Laïcité (performance)
Performance de Laureline Collavizza et Lika Guillemot. Vue le 15 mars 2016, dans le cadre d’un débat sur la laïcité au conservatoire Paul Dukas. En route vers les lycées, pour y susciter la parole, avec en vue aussi une forme plus longue pour en faire un spectacle en soi.
Crédit photo : Lika Guillemot.
Comment rendre spectaculaire notre débat sur la laïcité ?
Si débat il y a. Beaucoup de paroles, beaucoup d’invectives, des points de vue intransigeants, des incompréhensions réciproques, des dénonciations croisées du discours des autres, des procès d’intention à la pelle, des discours assez incroyables d’illogisme qui laisse pantois parfois, des doubles voire triples discours... Une confusion pénible, lassante, qui peut paraître vaine, dangereuse même, tellement les passions y sont inébranlables.
Comment rendre spectaculaire ce flot de paroles fortes et séparées les unes des autres par des gouffres interstellaires ?
Débat-on vraiment de laïcité ? Si débattre est « se foutre sur la gueule » sur un sujet donné, façon ce dessin célèbre sur l’affaire Dreyfus « ils en ont parlé », on peut dire qu’on débat. Si débattre est échanger les points de vue pour convaincre et mettre le plus grand nombre de personnes de son côté, on ne débat vraiment pas ; si, encore plus idéal, débattre est échanger les points de vue pour que chacun se déplace peu à peu sur son propre point de vue et ainsi l’enrichisse en admettant que cela n’oblige personne à s’y joindre… Bon, ce troisième niveau n’existe jamais…
Laureline Collavizza prend tous les risques en proposant de spectaculariser ce débat en son état de violence et de déstructuration. Il est difficile de prendre de la distance avec ce sujet : la laïcité. Cela ne veut pas jouer. Et le jeu théâtral nécessite et crée la distance. Avec sa complice Lika Guillemot, Laureline Collavizza y arrive très bien.
Elle "surjoue" le jeu, en proposant un tirage au sort par le public, à l’aide d’un jeu de cartes. Le son et l’image, ce qui entre par l’œil et ce qui entre par l’oreille. Elle va ainsi développer sept personnages, sept figures dans un ordre aléatoire, accompagnées de sept bandes sonores qui ne collent pas forcément à ces personnages. Avec le tirage au sort de l’ordre des séquences, elle ne donne pas sens à la succession.
Elle nous parle de ce par quoi la laïcité est arrivée comme débat dans nos vies, dans la société : des tenues vestimentaires liées à une religion dans un collège et que des enseignants ont jugées problématiques par rapport à la laïcité, alors que la laïcité garantit la liberté de culte. Alors que selon moi, il eut mieux valu rester indifférents au caractère religieux de ces tenues, alors que leur caractère religieux ne porte pas en lui-même prosélytisme, on ne devient pas catholique en voyant passer un homme en soutane, nous sommes tous entrés dans la certitude que la laïcité était injonction aux religions de s’en tenir à l’entre soi, de ne pas apparaître dans l’espace public et que cette injonction était la meilleure, voire la seule, façon de vivre ensemble.
Laïcité ne tient pas de discours à proprement parler, ne raconte pas l’histoire de la façon dont nous est (re) venue la laïcité comme problème, alors qu’on l’avait pour ainsi dire oubliée, qu’elle était passée dans l’allant-de-soi, dans l’évidence pendant quatre-vingts ans.
Laïcité prend la laïcité là où elle est maintenant : dans le corps de la femme et son vêtement. Ce corps qui, au fond, ne va jamais. Trop présent, mon corps est médiatique, nous explicitent les « FEMEN » dans cette performance. Tandis qu’on croise la femme dissimulée entièrement sous le niquab (niquab-robe, pas vraiment couverte par ce niquab-robe), la religieuse... etc.
Il faut vraiment un culot immense et cœur « gros comme ça » pour rendre visible, avec son propre corps, cette « problématique », étrange si l’on y pense, de la visibilité du corps de la femme !
Avec allant et bonne humeur, bien à la face, regardant calmement son public (c’est de vous qu’on parle), passant d’une figure de femme à une autre, on aurait tendance à dire d’un stéréotype de femme à un autre, elle montre la singularité de chacun sous les images sociales de soi, l’Irréductible individualité, sous les multiples assignations.
Poser des questions (religion, tolérance, multiculturalisme, vivre ensemble…) pour initier, ouvrir l’échange dans une forme spectaculaire contemporaine, riche, ludique et respectueuse.
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