypse veut dire « révélation »...


                  • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 octobre 2007 09:30

                    Comme je l’ai fait à plusieurs reprises, ces dernières années, auprès de revues qui publiaient des commentaires de René Girard sur l’actualité, comme je l’ai fait encore récemment auprès de la revue Oasis, qui espère avoir prochainement un entretien avec René Girard je veux poser ici à Luciole (qui nous annonce une prochaine conférence « de » ou « sur » RG à l’hôpital Américain de Neuilly ?) une simple question. Elle porte sur une curieuse complaisance de RG, converti au catholicisme, sur l’institution catholique d’aujourd’hui.

                    Si j’ai bien compris René Girard, l’homme (l’être humain, homme et femme) a d’abord cru à la nécessité d’une certaine forme de violence « sacrée » pour canaliser la violence humaine, pour stopper sa tendance à se reproduire indéfiniment (notamment, dans chaque cas de violence subie, à cause du besoin de vengeance des proches de la victime). L’homme a ensuite trouvé la solution en créant l’institution judiciaire moderne qui élimine la « nécessité » de la violence sacrée.

                    Comment comprendre alors que René Girard supporte la conception très officielle de l’église catholique actuelle, conception vieille de presque 2000 ans et qui fait toujours de très nombreuses victimes, selon laquelle les violences commises AU NOM de Dieu dans l’Ancien Testament étaient bien des violences réellement VOULUES PAR DIEU ?

                    Pierre Régnier


                    • Luciole Luciole 11 octobre 2007 10:28

                      @ Pierre Régnier

                      Ce qui me surprend, mais je n’ai sans doute pas lu tous les commentaires de René Girard sur l’actualité, c’est de ne pas me souvenir avoir vu cela sous sa plume. Au contraire, dans son analyse du Livre de Job, les deux amis de la victime essayent de le convaincre que les violences qu’il subit sont voulues par Dieu. Or, selon Girard, Job refuse cette interprétation et s’indigne de ce que ses amis se joignent à ses persécuteurs pour l’accuser et l’humiler. Il défend donc une conception de dieu assez différente, d’un dieu qui défend avant tout les victimes.

                      Je crois qu’il ne faut pas oublier que l’Ancien Testament est un ouvrage d’une grande richesse et d’une extrême complexité, qu’il faut se garder de juger sommairement. Girard souligne surtout que la violence n’y est jamais dissumulée, même lorsqu’elle est indigne et gênante, ce qui est d’une extrême nouveauté dans l’histoire des mythes.

                      Il a souvent été reproché à Girard une attitude complaisante à l’égard du « christiannisme historique » et de ses heures les moins glorieuses. Il me semble que Girard répond avant tout qu’il est facile de dire aujourd’hui que « si nous avions été à la place de nos pères, nous n’aurions pas commis ces crimes ».

                      Au reste, dans ses ouvrages récents, Girard se montre finalement assez indulgent avec la religion chamanique sacrificielle, qui a finalement sauvé l’humanité, dans un premier temps, de sa propre auto-destruction par les rivalités mimétiques et qui a adouci les moeurs. Il indique en particulier que les seules sociétés qui ont survécu sont celles qui ont eu recours au sacrifice.

                      Néanmoins, le fait de dénoncer par exemple le sacrifice systématique des nouveaux-nés (en particulier des garçons premiers-nés en Mésopotamie, coutume à laquelle s’est opposé Abraham, et des filles dans le monde grec antique)est perçu par Girard comme un grand progrès de l’humanité vers la non-violence et la justice.

                      Mais l’abandon du sacrifice humain fragilise les sociétés archaïque et le sacrifice animal n’est qu’un succédané moins efficace. Le fait de parvenir à une religion non violente est un pari énorme, mais qui ne va pas sans de nombreux accidents et retours en arrière, parce que la violence est la réaction spontannée de l’être humain pour résoudre ses désordres sociaux.

                      Girard, je crois, a une vision de l’humanité qui ne commence pas il y a 2000 ans, mais plutôt il y a 300.000 ans, voire plus.

                      Concernant la Justice comme institution, c’est encore une évolution vers la non-violence, quoique les sociétés modernes aient encore tendance à abuser un peu de ce système et produisent une surpopulation carcérale qui atteint des sommets aux Etats-Unis et en Russie.


                    • Esteban Manchego Esteban Manchego 11 octobre 2007 11:29

                      Merci pour cet article intéressant, sur un auteur effectivement méconnu. Cela fait plusieurs fois que je le retrouve sur mon parcours et que je me dis qu’il faudrait que je le lise. Mais effectivement, le côté apologie du christianisme constitue un repoussoir assez important. Quand je vois des titres comme « Je vois Satan tomber comme l’éclair », ça me hérisse mes poils d’athée... Enfin bon, il doit sûrement y avoir des choses à en retirer, vu justement, le nombre de fois où je le vois réapparaître.

                      Par rapport à l’opposition à Lévi Strauss, j’ai quelques doutes sur votre interprétation mais je vais vérifier.


                      • Esteban Manchego Esteban Manchego 11 octobre 2007 11:46

                        Je confirme mon désaccord sur l’interprétation que vous faîtes de Lévi-Strauss. Vous en faîtes un relativiste alors que l’objet même du structuralisme est de retrouver des structures fondamentales inhérentes à toutes les sociétés humaines. C’est, pour Lévi-Strauss, le cas de la prohibition de l’inceste dans le domaine de la parenté. Il est donc plutôt universaliste.

                        Maintenant, on peut ne pas être d’accord avec Lévi-Strauss, personnellement, je le trouve trop rousseauiste, formaliste et un peu abscons mais là quand même vous lui prêtez des positions contraires à la sienne.


                      • Luciole Luciole 11 octobre 2007 12:05

                        @ Esteban Manchego

                        Pour répondre à votre première question, il y a beaucoup de personnes tout à fait athées qui sont passionnées par les théories de René Girard. Il s’ensuit des débats sans fin pour savoir dans quelle mesure la révélation du mimétisme et des phénomènes sacrificiels présupposent ou non l’existence de Dieu. La question qui est posée est en particulier de savoir si, lorsque l’on se trouve à l’intérieur d’un système, on a la capacité de le voir de l’extérieur. Autrement dit, comment l’humanité pouvait-elle découvrir par elle-même le mécanisme sacrificiel sur lequel reposait son organisation sociale. Bizarrement, c’est plutôt René Girard lui-même qui a affirmé récemment que l’être humain était devenu tellement intelligent vers la fin de l’antiquité qu’il allait d’une façon ou d’une autre finir par comprendre. La révélation divine n’est donc pas pour lui nécessaire à l’exhumation du mécanisme victimaire.

                        Concernant Claude Levy-Strauss, il ne vous a pas échappé que je n’étais pas tellement spécialiste de sa pensée (d’autant que je suis économiste de formation) et j’avoue que ma lecture des débats spécifiques initiés par « La Violence et le sacré » serait à réactualiser.

                        J’ai néanmoins souvent entendu dire qu’il était le père du relativisme, mais si ce n’est lui, qui est-ce donc ? A moins que sa pensée n’ait été hativement vulgarisée ? Si vous vous y connaissez mieux que moi (et en l’attente que je fasse aussi quelques recherches de mon côté), cela m’intéresserait beaucoup.


                      • Esteban Manchego Esteban Manchego 11 octobre 2007 12:44

                        Chère Luciole,

                        Comme je le disais dans mon commentaire mes appréhensions vis-à-vis de Girard relèvent plus de l’a priori que d’autre chose et cette discussion a attisé ma curiosité pour cet auteur.

                        Pour ce qui est du relativisme culturel (je m’en réfère à mes lointains souvenirs), si l’on peut difficilement parle de paternité unique, c’est un courant essentiellement issu de l’anthropologie américaine à la suite des travaux de Franz Boas, qui voulait rompre avec l’évolutionnisme (théorie universaliste) en vogue à l’époque, en se concentrant sur les faits propres à chaque société, sans tenter de généralisation. La figure emblématique du relativisme culturel comme tel sera cependant Margaret Mead qui étudie les différences de comportement des adolescents dans les îles du Pacifique.

                        Cordialement,


                      • Christophe Christophe 11 octobre 2007 12:44

                        @Esteban,

                        Vous en faîtes un relativiste alors que l’objet même du structuralisme est de retrouver des structures fondamentales inhérentes à toutes les sociétés humaines.

                        Je confirme votre propos. Le struturalisme est utilisé dans l’approche classificatoire des connaissances du monde. Le structuralisme se positionne favorablement à une classification universelle au niveau de l’intelligible. Par contre, il ne pose pas d’hypothèse sur l’universalisme des actions. L’approche globale de Levi-Strauss pourrait se résumer par : L’activité classificatoire est la forme la plus élémentaire de la représentation. Le savoir naturel est classificatoire ; on classe comme on peut, mais on classe. Du point de vue de la relation avec l’environnement, classer signifie reconnaître un certain nombre de discontinuités vitales. L’activité de classification représente la condition minimale de l’adaptation.

                        Nous retrouvons ce découpage dans les approches du sémanticien Rastier concernant les cinq acceptions de ce que nous appelons des concepts. Lévi-Strauss opte pour un universalisme de premier niveau : le concept est une forme de la pensée humaine qui permet de dégager les caractères généraux essentiels, des choses et des phénomènes de la réalité objective ; c’est-à-dire une représentation mentale, générale et abstraite d’un objet. Ce concept, philosophique et logique, n’a pas nécessairement de rapport avec les systèmes de signes, la symbolique d’une culture.

                        Par contre, il me semble que Lévi-Strauss ne remet pas pour autant en cause le relativisme symbolique. Il fait une distinction entre le monde de l’intelligible et le monde des actions.


                      • Luciole Luciole 11 octobre 2007 14:20

                        @ Christophe

                        Si je vous suis bien, Levy-Strauss accepterait sur le fond la continuité de l’esprit humain mais aurait tendance à raisonner de façon « discrète » (en terme mathématique) en ce qui concerne la culture et les symboles. Il me semble avoir lu quelque chose là-dessus, mais cela remonte à loin. Quoiqu’il en soit, la classification n’est peut-être pas le dispositif le mieux à même de dévoiler les rapports de causes à effets entre différents aspects d’une culture et de mettre par là en lumière les points communs qui existent entre différentes cultures en termes de processus et de genèse. Il est possible que, comme le souligne Esteban Manchego, Levy-Strauss tout à son effort louable pour réhabiliter l’image des cultures archaïque face à l’arrogance ethnocentriste occidentale, ait eu peur de dévoiler la violence qu’il pouvait deviner dans les myhtes qu’il étudiait. Je suis persuadée que si Girard n’a jamais eu cette crainte, c’est qu’il est intimement convaincu de l’égalité entre les humains et j’ai en particulier rarement rencontré d’auteur aussi peu sexiste.

                        Je crois qu’il a été dit de Girard qu’il était en quelque sorte un historien des religions dans la mesure où il s’intéresse particulièrement à leur genèse et à leur évolution. Ainsi, il a démontré à travers de nombreux textes antiques la façon dont les mythes grecs s’adoucissaient au cours du temps. On passe de Chronos qui dévore ses enfants, de Jupiter dévoré bébé par les Titans puis revomi par ces derniers dans les récits primitifs, à une idéalisation de l’Olympe figurant la perfection physique dans les derniers temps de la Grèce Antique. Girard souligne que l’idéalisation est à double tranchant, puisque d’un côté, en masquant la violence, elle adoucit la société et d’un autre côté, elle fait perdre en efficacité les rituels religieux et peine à enrayer les crises sociales.


                      • Christophe Christophe 11 octobre 2007 16:48

                        @Luciole,

                        Si je vous suis bien, Levy-Strauss accepterait sur le fond la continuité de l’esprit humain mais aurait tendance à raisonner de façon « discrète » (en terme mathématique) en ce qui concerne la culture et les symboles. Il me semble avoir lu quelque chose là-dessus, mais cela remonte à loin.

                        En effet, c’est du moins ainsi que j’ai pu utilisé son approche dans mes travaux qui eux aussi sont lointains ! smiley

                        L’approche de Lévi-Strauss tend vers le formalisme mathématique (reproche recevable d’Esteban) ; du moins en terme de représentation de connaissance.

                        Quoiqu’il en soit, la classification n’est peut-être pas le dispositif le mieux à même de dévoiler les rapports de causes à effets entre différents aspects d’une culture et de mettre par là en lumière les points communs qui existent entre différentes cultures en termes de processus et de genèse.

                        La causalité, et nous sommes d’accord, ne peut pas être totalement couverte par la classification. Cette dernière ne permet que de dissocier les concepts abstraits entre eux ; quoique les frontières franches entre les concepts est loin d’être une évidence.

                        Auparavent, d’un point de vue plus technique, nous utilisions des hiérarchies conceptuelles. Aujourd’hui, nous travaillons plus sur des treillis conceptuels avec une foultitude de lien entre eux ; dont des liens de causalité mais qui sont, à mon sens, peu performants. Pour la causalité, j’ai plutôt tendance à intégrer des notions de logiques par le biais de l’approche existentielle de Sanders Peirce ou l’approche conceptuelle de Sowa (extension de l’approche Peircienne).

                        Il est possible que, comme le souligne Esteban Manchego, Levy-Strauss tout à son effort louable pour réhabiliter l’image des cultures archaïque face à l’arrogance ethnocentriste occidentale, ait eu peur de dévoiler la violence qu’il pouvait deviner dans les myhtes qu’il étudiait.

                        Peut-être, mais je préfère plutôt, dans l’analyse des cultures archaïques, l’approche de Malinowski (passant du structuralisme au fonctionnalisme). Dans son étude sur les peuplades mélanésiennes, il ne retrouve pas le complexe d’Oedipe, principalement dû aux relations familiales très particulières des tribus étudiées, ni l’aspect des sacrifices humains dont le bourreau serait les autres. Je ne puis que vous renvoyer sur une partie de ses travaux

                        Je suis persuadée que si Girard n’a jamais eu cette crainte, c’est qu’il est intimement convaincu de l’égalité entre les humains et j’ai en particulier rarement rencontré d’auteur aussi peu sexiste.

                        Pour ma part, j’ai sans doute une approche trop scientifique de l’anthropologie, mais on ne se refait pas, même si nous essayons de modérer nos propres tendances. Je pense cependant que Lévi-Strauss et bien d’autres sont convaincus de l’égalité entre les humains. La seule nuance est qu’ils n’ont pas la même façon de transposer, dans leurs actions, des valeurs pourtant identiques à la base ; vous retrouvez d’ailleurs cette même problématique dans la fonction inverse qu’est l’interprétation. Beaucoup de philosophes de l’esprit ont abordé ce point et abondent en ce sens. Nous pourrions dire que si il existe une réalité, il existe plusieurs vérité selon les différentes interprétations que chacun fait d’une même situation.

                        Je crois qu’il a été dit de Girard qu’il était en quelque sorte un historien des religions dans la mesure où il s’intéresse particulièrement à leur genèse et à leur évolution. Ainsi, il a démontré à travers de nombreux textes antiques la façon dont les mythes grecs s’adoucissaient au cours du temps. On passe de Chronos qui dévore ses enfants, de Jupiter dévoré bébé par les Titans puis revomi par ces derniers dans les récits primitifs, à une idéalisation de l’Olympe figurant la perfection physique dans les derniers temps de la Grèce Antique. Girard souligne que l’idéalisation est à double tranchant, puisque d’un côté, en masquant la violence, elle adoucit la société et d’un autre côté, elle fait perdre en efficacité les rituels religieux et peine à enrayer les crises sociales.

                        Je ne pense pas à l’idéalisation en exprimant l’abstraction conceptuelle, cette démarche permet d’approcher le plus petit dénominateur commun de l’entendement universel. Nous n’appliquons cette approche qu’à des notions abstraites ; liberté, justice, amour, haine, ... L’idéalisation consiste à exprimer que nous détenons une Vérité. Vu mon propos précédent, il serait contradictoire d’abonder dans le sens de l’idéal. Dans les raisonnements je me contente d’une notion de plausibilité et non de vérité.

                        Tous les concepts abstraits peuvent prendre une forme différentes dans leur pratique ; tout se résume au compromis communément admis entre chaque valeur et le poids de son opposé. Dans une société, entre le blanc et le noir, il existe une foultitude de gris.

                        Ce qui reste assez surprenant concernant ce que vous dites sur Girard est qu’il reconnais certaines dicontinuités temporelles (Il me semble que Girard répond avant tout qu’il est facile de dire aujourd’hui que « si nous avions été à la place de nos pères, nous n’aurions pas commis ces crimes ».) mais, a priori, pas spatiales. Si je le suit sur le temporel, je reste sceptique sur l’aspect spatial.


                      • Luciole Luciole 13 octobre 2007 16:12

                        Bonjour Christophe,

                        Merci pour vos commentaires très intéressants (même si je ne connais pas tous les auteurs que vous citez).

                        Pour revenir à votre dernière idée, je vais paraître extrêmement pompeuse en rappelant qu’Einstein avait découvert que l’espace et le temps n’étaient pas deux dimension totalement discontinues...

                        Il me semble que dans les théories de Girard, il existe effectivement une discontinuité temporelle, mais qui relève plus de l’évolution que d’autre chose (Girard aime d’ailleurs plus se comparer à Darwin qu’à Copernic).

                        Les discontinuités spatiales peuvent donc s’interpréter non pas comme des différences ontologiques majeures entre différentes catégories d’êtres humains, mais plutôt comme la résultante d’un équilibre « écologique » local, qu’une perturbation extérieure peut remettre en question, voire anéantir.

                        Pour vous montrer toutefois à quel point Girard ne voit pas de fondement métaphysique à la discontinuité spatiale, c’est qu’il admet d’appliquer « à peu près » les mêmes mécanismes fonctionnels de base (le lynchage unificateur) à l’homme moderne comme au Néandertal, mais même aux dauphins et aux chimpanzés.

                        La discontinuité temporelle est introduite soit par une pacification temporaire de la société qui peut conduire à une idéalisation des formes du sacré (ou des valeurs philosophiques ?) soit par un message subversif qui empêche le mécanisme victimaire de fonctionner correctement et l’oblige à s’adapter vers des formes culturelles plus sophistiquées.


                      • Christophe Christophe 14 octobre 2007 01:44

                        Bonjour Luciole,

                        Il me semble que dans les théories de Girard, il existe effectivement une discontinuité temporelle, mais qui relève plus de l’évolution que d’autre chose (Girard aime d’ailleurs plus se comparer à Darwin qu’à Copernic).

                        Ne connaissant pas bien l’approche girardienne, je commence à mieux la percevoir, il me semble. Il recherche le fil conducteur animal qui persiste en l’homme ; objectant, je suppose, que l’approche de la raison faite par Nietzsche masque le fait que l’animal humain ne parvient pas à transcender la violence bestiale qui l’anime toujours. Il prend à contre pied tout autant Socrate qui exprimait qu’il vaut mieux subir une injustice qu’en commetre une.

                        Les discontinuités spatiales peuvent donc s’interpréter non pas comme des différences ontologiques majeures entre différentes catégories d’êtres humains, mais plutôt comme la résultante d’un équilibre « écologique » local, qu’une perturbation extérieure peut remettre en question, voire anéantir.

                        Sur ce point, nous sommes d’accord. Seuls les évolutionnistes en anthropologie abordaient ce différentiel par une catégorisation créant des sous-hommes ; nous savons, aujourd’hui, où cela nous a mené ; c’est, pour Annah Arendt, l’une des cause qui a conduit à bien des génocides en permettant d’avoir la conscience tranquille.

                        Pour vous montrer toutefois à quel point Girard ne voit pas de fondement métaphysique à la discontinuité spatiale, c’est qu’il admet d’appliquer « à peu près » les mêmes mécanismes fonctionnels de base (le lynchage unificateur) à l’homme moderne comme au Néandertal, mais même aux dauphins et aux chimpanzés.

                        Ou même le suicide individuel ou collectif pour le bien du groupe. Des rats, en Chine, avait eu un tel comportement, se noyant par centaines dans une période de surpopulation. Quant au lynchage unificateur, nous le retrouvons dans les bizutages, mais il doit pouvoir prendre d’autres formes !

                        La discontinuité temporelle est introduite soit par une pacification temporaire de la société qui peut conduire à une idéalisation des formes du sacré (ou des valeurs philosophiques ?) soit par un message subversif qui empêche le mécanisme victimaire de fonctionner correctement et l’oblige à s’adapter vers des formes culturelles plus sophistiquées.

                        Une forme de conditionnement dans le but d’enfouir profondément dans notre psyché les pulsions animales qui sont toujours présentes. Un refoulement, en quelque sorte. Cependant, nous savons, si nous nous référons à la psychologie ou à la psychanalyse, qu’il existe toujours des déclencheurs qui permettent à ces instincts de remonter à la surface.

                        Cela me rappelle mes anciens cours lorsque nous comparions l’intelligence naturelle à l’intelligence artificielle. Beaucoup de nos comportements naturels sont perturbés par ce que nous apprenons ; nous sommes même souvent à l’opposé des caractéristiques que la nature nous a donné.

                        Par exemple, le rationnalisme s’appuie principalement sur un principe analytique ; l’analyse n’est pas naturelle chez l’être humain, nous sommes plutôt synthétiques. L’analyse introduit la déduction alors que l’humain est naturellement inductif. L’analyse se rapproche des mathématiques qui sont extentionnelles alors que l’être humain fonctionne naturellement de façon intentionnelle.

                        Ces exemples peuvent permettre de mettre en lumière que notre formation, notre éducation, ... tendent à nous éloigner de l’animal politique que nous sommes naturellement.

                        Mais peut-être suis-je encore éloigné de ce que Girard veut mettre en avant. Il me faut lire ses ouvrages pour mieux comprendre ; même si le fait religieux n’est pas ma tasse de thé ! smiley

                        J’ai dû travailler un peu sur cet aspect entre le religieux, principalement l’influence judéo-chrétienne, et les démocraties d’aujourd’hui avec Philippe MURCIA, ancien rédacteur d’Agoravox et membre de l’Académie des Sciences de New York. Notre sujet consistait à essayer de savoir si les démocraties n’étaient pas une transposition des valeurs religieuses adaptées à la nouvelle relation entre l’homme et sa temporalité, relation introduite par les Lumières en philosophie mais dont l’origine remonte à Brunelleschi lors de la construction du dôme de Florence (1420-1434). En fait, la révolution française consacre, à mon sens, le passage de l’homme-archaïque à l’homme-perspectif. Malheureusement, le manque de temps ne nous a pas permis d’aller jusqu’au bout de cette étude ; nous étions parti d’un article qu’il avait écrit : Et si nous n’étions que des théocraties travesties !

                        Y aurait-il eu du grain pour Girard dans notre approche ? Je ne sais !


                      • Luciole Luciole 11 octobre 2007 14:35

                        @ Florentin Pfiffard

                        Il est possible que Girard ait été plus ignoré que méconnu. Sa reconnaissance à l’Académie Française n’a toutefois pas fait beaucoup de bruit, mais il est vrai que ses théories commencent à être enseignées dans les grandes écoles et un peu à l’université. Je ne pensais pas jeter la philosophie à la poubelle, même si je ne suis pas, à titre personnel, très attachée à cette discipline (peut-être à cause de mon prof de philo de terminale ?) mais il est vrai que Girard ne semble pas avoir une admiration débordante non plus pour la philosophie. Quand on lui en parle, il a tendance à jouer à l’idiot, avec un certain humour...


                      • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 octobre 2007 12:10

                        Chère Luciole

                        S’il vous plait, allez lire carrément sous le soleil car, apparemment, vous êtes mal éclairée. Vous me « répondez » en développant (bien) ce que j’ai dit moi-même de René Girard mais ne répondez pas du tout à ma véritable question : malgré ses excellentes démonstrations sur la réalité HUMAINE des violences attribuées à Dieu dans l’Ancien Testament son église catholique continue d’enseigner que ces violences SONT BIEN DE DIEU lui-même. Pourquoi n’en est-il pas, comme moi, indigné ?


                        • Luciole Luciole 11 octobre 2007 12:35

                          à Pierre Régnier

                          Girard s’est indiqné de pas mal de chose en ce qui concerne les positions et discours de l’église catholique. Mais il leur a en particulier beaucoup reproché une trop forte tendance à la mièvrerie et à l’incapacité à affronter la question de la violence intrinsèque à l’homme.

                          Il a dit de l’Ancien testament qu’il était comme la fourrure d’un animal écorché, lisse et brillant à l’extérieur, sanglant à l’intérieur.

                          Mais il faut se rappeler que René Girard reste quelqun d’assez humble et qui ne veut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » pour reprendre l’expression d’Erasme. Dans la mesure où l’église catholique continue à véhiculer le message évangélique (même si elle n’en comprend pas tout apparemment), il lui sait gré de cette tâche peu évidente étant donné le caractère profondément subversif de ce message.

                          Ayant tant dénoncé les boucs émissaires, il ne souhaite pas sans doute se joindre à ceux qui font régulièrement de l’église un bouc émissaire. Mais sa position est très délicate, je veux bien le reconnaître. D’autant que l’ancien testament ne concerne pas que l’église catholique.


                        • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 octobre 2007 14:19

                          à Luciole

                          Soit, oublions sur ce point (et sur ce point seulement) René Girard et posons-NOUS la question : comment amener l’église catholique (entre autres) à se débarrasser de sa vieille conception selon laquelle DIEU a bien COMMANDÉ ET PRATIQUÉ lui-même LE MAL, sous ses pires aspects, comme il a commandé LE BIEN, conception qui annule le meilleur du christianisme ?

                          La question est d’autant plus importante que, d’une part le gouvernement français considère aujourd’hui que « la religion a plus que jamais vocation à éclairer la sociéié » et que, d’autre part ceux qui, en France à l’UNESCO, gèrent la 3Décennie pour l’éducation à la non-violence" (à l’origine une excellente initiative) veulent faire passer dans l’enseignement de l’école publique leur thèse selon laquelle, dans les violences effectives du monde actuel, les religions ne sont que victimes.

                          Les pacifistes vont devoir être particulièrement vigilants face à cette monstrueuse tricherie.

                          Ne devraient-ils pas proposer au contraire, au moins pour la France et l’Europe une sorte de "Pacte sur la primauté absolue des Droits de la Personne Humaine par rapport à toute autre référence religieuse ou philosophique ?


                          • Luciole Luciole 11 octobre 2007 14:29

                            @ Pierre Regnier

                            Sur la question de savoir comment faire évoluer l’église catholique, il me semble que beaucoup avant nous s’y sont essayé, avec plus ou moins de succès... Mais il serait intéressant de poser la question à l’archevêque de Paris pour connaître sa position sur la question.

                            En deuxième lieu, pourriez-vous me préciser les passage de l’ancien testament que vous visez pour que je me fasse une idée plus précise.

                            Troisièmement, je me permettrais de vous poser une question que je n’ai pas moi-même réussi à trancher. La violence que les alliés ont exercé contre les Allemands pendant la seconde guerre mondiale relevait-elle du bien ou du mal ? En effet, Gandhi disait de son côté qu’il était préférable de ne pas résister par la violence aux nazis, malgré toutes les souffrances que cela pouvait engendrer. Or, les bombardements des villes allemandes ont effectivement été des massacres aussi horribles qu’inutiles, mais la spirale de la vengeance était lancée. Toutefois, que serait-il advenu sans cette riposte, la question fait droid dans le dos...


                          • Forest Ent Forest Ent 11 octobre 2007 18:28

                            @ Pierre Régnier

                            « comment amener l’église catholique à se débarrasser de sa vieille conception selon laquelle DIEU a bien COMMANDÉ ET PRATIQUÉ lui-même LE MAL »

                            Mais ceci n’est PAS DU TOUT une conception de l’église catholique !!! smiley

                            Pour celle-ci et beaucoup d’autres religions, le mal est une conséquence du libre-arbitre humain.


                          • Marc P 11 octobre 2007 20:08

                            Bonsoir Forest,

                            C’est aussi mon avis, je ne reconnais pas la position actuelle de l église catholique dans ce que dit Mr Régnier...

                            C’est important de le dire...

                            Marc P


                          • Cassandre 11 octobre 2007 14:54

                            Merci d’avoir attiré l’attention sur ce grand homme.

                            Un site de discussion et de résumés sur René Girard : http://www.cottet.org/girard/

                            Convaincu que la compréhension des mécanismes qui nous font agir sont notre seule chance de trouver les moyens d’échapper aux catastrophes imminentes que notre comportement avide boosté par la rivalité mimétique (« keep up with the Jones ») nous a mijoté, je tiens R. Girard pour LE génie du 20ème siècle dans son domaine.

                            Je compte beaucoup aussi sur les neurosciences pour établir les fondements biologiques de ces comportements d’imitation et d’imitation du désir de l’autre : neurones-miroirs bien sûr, empathie aussi (dont certaines personnes sont dépourvues et en tirent un avantage compétitif à double tranchant). Un nom qui devrait aussi atteindre une célébrité méritée : Antonio Damasio.

                            L’imitation des adultes est indispensable aux bébés et enfants pour organiser leur cerveau, mais la perpétuation de ce comportement entre adultes pose problème dès lors qu’il reste inconscient. L’application de ces recherches aux mouvements collectifs (foules) et aux techniques de manipulation (pour les dévoiler) s’impose.

                            Une course contre la montre est engagée entre notre autodestruction et la compréhension la plus universelle possible des mécanismes qui nous y conduisent. Si l’on s’en sort, R. Girard y sera pour beaucoup (ce qui n’est pas une raison pour le diviniser après sacrifice !)


                            • Luciole Luciole 11 octobre 2007 15:09

                              Bonjour Cassandre,

                              Je suis également très intéressée par les aspects neurologiques de la théorie mimétique, d’autant que je m’intéresse pour des raisons personnelles à la question de l’autisme de haut niveau, que l’on soupçonne de reposer sur un dysfonctionnement des neurones miroirs. Or, ce type d’autistes imitent très peu, éprouvent peu d’empathie (mais sont capables d’affection) et n’entrent pratiquement jamais en rivalité avec les autres, ne comprennent ni le racisme, ni le sexisme.

                              Merci pour les précisions que vous apportez sur le colloque du 25 octobre.


                            • Cassandre 11 octobre 2007 15:02

                              Pour info :

                              THEORIE MIMETIQUE ET NEURONES MIROIRS Colloque à l’Hôpital Américain de Paris jeudi 25 Octobre à 19h L’Hôpital Américain de Paris et l’Unité de Psychiatrie en partenariat avec l’Association Recherches Mimétiques vous invitent à une soirée de Formation Médicale Continue :

                              THEORIE MIMETIQUE ET NEURONES MIROIRS :

                              Les neurosciences au secours de la psychiatrie

                              Jeudi 25 octobre 2007, 19 h

                              Organisateur : Pr. Jean-Michel OUGHOURLIAN

                              * Le Pet-scan

                              Dr Jean-Marc FOULT et Dr Emmanuel FILMONT

                              * Les neurones miroirs : perspectives d’une découverte scientifique

                              Pr Pierre Bustany

                              * De l’éthologie à l’anthropologie : naissance de l’empathie

                              Pr Boris Cyrulnik

                              * Le désir mimétique dans le miroir des neurosciences

                              Pr René Girard de l’Académie française

                              * Psychopathologie interdividuelle et rivalités mimétiques

                              Pr Jean-Michel Oughourlian

                              ENTREE LIBRE

                              Lieu : Centre International d’Echanges Médicaux C.V. STARR de l’Hôpital Américain de Paris

                              Accès direct par : 55Bld du Château à Neuilly-sur-Seine 92

                              Renseignements : 01 46 41 25 91


                              • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 octobre 2007 17:02

                                Merci, Luciole, de poser des questions précises. Voici mes réponses précises :

                                1/ J’AI POSÉ la question à l’archevêque de Paris à l’époque où il se nommait Lustiger. Je n’ai pas reçu de réponse. J’avoue manquer de persévérance : je n’ai pas encore posé la question au successeur.

                                2/ Parmi cent (ou mille ?) passages de l’Ancien Testament qui vous permettront « de vous faire une idée plus précise » en voici au moins trois :
                                - Dieu a fait tuer tous les premiers-nés d’Egypte (Ex 12, 20). Coupables, les bébés, d’avoir maltraité son peuple ?
                                - Dieu a donné l’ordre à Moïse de massacrer son peuple qui avait adoré le veau d’or (un crime aussi grave que celui des nazis ?). Moïse, sans doute plus avancé que Dieu vers notre actuelle conception des droits de l’homme, a rechigné et n’a exécuté « que » 3000 de ses compagnons (Ex 32, 21)
                                - Dieu a demandé à son peuple de se préparer à exterminer les cananéens (Deut 7-20) puis de procéder à cette extermination (livre de Josué). Dans ce dernier cas il s’agissait de tenir la belle promesse faite par Dieu à son peuple de lui donner la terre de Canaan. Cette conception du « don par l’extermination », authentifiée par l’église d’aujourd’hui comme étant bien celle de Dieu il y a 3000 ans, continue de faire des « merveilles » dans le coin de la terre où Jésus a prêché pour l’amour universel. Les israéliens d’aujourd’hui ont de bonnes raisons d’adhérer à cette conception. Compte tenu que l’islam, de son côté, enseigne dans ses propres textes sacrés (dixit le Hamas) que c’est aux musulmans que le même Dieu a donné la même terre, ils ont eux aussi de bonnes raisons d’adhérer à cette conception du don de Dieu. Et la « merveilleuse » situation qui résulte de cette intelligente générosité de Dieu va pouvoir durer encore longtemps. Encore 3000 ans, peut-être, si les juifs, les chrétiens et les musulmans persévèrent dans leur « merveilleuse » conception de la « parole de Dieu »

                                3/ Sur votre troisième question, moi j’ai « réussi à trancher » : la riposte à la violence nazie relevait du bien, pas les « massacres aussi horribles qu’inutiles ». On ne peut excuser ces horreurs si leurs auteurs savaient qu’elles étaient inutiles. Mais face à la violence d’en face la violence anti-nazie était indispensable, y compris avec les RISQUES de violences inutiles. Il faut d’ailleurs rappeler et déplorer que, dans les motivations de ceux qui ripostaient aux horreurs nazies la pire de celles-ci, celle exercée contre les juifs dans les camps d’extermination, compta bien peu, même quand elle fut parfaitement connue.

                                J’aimerais que tout ça serve de leçon, y compris pour ceux qui dirigent aujourd’hui l’église catholique.


                                • miaou miaou 11 octobre 2007 18:08

                                  « Dieu a fait tuer tous les premiers-nés d’Egypte (Ex 12, 20). Coupables, les bébés, d’avoir maltraité son peuple ? « 

                                  Remarque empreinte d’un certain « sentimentalisme » tout à fait anachronique (famille très nombreuse,,,)

                                  « Dieu a donné l’ordre à Moïse de massacrer son peuple qui avait adoré le veau d’or (un crime aussi grave que celui des nazis ?) »

                                  idôlatrie susceptible de conduire (à terme) à des sacrifices humains, dans pure ligne traditionnelle sacrificielle ( Baal)

                                  « Dieu a demandé à son peuple de se préparer à exterminer les cananéens (Deut 7-20) puis de procéder à cette extermination (livre de Josué) « 

                                  Le livre de Josué est certaine celui dont l’historicité est la plus controversée (apparente absence de traces archéologiques des évènements décrits)

                                  « J’aimerais que tout ça serve de leçon, y compris pour ceux qui dirigent aujourd’hui l’église catholique. « 

                                  Le christianisme a conservé l’Ancien Testament (malgré la tentation de Marcion) dans l’idée de bien faire comprendre à la fois la genèse et la radicalité du message évangélique , mais il existe bien une certaine ambivalence de l’Eglise Catholique à l’égard de ce texte, contrairement à certains fondamentalistes protestants, qui préfèrent multiplier les références de l’AT.

                                  D’ailleurs, pourquoi cette curieuse focalisation sur l’Eglise catholique : cf crimes d’autres branches du christianisme (avec aussi leurs petits bûchers), de l’athéisme ( communisme), du néo-paganisme à grosse composante sacrificelle ( nazisme), islam (initiateur principal des guerres de religion, via le jihad ; Coran bien plus effrayant que la Bible : violence injonctive, et non simplement descriptive), le bouddhisme (obscurantisme de l’ancienne théocratie tibétaine,,,,), éventuelle mise en cause du judaïsme (qui est davantage concerné par l’Ancien Testament que le christianisme)


                                • Luciole Luciole 11 octobre 2007 19:49

                                  @ Pierre Régnier

                                  Il est très intéressant que les passages qui vous scandalisent le plus dans l’Ancien Testament correspondent pratiquement tous à l’histoire de Moïse. Il me semble que Girard l’a dit, mais je ne me rappelle plus dans quel ouvrage, Moïse est la grande figure mythologique de la Bible. Elle est beaucoup plus archaïque dans son récit et ses ressorts que l’histoire de Joseph (vendu par ses frères) pourtant plus ancienne « historiquement » mais d’une modernité étonnante.

                                  L’histoire de Moïse commence comme celle d’Oedipe et de Paris, il est d’abord un enfant trouvé. Son appartenance ethnique aux Hébreux est sujète à caution et Freud l’avait bien noté. Ensuite, comme Oedipe et comme de nombreux dieux ou héros grecs (ou encore germaniques), Moïse présente une infirmité : il est bègue. Qui plus est, il est colérique, comme Héraclès. Les 9 plaies d’Egypte peuvent correspondre à une exagération d’évènements réels, qui sont mises sur le compte de Dieu effectivement, prenant parti dans le conflit qui oppose Moïse à Pharaon. Il s’agit avant tout de la mise en scène imagée d’une grave crise sociale, et il n’est pas exclu que des esclaves juifs aient commis au cours de cette crise des exactions contre les égyptiens pour se venger des persécutions dont ils ont été victimes.

                                  L’épisode du veau d’or est particulièrement intéressant. Ici encore, la bible relate une crise interne grave au sein des Hébreux réfugiés dans le désert. Moïse prend alors la figure du grand législateur, figure très présente dans l’histoire grecque en particulier et qui correspond, selon Girard, à la mise en place de lois après la mort d’un bouc émissaire. Moïse a-t-il été lynché sur le mont Sinaï ? Le fait est que lynchage ou non, la crise tourne au vinaigre et que les Lévites (compagnons égyptiens de Moïse convertis au judaïsme) commettent un terrible massacre qui finit par calmer le jeu. Il faut absolument comparer cette version avec celle du Coran. Dans ce dernier texte, quand Moïse redescend de la montagne et constate le desordre, son frère Aaron lui dit : c’est le samaritain qui a fait le coup. Les hébreux crèvent les yeux du samaritain (on retrouve encore Oedipe) et le chassent, ce qui rétablit l’ordre.

                                  Comme pour le massacre des cananéens, il est important de noter que même dans un récit très fondateur et mythologique comme celui de Moïse, la violence n’est pas dissimulée, mais exposée jusqu’à l’écoeurement. Il faut se rappeler que dans les mythologies classiques, ce sont toujours les méchants qui se donnent la mort à eux-mêmes. ils ne sont jamais massacrés par les gentils.

                                  Voilà, je suis un peu longue, mais il y a tant à dire...


                                • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 octobre 2007 23:15

                                  à Luciole, à Forest Ent, à Marc P., à Miaou et à beaucoup d’autres.

                                  Luciole, votre « réponse » est, une fois de plus, très intéressante mais, une fois de plus, elle n’est pas DU TOUT une réponse au problème posé.

                                  Bon Dieu (c’est le cas de le dire !) catholiques convaincus (probablement très pacifiques) et autres sympathisants de l’église, OUVREZ LES YEUX ! On n’arrête pas, dans le monde d’aujourd’hui, de tuer au nom de Dieu. Y a-t-il un seul individu, sur la terre, qui l’ignore ? Parce que ceux qui tuent sont très peu nombreux (ceux qui maltraitent beaucoup moins) par rapport à l’immense majorité des croyants pacifiques ceux-ci VEULENT CROIRE que l’enseignement DOUBLE donné encore aujourd’hui par les grandes religions monothéistes n’y est pour rien. En fait ils ne veulent pas VOIR cette DUPLICITÉ (c’est intentionnellement que je procède ici à un petit glissement de sens) même quand elle est explicitement énoncée dans le très officiel Catéchisme de l’église catholique : « Dieu a inspiré les auteurs humains des livres sacrés. En vue de composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, Lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, ET CELA SEULEMENT ! » (passage 106, c’est moi qui souligne). Ce passage n’est pas le seul à RE-SACRALISER ainsi, pour le présent et pour l’avenir, la vieille conception criminogène de Dieu, en un temps où, plus que jamais, il est nécessaire et urgent de la DÉSACRALISER.

                                  Bien sûr ce n’est pas de manière totalement consciente que les papes Jean-Paul II (qui a présenté au monde le nouveau catéchisme) et Benoît XVI (qui a dirigé sa rédaction quand il était le cardinal Ratzinger) ont inclu en plusieurs endroits cette énormité dans le catéchisme. C’est seulement par aveuglement dogmatique. Ils auraient été plus attentifs (à ce qu’ils écrivaient et à la réalité du monde autour d’eux) s’ils avaient été un peu moins préoccupés par la stupide « nécessité » de montrer que, sur ce problème aussi grave comme sur les autres, l’Église n’a jamais pu se tromper ; s’ils s’étaient un peu moins consacrés au plaisir de se faire acclamer par la moitié de la planète dans des grands shows médiatiques...

                                  Oui, vous, croyants réellement animés des meilleures intentions, ne tombez pas dans le dogmatisme ! Ou sortez-en ! Ça rend vraiment aveugle et bête, le dogmatisme. Et ouvrez les yeux de vos amis, comme vous remplis de générosité, d’amour et de paix authentiques. Et geulez, avec eux, pour que votre religion sorte enfin de cette stupide et tragique schizophrénie où elle s’est elle-même enfermée !

                                  Toutes les interprétations, d’aujourd’hui comme d’hier, sur la réalité et le sens, la symbolique etc.. des actes et des écrits des CHERCHEURS DE DIEU de l’Ancien Testament et du Coran sont recevables. Ce qui ne l’est pas ou ne l’est plus, ce qui est devenu monstrueux dans le monde contemporain des droits de l’homme c’est que, lorsque les actes sont des maltraitances, des meurtres, des massacres de populations entières, et les écrits des appels à commettre ces horreurs les INSTITUTIONS religieuses réaffirment qu’il s’agit bien là d’actes et d’écrits DE DIEU LUI-MÊME. C’est cela d’abord, quoi qu’on en dise qui, comme ce fut toujours le cas, conduit aujourd’hui des fanatiques à passer à l’acte criminel.

                                  Et cela fait que les institutions religieuses SONT AUSSI RESPONSABLES, même si c’est indirectement, des crimes effectivement commis au nom de Dieu. C’est une épouvantable tricherie de laisser croire que ceux qui posent la bombe ou tiennent le couteau avec lequel on égorge sont seuls responsables.

                                  Il est plus que temps de désacraliser la violence religieuse. Si, Miaou, en l’affirmant je me focalise, comme vous dites, sur l’église catholique, ce n’est pas seulement parce que je la connais mieux que le judaïsme et l’islam. C’est aussi qu’il lui est plus facile qu’à ces autres religions de renoncer à ses erreurs, quand elles sont devenues manifestes et que leurs conséquences sont tragiques. Elle a, elle, l’Eglise catholique, un Magistère qui est précisément fait pour ça.


                                  • Forest Ent Forest Ent 12 octobre 2007 00:34

                                    L’être humain s’est diverti au fil des siècles avec ou sans prétexte à massacrer ses semblables. Ce n’est pas la religion qui explique Hitler et Staline, ni la guerre civile du Soudan entre musulmans.

                                    Bien sûr, il y a toujours eu des gens pour s’emparer des meilleures idées et les pervertir. On a tué au nom des sentiments les plus nobles, religieux ou pas, comme on a tué pour un champ ou un morceau de pain ou même pour rien du tout, par pur plaisir.

                                    Ca ne dispense pas d’essayer de comprendre les idéologies, et de voir ce qu’elles portent en elles de plus ou moins positif ou néfaste. Visiblement, vous n’en êtes pas très familier et les observez de l’extérieur sans les comprendre avec un a priori négatif.

                                    Allez à la rencontre de juifs, chrétiens, musulmans, ... et parlez en avec eux. Vous serez sans doute surpris de ne pas y trouver plus gens violents ou obtus qu’ailleurs, voire moins avec un peu de chance.

                                    C’est très sympa de ressasser l’Edit de Nantes, mais dites-moi qui d’autre en France aujourd’hui affirme que :

                                    - l’homme est la finalité de l’économie et pas le contraire,

                                    - il faut bien accueillir les étrangers parce que nous sommes tous étrangers,

                                    - il faut se soucier des pauvres et de ceux qui souffrent en général ?

                                    Un parti politique ? J’aimerais bien savoir lequel. Vous trouverez cela en toutes lettres par exemple dans la doctrine sociale de l’Eglise catholique.


                                  • Luciole Luciole 12 octobre 2007 11:39

                                    @ Pierre Régnier

                                    Je suis flattée de votre obstination à obtenir de ma modeste personne une réponse à une question aussi vaste. Je vais donc essayer de répondre de façon plus centrale puisque vous insistez, même si j’ai le sentiment de manquer de légitimité pour cela.

                                    Je suis d’une part d’accord avec Forest Ent pour dire que la violence est endémique aux rapports humains et ne se limite pas aux conflits religieux.

                                    Toutefois, il faudrait être effectivement aveugle pour nier le fait que les conflits portant sur les questions religieuses peuvent être terriblement sanglants et les guerres de religions qui ont frappé la France, l’Allemagne et les Pays bas au 16ème siècle en sont un exemple effroyable.

                                    Il y a deux questions qui en découlent :
                                    - d’une part, est-ce que l’église catholique actuelle cautionne toujours les crimes commis au cours de ces guerres ?
                                    - d’autre part, pourquoi la religion engendre-t-elle une telle violence, qui est d’autant plus choquante, il faut insister là-dessus, lorsque ces religions prèchent le pardon et l’amour ? En somme, la violence des nazis est moins choquante, parce-qu’ils n’ont jamais prétendu vouloir être gentils...

                                    Tout d’abord, je me sens quand même relativement mal placée pour défendre l’église catholique parce que je suis profondément oecuménique (judéo-chrétienne, si l’on veut) et que les positions de l’église romaine me déplaisent très souvent. Je pense qu’aucun prêtre aujourd’hui ne serait prêt à dire que le massacre de la Saint-Bathélémy a été commis au nom de Dieu. Par ailleurs, l’église romaine, je crois, a demandé officiellement pardon pour avoir déclenché les croisades. Le problème vient surtout de son positionnement par rapport à des textes considérés comme sacrés alors qu’ils devraient être considérés comme « historiques ». La plupart des chrétiens avec lesquels je discute raisonnent comme des païens, au mieux comme des bouddhistes. Ils n’ont pas réellement accès à la rationnalité des évangiles et aux lumières de l’ancien testament, aussi, par peur de perdre cette transcendance qui créé leur unanimité, ils n’osent pas se positionner de façon critique (mais les protestants le font beaucoup plus déjà).

                                    Cela m’amène directement à la question de la violence des conflits religieux. René Girard explique bien que le sacré est ce qui permet aux êtres humains d’éviter de s’entre-tuer à l’occasion des rivalités mimétiques. Le sacré est, comme son nom l’indique, fondamentalement sacrificiel. La pensée humaine est naturellement emprunte de chamanisme et tend à l’idôlatrie et au lynchage. Lorsque vous attaquez les dogmes ou les coutumes qui structurent la pensée magique d’un groupe, vous mettez immédiatement en périls les liens communautaires de ce groupe et vous le menacez de dislocation. Or, l’être humain, malgré l’avancée importante de l’individualisme, supporte pratiquement aussi mal de ne plus avoir de groupe que d’être condamné à mort. C’est pourquoi les conflits religieux engendrent des réactions extrêmement violentes, car les personnes préfèrent encore mourir pour préserver les fondements de la cohésion de leur groupe que de voir ce groupe éclater, ce qui anihile encore bien plus leur sentiment d’existence.

                                    René Girard est convaincu que le travail de sape du message judéo-chrétien a favorisé le développement de l’individualisme tout en évitant aux sociétés modernes de trop sombrer dans la violence (mais Auschwitz et Hiroshima nous ont montré jusqu’où pouvait aller la violence en cas de crises de la modernité). L’être humain moderne est très complexe sur le plan psychologique, parce qu’il n’est pas encore débarassé, loin s’en faut, de sa nature profondément chamanique, mais qu’il a été éduqué par un grand nombre de penseurs qui ont lutté contre la pensée magique. Il vit une lutte continuelle entre ces deux modes de pensée, ce qui le rend très névrosé, comme Freud l’avait noté.


                                  • Pierre Régnier Pierre Régnier 12 octobre 2007 12:57

                                    Une petite correction : la fatigue aidant j’ai dit dans mon dernier texte, entre parenthèses que, parmi ceux qui appliquent les mauvaises consignes religieuses il y a moins d’individus se limitant à la simple maltraitance que d’individus meurtriers. J’ai voulu dire le contraire : heureusement, ce sont les meurtres qui sont les plus rares.

                                    Ceci dit, Forest Ent. je fais le même constat que vous : je vois MOINS qu’ailleurs des gens violents parmi les juifs, les chrétiens, les musulmans que je rencontre. Et j’apprécie la doctrine sociale de l’Eglise catholique, pour laquelle j’ai milité à la JOC, il y a plus de 50 ans, quand j’étais un fervent catholique pratiquant.

                                    Miaou aimerait que je mette en cause le judaïsme « davantage concerné par l’Ancien Testament que le christianisme ». Soit, voici une confirmation juive, très significative, de la « juste violence de Dieu ». Je la prends dans le « Guide des égarés » de Maïmonide, édition Verdier en un volume de 1979, pages 126 à 128 :

                                    Pour Maïmonide, Dieu, « parfait en actes », intervient bien pour exercer ou commander de très justes massacres d’êtres humains : « Nous trouvons, au nombre de ses actions qui se manifestent sur les hommes, de grandes calamités qui fondent sur les individus pour les anéantir, ou qui enveloppent dans leur destruction des familles, et même une contrée entière, font périr plusieurs générations à la fois et ne laissent ni culture ni progéniture, comme, par exemple, les croulements de sol, les tremblements de terre, les foudres destructrices, L’EXPÉDITION FAITE PAR UN PEUPLE CONTRE UN AUTRE POUR LE DÉTRUIRE ET POUR EFFACER SA TRACE (c’est moi qui souligne). Ces actions de Dieu »sont nécessaires pour gouverner les états ; car la suprême vertu de l’homme est de se rendre semblable à Dieu autant qu’il le peut, c’est-à-dire que nous devons rendre semblables nos actions aux siennes« . Maïmonide donne même ici une intéressante explication sur la fameuse précision contenue dans le Décalogue : »je suis un Dieu jaloux, châtiant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième génération« (Ex. 20,5). »On s’est borné« , dit Maïmonide, »à quatre générations, parce que l’homme ne peut voir de sa postérité que tout au plus la quatrième génération. Ainsi, lorsqu’on tue la population d’une ville livrée à l’idolâtrie, on tue le vieillard idolâtre et sa race jusqu’à l’arrière-petit-fils, qui est l’enfant de quatrième génération. On a donc, en quelque sorte, indiqué qu’au nombre des commandements de Dieu, (je souligne) QUI INDUBITABLEMENT FONT PARTIE DE SES ACTIONS est celui de tuer les descendants des idolâtres, quoique jeunes enfants, pêle-mêle avec leurs pères et leurs grand-pères« . Maïmonide précise que Dieu commande ces massacres »en raison du démérite de ceux qui sont punis« . On ne doit en aucun cas y voir »des actions comme celles qui, chez nous, émanent d’une disposition de l’âme, savoir, de la jalousie, de la vengeance, de la haine ou de la colère«  ; »celui qui gouverne l’état, s’il est prophète« , doit bien »faire disparaître tous ceux qui se détournent des voies de la vérité« , »un acte qu’exige la raison humaine« mais il doit le faire en prenant Dieu pour modèle et en tentant d’oublier ses mauvaises motivations humaines »à tel point qu’il doit ordonner de brûler un individu, sans éprouver contre lui ni indignation, ni colère ni haine, n’ayant égard, au contraire, qu’à ce qu’il lui paraîtra avoir mérité, et considérant ce que l’accomplissement de cet acte a de souverainement utile pour la grande multitude« . Maïmonide ajoute enfin, comme le font presque toujours les auteurs de textes justifiant la violence attribuée à Dieu : »Malgré tout cela, il faut que les actes de miséricorde, de pardon, de commisération et de bienveillance, émanent de celui qui gouverne l’état, bien plus fréquemment que les actes de punition"

                                    Je dis que c’est significatif de trouver ça chez Maïmonide parce qu’il est, à juste titre, l’un des plus estimés penseurs juifs. C’est lui, notamment, qui a établi les « Treize principes » constituant encore aujourd’hui le commun dénominateur des différentes tendances du judaïsme. Il en est ainsi dans toutes les religions, et c’est bien ça le problème : comment se débarrasser du pire quand il est véhiculé AUSSI par ceux qui mettent en lumière le meilleur de Dieu ? Le plus significatif et le plus navrant c’est que, lorsque j’ai étudié le « Guides des égarés », dans une synagogue avec un ami juif (père et frère aîné morts à Auschwitz, ce qui n’est pas pour moi un détail) personne ne semblait choqué. On a simplement contourné le texte, étudié « des choses plus intéressantes » comme on fait toujours dans ces cas là quand on s’intéresse aux religions. Ceci résume tout ce que j’ai précédemment essayé de dire : ce qui me choque c’est qu’on en soit encore là, 12 siècles après Maïmonide : on CONTOURNE.

                                    Or ceux qui, aujourd’hui, tuent au nom de Dieu sont ceux QUI NE CONTOURNENT PAS les textes sacrés criminogènes (même s’ils ont parfois aussi d’autres motivations : politiques, sociales...). Ils les prennent très au sérieux, et ils ont toujours la confirmation, par leurs institutions, qu’il faut bien prendre ces textes au sérieux puisqu’ils sont, tout autant que les textes sacrés les plus pacificateurs, l’authentique « parole de Dieu ».

                                    Les responsables religieux d’aujourd’hui sont parfaitement conscients de cela et, même s’ils le cachent, ils sont maintenant effrayés par l’impasse où les a enfermés la théologie et le dogmatisme des siècles précédents. Ils SAVENT - et je prétends que tout le monde le sait - que leur DEVOIR est maintenant de renverser la situation. Il est par exemple de dire très clairement et très publiquement, et D’ÉCRIRE que, lorsque qu’il y a, dans leurs textes sacrés, un appel à commettre des maltraitances et des meurtres ÇA N’EST PAS DIEU QUI L’ÉCRIT mais un prophète QUI SE TROMPE, même s’il croit vraiment exprimer la véritable volonté de Dieu. Les actuels chefs religieux savent qu’ils doivent écrire ça À LA PLACE de tous les passages qui, dans les interprétations, commentaires, exégèses, catéchismes divers... de leurs religions respectives confirme et justifie, même indirectement, la prétendue violence « voulue par Dieu ». Ça n’est pas facile mais - là encore je prétends que tout le monde le sait - la paix et la société des droits de l’homme est impossible sans cette radicale réforme.

                                    Je ne veux pas répéter ma thèse en « Neuf points pour en sortir » puisqu’elle est déjà sur AgoraVox. Mais je vous y renvoie. Vous la trouverez à la rubrique ACTUALITÉ/Religions, dans l’échange que j’ai eu avec Léon Ouaknine à la suite de son article « Laïcité et accomodements raisonnables au Québec » du 27 septembre 2007.

                                    On n’est pas si loin qu’il y paraît de René Girard, il faut simplement lui emboîter le pas : puisque l’institution judicaire a rendu inutile la « nécessité » ancienne de la violence HUMAINE sacralisée il faut rejeter sans ambiguïté la violence HUMAINE encore aujourd’hui attribuée à Dieu. Le massacre de la Saint-Barthélémy, comme celui des tours de Manhattan ÉTAIT BIEN commis AU NOM de Dieu, mais Dieu n’avait rien à voir là-dedans. La CONCEPTION, reçue de leur religion, que les meurtriers avaient de Dieu, SI !


                                    • Cassandre 12 octobre 2007 14:58

                                      Un résumé du dernier livre de R. Girard :

                                      http://carnetsdejlk.hautetfort.com/archive/2007/10/08/la-bataille-de-rene-girard.html

                                      Il me semble y répondre à certaines des questions agitées plus haut.


                                      • Luciole Luciole 12 octobre 2007 15:07

                                        @ Cassandre

                                        Merci pour ce lien. J’ai hâte de lire le Clausewitz de Girard, mais la Fnac ne l’avait pas encore reçu la dernière fois que j’y suis passée. Merci également de continuer à suivre mon article, du fond de ses oubliettes !


                                      • Christophe Christophe 12 octobre 2007 19:19

                                        @Luciole,

                                        Il suffit de se référer à l’édition du mercredi ! smiley

                                        Mais nous sommes plusieurs à suivre ...


                                      • Christophe Christophe 13 octobre 2007 12:50

                                        Pour ceux qui comme moi ne connaissent pas suffisamment les travaux de Girard, il me semble que ce site pourrait être intéressant. Cela n’empêche pas de se faire une idée par soi-même en lisant les ouvrages de Girard !


                                        • Luciole Luciole 13 octobre 2007 16:17

                                          à Christophe,

                                          Merci pour ce lien qui présente les thèses de Girard de façon claire et dépassionnée. Je suis toutefois très ennuyée d’apprendre que les girardiens formeraient une sorte de secte aux Etats-Unis. Cette théorie me semble tellement à l’opposé de ce qui peut engendrer la formation d’une secte ! Mais il est vrai que le sentiment de persécution peut avoir aussi des effets unificateurs paranoïsant...


                                        • Francis, agnotologue JL 16 octobre 2007 09:44

                                          bonjour Luciole, j’ai pensé à votre article en écoutant René Girard au micro d’Ali Baddou ce matin.

                                          Si je résume ce que René Girard disait au sujet du Bouc émissaire pour la part que je veux souligner ici : « Le Bouc émissaire existe tant qu’on l’ignore en tant que tel, on le perd en prenant conscience de ce qu’il est ».

                                          Je dirais que le rapport me parait limpide entre le mécanisme collectif du Bouc émissaire tel que décrit par René Girard et celui du retour du refoulé décrit par Freud au niveau de l’inconscient.

                                          La stratégie buschiste de « Faire la guerre au terrorisme » me paraît illustrer typiquement et dramatiquement ce mécanisme. Faire la guerre à la résistance qu’on suscite parce que l’on refuse de voir dans le terrorisme une quelconque réaction, un quelconque retour du refoulé de la mondialisation libérale est une attitude dangereuse. Ça passera ou ça cassera.


                                          • Luciole Luciole 17 octobre 2007 22:03

                                            Bonsoir JL,

                                            Vous avez entièrement raison. Chacun s’imagine toujours que la violence a été initiée par l’autre, sans comprendre que les deux adversaires poursuivent le même objectif, sont fascinés l’un par l’autre au point de s’épier jusque dans les moindres gestes, qui sont toujours interprétés de façon défavorable dans un contexte rivalitaire.

                                            Les américains sont tellement persuadés du bien fondé de leur domination du monde, qu’ils interprètent comme une agression infâme toute tentative de remise en question de leur statuts.

                                            Les peuples dominés éprouvent une amertume terrible car ils ressentent le confort des américains et des occidentaux comme une insulte à leur misère. Leurs tentatives de protestations sont écrasées par le mépris ou la violence. Aussi ont-ils le sentiment, en perpétrant le terrorisme, de ne faire que se défendre en massacrant des innocents, en ayant le sentiment que les souffrances qu’ils infligent resteront toujours en-deçà des souffrances qu’ils endurent.

                                            Du côté des américains ou des occidentaux, les actes de terrorisme sont logiquement assimilés à la barbarie de gens violents agressant des peuples pacifiques.

                                            La pire violence perçue est toujours celle de l’Autre. La réplique semble toujours légitime et modérée par celui qui la commet et paraît immonde à celui qui la subit.

                                            Telle est la loi implacable de la réciprocité violente.

                                            Le dernier livre de Girard « Achever Clausewitz » est essentiellement consacré à cette question.

                                            Bien à vous.

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