Schizostratégie entre Iran et Israël
« Le Moyen-Orient est une entité sensible - elle est vivante ! »
Reza Negarestani, Cyclonopedia : Complicity with Anonymous Materials
Comme l'écrit l'analyste Bruno Tertais à propos de la recension d'un ouvrage d'Annie Jacobseni, à quelques mois du quatre-vingtième anniversaire d’Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945), la même Annie Jacobsen nous rappelle l’horreur que serait un emploi massif des armes nucléaires par les grandes puissances. Paradoxalement, ajoute-t-il, c’est ce tableau qui peut conforter la logique de dissuasion nucléaire : c’est parce que ces armes font peur aux dirigeants qu’elles les contraignent à une certaine retenue dans la guerre.
En est-on vraiment sûr ?
N'a-t-on pas plutôt désormais l'impression que le curseur a bougé et que l'on est aujourd'hui entré dans une nouvelle phase qui voit désormais comme pratique établie l'usage des armes balistiques auxquelles ne manquerait plus en une sorte de presque Ultima Ratio Regum, l'adjonction de la charge nucléaire ?
On propose ici deux excellents papiers du site Strategika.ii
On invite aussi le lecteur à découvrir parallèlement en une lecture plus qu'attentive l'oeuvre étrange et extraordinaire du philosophe iranien Reza Negarestani initiée dans sa fameuse Cyclonopédia citée en exergue et qui nous semble, dans une vision d'horreur tellurique, commander en une sorte de monstrueuse entéléchie géostratégique l'escalade désormais nucléaire au XXIè siècle de deux entités surgies de l'Antiquité opposant avec des moyens ultra-modernes le Lion de Juda et le lion de Perse.
Bordeleau, É. (2016). Cyclonopedia : Complicity with Anonymous Materials de Reza Negarestani. Spirale, (255), 41–44.https://www.erudit.org/fr/revues/spirale/2016-n255-spirale02442/81117ac.pdf
https://www.erudit.org/fr/revues/spirale/2016-n255-spirale02442/81117ac.pdf
Voici ce que nous dit Strategika que nous citons in extenso :
"Dans une démonstration de la précision de ciblage acquise grâce à la combinaison du renseignement et des technologies basées sur l’intelligence Artificielle (IA), l’armée de l’air israélienne (IAF) a tiré au moins un missile balistique lancé par voie aérienne (ALBM)/sur la résidence officielle du guide suprême de la révolution iranienne, l’ayatollah Ali Khamenei : Khamenei se trouverait dans un abri souterrain situé profondément dans une montagne. Des analystes évaluent que cette attaque a été menée à titre d’avertissement car cela aurait été fait lors de la première phase d’attaque ayant décapité le quart de l’état-major des forces armées et des scientifiques nucléaires iraniens de premier ordre.
I- J + 2
L’Iran fait face à quelque chose d’inhabituel, que le Hezbollah libanais a déjà expérimenté avec un mélange de confusion et d’impuissance : l’adversaire utilise des technologies disruptives lui conférant à la fois la localisation exacte et une précision de ciblage assez impressionnante. Celle-ci ne peut être le résultat de l’Humint ou de l’Elint mais d’une technologue disruptive dans ce domaine à l’aide de l’écosystème smartphones, GSM et internet. Il semble également qu’Israël et les États-Unis se partagent depuis longtemps des banques de cibles iraniennes régulièrement actualisées. Plusieurs bases militaires aériennes iraniennes ont été ciblées par des attaques aériennes, celles de Tabriz aurait été entièrement détruite, celle de Hamadan touchée et l’aéroport international de Mehrabad a subi des frappes ayant ciblé des appareils civils. De vieux appareils de combat F-4 de reconnaissance ont été détruits.
L’Iran a lancé six salves de missiles balistiques hier et il semble que ces attaques balistiques aient causé assez de dommages pour que Israël impose un blackout complet sur l’information et interdise toute diffusion de vidéos des frappes. Certaines salves iraniennes n’ont pas eu d’effets, d’autres ont été imprécises pour des raisons assez longues pour les développer ici mais au moins une a causé d’immenses dommages car des politiques israéliens affirmant désormais qu’Israël n’a plus rien à perdre et appellent à déclencher une attaque nucléaire en règle contre l’Iran.
La censure stricte imposée en Israël sur l’information de guerre confirme cela.
Dans toutes ses guerres, le protocole d’usage de l’information militaire israélienne est basé sur un seul mantra : “Israël n’a subi aucune perte !”. À Tel Aviv, les forces de sécurité ont chassé un journaliste de la chaîne américaine Fox News, l’empêchant d’approcher et de filmer le ministère israélien de la défense, le quartier général de l’armée et le bâtiment du ministère de la sécurité nationale, qui avaient été bombardés par l’Iran.
L’Iran a utilisé pour la première fois le dernier type de missile balistique “Khaybar”, qui peut transporter une ogive lourde de 1,5 tonne, pour frapper Israël. Même avec un CEP (Circular Error Probability ou erreur circulaire probable) médiocre, l’explosion d’une ogive de 1500 kg en milieu urbain est dévastatrice. La comparaison du maire d’Herzilya de ce qu’il a vu avec les décombres de Gaza est donc assez pertinente.
Selon le quotidien israélien Jerusalem Post et d’autres médias, afin d’éviter les représailles iraniennes, l’avion spécial du gouvernement israélien, “Wings of Zion”, a été acheminé vers l’aéroport d’Athènes, en Grèce, le 13.
Selon le rapport, les “Ailes de Sion” sont l’équivalent de l'”Air Force One” d’Israël, utilisé par les présidents et les premiers ministres israéliens lors de leurs visites internationales. L’avion a quitté l’aéroport Ben-Gourion pour Athènes vendredi matin, heure locale, dans la crainte d’une attaque de représailles de la part de l’Iran.
Plus tôt dans la journée du 13 juin 2025, des sources iraniennes avaient rapporté que l’avion spécial du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, baptisé “les ailes de Sion” (Wings of Zion) avait quitté l’aéroport Ben-Gourion escorté par deux avions de chasse vers une destination inconnue.
Nous l’avons déjà dit ici et nous ne cessons de le répéter depuis plus de 25 ans que l’Iran est un pays qui ne dispose pas d’arme aérienne ou d’armée aérienne. Cela nous a valu des critiques mais c’est une réalité. Dans le conflit présent, il n’est guère étonnant de constater que les adversaires de l’Iran sont en train de gagner la suprématie aérienne absolue et la prochaine phase sera la liberté de mouvement dans l’espace aérien iranien. Nous n’allons pas nous étaler sur les raisons ayant amené les décideurs iraniens a refusé de remédier à cette vulnérabilité fatale. L’Iran a refusé d’acquérir des avions de combat chinois J-10C et s’est contenté de maintenir de vieux F-4, F-5 et F-14 de fabrication US hors d’âge. Ses Mig-29 ne font pas le poids en 2025. Des analystes au fait du sujet parlent d’arrogance ou d’auto-arrogance de la partie iranienne. Le résultat est que maintenant les seuls systèmes de défense aérienne, au sol et vulnérables au sabotage de groupes armés clandestins utilisant des drones kamikazes à l’intérieur de l’Iran, ne sont pas suffisants pour assurer une interdiction aérienne. Il est évident que la puissance globale de l’Iran est encore loin d’être suffisante pour faire face aux États-Unis.
Le sort de l’Iran, cloué au sol au début de la guerre au Moyen-Orient, a été scellé au moment de ce que l’on pourrait appeler la contraction stratégique. En abondonnant le Hezbollah libanais, puis le retrait en catastrophe de Syrie et la perte totale d’influence en Irak, les dirigeants iraniens n’ont pas osé heurter les États-Unis et Israël de front (et ils ne pouvaient le faire), la posture stratégique de l’Iran était en échec. C’est cela qui a motivé l’attaque de ses adversaires.
L’expérience du Hezbollah devrait être enseignée dans toutes les écoles militaires : la recherche d’apaisement dans le but d’éviter la guerre et l’attente passive d’un changement de posture en position de faiblesse ne garantit en aucun cas la survie.
L’arme nucléaire iranienne ? Il ne s’agissait pas du tout d’une question technique mais d’une question politique. Les dirigeants iraniens ont bloqué toutes les initiatives dans ce sens. Ils ont même interdit à leurs scientifiques d’y penser alors qu’ils avaient acquis le savoir-faire. Il est clair que quelque chose a très mal tourné dans les lignes directrices stratégiques et même dans les positions de l’Iran au plus haut niveau, et il n’est pas étonnant de voir que ce pays fait face à de gros problèmes à l’avenir.
L’appareil de sécurité, le gouvernement et les forces armées iraniennes sont infiltrés par la faction des Bazaristes, favorables aux États-Unis. C’est eux qui ont rendu possible les ciblages précis de dirigeants militaires iraniens. Cette faction est loin d’être minoritaire et ses manifestations comme lors de l’affaire Mahsa Amini ont révélé une rage totalement hors de contrôle confinant à la psychiatrie de masse. Le retour au calme après une telle hystérie collective cachait quelque chose de grave et cela s’est confirmée par la suite.
Le lion de Perse
Cette guerre pose de nombreux problèmes dont certains sont insurmontables. Le nom de code de l’attaque israélienne “Rising Lion” pose à elle seule d’immenses problemes. L’évocation du lion de Perse est hautement évocatrice des symboles cachés de la franc-maçonnerie et des liens cachés fort anciens entre le monde juif et la Perse antique. Le nom de code de la riposte iranienne “True Promises III” est clairement messianique. Il y va sans dire que nous avons ici un sérieux problème et que le monde est empêtré dans un sérieux problème. Vladimir Poutine a proposé sa mediation entre Israël et l’Iran mais cette médiation a peu de chance d’être acceptée. Donald Trump est un businessman de téléréalité, son monde est celui des effets d’annonces sans lendemain. Netanyahou est dans son délire nihiliste. Il n’écoute plus personne. Il est devenu le fossoyeur de l’idée même du sionisme originel. Son cas relève de la psychiatrie clinique.
La guerre va continuer. L’expérience de la seconde guerre du Golfe a démontré qu’il est très difficile à une force aérienne de traquer avec l’aide d’équipes de soutien au sol des lanceurs mobiles de missiles. L’Iran continuera à utiliser des missiles balistiques. Ce conflit est très dangereux. Il pourrait finir de façon abrupte si l’Iran teste une bombe atomique mais cela semble assez peu probable.
/Note RB. Rien n'est moins sûr. Ce pays a déjà « franchi » le seuil nucléaire.
L’Iran n’a pas les moyens de fermer le detroit d’Hormuz.
/Note RB. Rien n'est moins sûr. cf. https://shs.cairn.info/revue-outre-terre1-2010-2-page-393?lang=fr
Une telle action entraînera une confrontation directe avec les États-Unis en mer et cela sera fatal pour l’Iran. Ce qui est plus probable est une opération de changement de régime en Iran.
/Note RB. Le papier ne refuse pas l'encre. Entre hypothèse et pensée magique, le fossé est insondable.
Cela voudrait dire une guerre civile assez violente dont les feux ne s’éteindront pas de sitôt. Les Pahlavis américanisés ne sont pas les grands favoris de ce gambit à l’envers. L’incendie englobe tout le Moyen-Orient de la méditerranée orientale aux hauts plateaux iraniens. C’est à cette heure-ci le principal front de la guerre mondiale en cours.
II- J + 3
Au troisième jour, l’Iran a commencé à utiliser des missiles hypersoniques qui ont réussi à créer une brèche massive dans le réseau antimissile israélien (système US THAAD, Dôme de fer et David’s Sling). L’Iran a également bombardé la raffinerie de pétrole de Haïfa (Nord).
Le 15 juin 2025, les représailles iraniennes ont changé en termes d’intensité et de missiles utilisés.
Le nombre des missiles iraniens lancés en cette journée du 15 juin 2025 semble nettement supérieur à celui de la veille. Le ciblage semble également plus intensif. L’usage de missiles hypersoniques par l’Iran a mis en échec le système de défense aérienne et antimissiles déployé en Israël. Contrairement à la journée d’hier, de nombreux missiles hypersoniques iraniens ont réussi à passer à travers les différents niveaux de défense et atteindre des cibles israéliennes au sol.
Siège du ministère de la guerre d’Israël à Tel-Aviv, directement touché par un missile hypersonique iranien de type Khorram Shahr (vitesse : Mach 10) Oplus_16908288
La raffinerie de pétrole israélienne de Haïfa, ainsi que des installations de centrales électriques ont visées par des missiles iraniens.L’Iran a lancé un barrage de missiles contre la ville de Haïfa, dans le nord d’Israël avec quelque 13 missiles qui ont franchi l’interception à moyenne portée et sont entrés dans la zone de fin de portée ainsi que le système antimissile “la Fronde de David” (David Sling). Cette fois, certain nombre de missiles balistiques ont réussi à franchir l’interception.
Les stocks de munitions du système “Dôme de fer” semblent en voie d’épuisement rapide, d’où les appels d’Israël aux États-Unis pour qu’ils interviennent militairement et de façon directe dans le conflit.
Les forces aériennes israéliennes continuent de bombarder des cibles en Iran en ciblant cette fois les installations pétrolières et gazières. Il est à noter que le champ gazier de Léviathan au large de la Méditerranée orientale a été fermé et sa production suspendue par le gouvernement israélien par crainte d’un ciblage.
Les avions de combat F35I “Adir” israéliens engagés dans les opérations ont été modifiés avec l’aide US pour utiliser des réservoirs auxiliaires sans faire perdre à l’appareil sa furtivité. Cela explique l’absence de ravitaillement en vol ou l’usage de bases d’escale. Ces modifications sont très complexes et nécessitent un savoir-faire US très spécifique en matière de RAM ou revêtement antiradiation.
Cette guerre demeure jusqu’à ce moment précis aérienne et balistique."
III- Un autre point de vue de l'analyste Julian Mc Farlane :
Il est évident que l'Iran se prépare à la guerre avec Israël depuis longtemps.
Alors que les Israéliens ont piraté leurs systèmes de communication électronique, essentiels à la défense antiaérienne, qui auraient dû être hors service pendant trois jours, ils ont été réparés en moins de dix heures, apparemment avec l'aide russe.
Ils ont perdu des commandants expérimentés, mais disposaient d'un groupe de commandement « fantôme » qui a immédiatement pris le relais. Leurs systèmes de missiles et de défense antiaérienne étaient pour la plupart mobiles et sont restés intacts. Jusqu'à présent, les Israéliens ont perdu plusieurs de leurs coûteux F-35 « invisibles », comme je l'avais prédit s'ils les faisaient voler à portée des systèmes S400.
Les Iraniens n'ont jamais voulu se battre, mais ils étaient prêts, et maintenant les sionistes en paient le prix.
Peut-être que lorsque Tel-Aviv ressemblera à Gaza, ils comprendront le message.
L'Iran dispose des ressources nécessaires pour survivre aux Israéliens et aux Américains, et il ne fait que commencer à riposter : il commence seulement à utiliser ses missiles les plus sophistiqués. Des spécialistes russes de la guerre électronique et de l'attaque électronique (EA) sont déjà en Iran. La Corée du Nord offrira certainement des missiles si l'Iran commence à en manquer. Elle a la possibilité d'améliorer son jeu.
Si ces frappes se poursuivent plus d'une semaine, Israël s'amusera avec ses missiles intercepteurs. Les Yéménites ont déjà rejoint le mouvement. Et si le Hezbollah en faisait autant ? Des groupes irakiens du Hezbollah ont menacé d'attaquer des bases américaines. Prochainement, les Libanais.
Et si l'Iran fermait Ormuz ?
Trump ordonnera-t-il une frappe au B52 ? Les B52 sont des cibles de choix.
/Note RB. Ce serait là non plus un voyage A-R à partir de Diego Garcia, mais un aller simple...
iAnnie Jacobsen, Guerre nucléaire. Un scénario, Denoël, 2024. https://www.frstrategie.org/publications/notes/guerre-nucleaire-est-elle-possible-propos-livre-annie-jacobsen-guerre-nucleaire-un-scenario-2024
ii Sources :
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https://strategika510.com/2025/06/15/guerre-iran-israel-j3/
https://strategika510.com/2025/06/14/guerre-entre-liran-et-israel-j2/
https://substack.com/@julianmacfarlane/note/c-126127499
https://substack.com/home/post/p-165936958
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