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Accueil du site > Tribune Libre > René Monory, ses semblables et l’accaparement du pouvoir

René Monory, ses semblables et l’accaparement du pouvoir

René Monory qui vient de mourir samedi 11 avril 2009, fait l’unanimité de « la classe politique », à droite comme à gauche. Le Premier ministre comme l’ancien président Giscard d’Estaing saluent le parcours de cet homme d’origine modeste avec pour tout diplôme « en poche », selon un tic médiatique répandu, un modeste certificat d’études primaires. Le président Sarkozy parle de son « humanisme ». François Bayrou apprécie sa « liberté de penser ». Et même Mme Aubry voit en lui « un grand humaniste tourné vers l’avenir ».

 
Maire, conseiller général et régional, sénateur, ministre et président du Sénat

L’ancien Président Chirac pense plutôt que R. Monory « restera dans les mémoires comme une figure de la vie politique et parlementaire de la Vème République ». Et il s’y connaît en la matière. Nulle allusion ici de sa part à son profil de sosie de Galabru ! R. Monory est, en effet, un de ces hommes qui, par un renouvellement répété de ses mandats, a accaparé tous les postes qu’il pouvait. Il est resté maire de Loudun quarante ans de 1959 à 1999 ! Il a été réélu huit fois président du Conseil général de la Vienne depuis 1977 ! Il a été sénateur de 1968 à 1977, de 1981 à 1986 et de 1988 à 2004, soit 29 ans, dont 6 ans comme président de 1992 à 1998 !

On s’interroge sur un « humanisme » aussi envahissant dont la démocratie française fait fatalement les frais. Car que signifie être maire pendant quarante ans et président d’un syndicat intercommunal trente ans, conseiller général quarante-trois ans, dont vingt-sept ans comme président du Conseil général, et conseiller régional seize ans, sans parler de responsabilités ministérielles ? Cela signifie au moins deux choses : un inévitable clientélisme et une asphyxie du débat démocratique par le non-renouvellement du personnel politique.

Non-limitation des mandats et clientélisme inévitable

M. René Monory, comme nombre de ses pairs sous la Vème République, illustre on ne peut mieux ce que devient une démocratie quand les mandats ne sont limités ni dans le temps ni en nombre. Une telle longévité fait de l’élu, sans cesse reconduit dans ses fonctions, un patriarche féodal vers qui tout doit converger et de qui tout procède dans les circonscriptions sur lesquelles s’étend son pouvoir.

C’est à croire que la journée de ces accapareurs a plus de 24 heures pour être ainsi au four et au moulin sans même pouvoir être toujours présent au parlement. En fait, ils délèguent à tout va leurs pouvoirs à leurs affidés. Il n’est pas de décision ou de subvention qui ne doivent recevoir leur accord, et ce sur des dizaines d’années, voire deux générations. Inversement, ces potentats locaux sont tentés de n’attribuer leurs faveurs qu’à leurs amis et alliés qui deviennent leurs obligés. C’est ainsi que se constitue une clientèle qui assure leur pérennité au pouvoir. Ne pas en être est proprement suicidaire dans l’espace que couvre l’ombre tutélaire de ces patriarches.

Grecs et Romains, même s’ils ne s’y sont pas tenus, avaient perçu tout le danger d’un mandat sans limite de durée. Leurs magistrats n’étaient élus que pour un an, sans rééligibilité immédiate possible. Même s’il ne s’agit pas d’être aussi restrictif, un mandat limité est tout de même de nature à prévenir tout abus qu’un maintien prolongé au pouvoir est susceptible d’encourager inévitablement, même chez le politique le plus vertueux. « Tout pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument ». On ne nie pas qu’un projet politique ait besoin de temps pour être mis en œuvre. Mais 40 ans à la mairie ou 30 ans au conseil général sont les conditions d’une confiscation du pouvoir local par un potentat local et sa clique.

Non-limitation des mandats et le débat démocratique asphyxié

La seconde conséquence néfaste de cet accaparement du pouvoir est l’impossible renouvellement du personnel politique. La force d’une clientèle est d’écarter tout prétendant à une succession qui la mettrait en péril par une redistribution des cartes et donc des faveurs après lesquelles elle court. Tout candidat à un mandat est donc tenté de faire partie de l’écurie du féodal local quand celui-ci peut rester en place pendant 30 ou 40 ans. Sauf à ruiner ses chances, un jeune de 30 ans ne peut se permettre d’oser briguer un mandat sans l’ adoubement du cacique assuré, par le renouvellement des mandats sans limite, de faire la pluie et le beau temps pendant deux générations.

La rotation des fonctions électives est une règle fondamentale d’une vie démocratique, puisque le contrat sur lequel elle repose, vise à faire en sorte que le plus grand nombre de citoyens participe à la prise des décisions qui les concernent. À défaut, on assiste à la constitution d’une « classe politique » qui s’oppose par ses préoccupations et ses privilèges à « la société civile » comme on dit curieusement aujourd’hui. Et c’est un obstacle rédhibitoire à cette participation et donc une asphyxie de la vie démocratique.


Rien d’étonnant donc que « la classe politique » soit unanime pour saluer l’un des siens si représentatif d’elle-même ! Et le président Chirac est le plus qualifié pour le faire, puisqu’il restera lui-même le symbole de l’accaparement du pouvoir sous la Vème République avec les conséquences qu’on vient de décrire. Quand on est, en revanche, attaché à l’idée de « contrat démocratique », ces accapareurs de pouvoir dont René Monory n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, n’inspirent que la plus grande réserve. Paul Villach 


 
 

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22 réactions à cet article    


  • paul muadhib 14 avril 2009 10:43

    le vote deconne encore !!


    • Sav 14 avril 2009 11:16

      Vous avez parfaitement raison. Cette non-limitation et ce cumul de mandats sont un des principaux scandales liés à la Vème République, aussi bananière que les précédentes, grâce à De Gaulle. Chirac, après l’invraisemblable Mitterrand sont les parfaits exemples de cette république de copains et de coquins pour le malheur de tous.


      • Diva Diva 14 avril 2009 11:27

        Rien à rajouter, tu as tout dit !
        Merci !


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 14 avril 2009 11:29

        Et quand je pense qu’on brocarde Bouteflika et sa réélection bidon... Chez nous, c’est simple, on ne renouvelle jamais notre personnel politique. A 54 ans, il n’y a quasiment pas de politicien actuel que je n’ai déjà vu en exercice depuis que je m’intéresse à la politique, et ça m’a pris jeune. Vous vous rendez compte que Le Pen et Giscard sont toujours d’actualité ?

        Ces politiciens permanents, ou ce sont des apparatchiks vissés à leurs listes électorales comme des moules aux rochers, ou alors ce sont de faux « jeunes espoirs » (comme notre président), qui sont en fait en exercice depuis 30 ans. Quant aux « tout p’tits jeunes » comme Besancenot, c’est de l’amusement médiatique, des espèces de postulants à la Star Ac’, au « tour exétrieur ».


        • LE CHAT LE CHAT 14 avril 2009 11:48

          @coincoin

          j’ai la même impression , quasiment pas de nouvelles têtes depuis presque trente ans que je suis en âge de voter, à part des ovnis comme José Bové ...


        • appoline appoline 14 avril 2009 18:29

          Et encore, le père Monory, quand il était garagiste à Loudun et qu’il laissait les citernes de carburant sur les rails en plein champs en attendant que l’essence augmente. Il s’en est fait du beurre, l’insolent.


        • cathy30 cathy30 14 avril 2009 11:31

          Sav, je dirai effet pervers de la Ve république. Nous ne pouvons en tenir rigueur à De Gaulle, puisqu’il a démissionné après réferendum. Tous ne sont pas aussi honnêtes. Dire qu’on va se repayer sarko...


          • LE CHAT LE CHAT 14 avril 2009 11:42

            Il avait plus sa place à l’hospice qu’autre chose ! cela prouve bien l’inutilité du Sénat pour sa présidence soit cofiée à un vieillard sénile ! smiley

             

            il faut imposer un âge plafond , les dinosaures à Jurassic park ! ( celui ci aurait pu à la rigueur se retirer dans « son » parc )


            • Imhotep Imhotep 14 avril 2009 12:58

              Si le non cumul est une bonne idée, la rotation n’est en rien un gage de démocratie et l’affirmation que la démocratie est cette même rotation pour permettre à chacun de participer au pouvoir est même une hérésie. Et ce pour deux raisons au moins :

              1- car si c’était le cas il faudrait que les 40 millions de Français majeurs puissent chacun à leur tour avoir une place
              2- parce que nous sommes en démocratie représentative et représentative veut bien dire que cela veut dire. Si le représentant est bon on le garde sinon on le change mais on ne prend pas sa place car c’est à lui de nous représentter

              Ce raisonnement est tout simplement faux.
              La justesse de la longévité à un poste dépend de cette longévité. Un médecin qui reste médecin pendant 40 ans est-il mauvais ? Si un élu est réélu il peut y avoir deux causes opposées : le clientélisme ou son efficacité. Dans une démocratie juste et apaisée il faudrait empêcher le clientélisme, le cumul des mandats et limiter les mandats à une série de séquences consécutives 3 fois par exemple. Mais en quoi une personne performante, aimée, honnête n’aurait-elle pas le droit de poursuivre une activité efficace à laquelle il se dévoue et qui le passionne ?

              • Paul Villach Paul Villach 14 avril 2009 14:25

                @ Imhotep

                Puisque vous en êtes à l’anathème et à parler d’hérésie, je crains que ce ne soit vous l’hérétique et que vos goût vous portent vers la tyrannie sous le masque de la démocratie.
                1- La rotation du personnel politique est ce qui différencie la démocratie des autres régimes tyranniques qui se caractérisent, pour les oligarchies, par la permanence d’un groupe au pouvoir et pour les monarchies ou autres dictatures par celle d’un monarque et de sa clique et de sa claque appelée cour.
                2- Déplorer qu’un individu, si éminent soit-il, demeure 40 ans maire de sa ville, ne signifie pas que l’on postule l’accès de tous aux charges électives, mais du plus grand nombre possible. Un mandat reconduit sans limite, contrarie cet accès.
                3- Une permanence aussi longue au pouvoir est inévitablement créatrice de clientélisme et en retour, le clientélisme empêche un renouvellement du personnel politique pour perdurer dans l’être et continuer à recevoir la sportule !
                4- Une personne aimée en politique est en effet d’autant plus aimée qu’elle vous comble de faveurs : c’est ce qu’on appelle la relation clientéliste. Paul Villach


              • Imhotep Imhotep 14 avril 2009 16:07

                Non ce qui différencie les tyrannie des démocratie c’est le droit de vote et non la rotation des hommes politiques et la liberté d’expression.

                Hérésie est effectivement un mot un peu fort, mais ne faites pas l’âne qui veut du son, il y a aussi une acceptation laïque du terme. Mais je n’ai pas parlé de Monory qui était un cumulard. Et si vous avez lu vous avez lu que je posais comme condition corollaire la lute contre le clientélisme, mais je persiste à dire qu’un élu qui reste plus de 6 ans à ne mairie ou plus de 5 comme député n’est pas à vouer aux gémonies sous prétexte de tourniquet pseudodémocratique.

              • Paul Villach Paul Villach 14 avril 2009 17:51

                @ Imhotep

                Ne faites pas non plus l’âne pour avoir du son ! Il y a une marge entre deux mandats, comme à l’américaine, et 40 ans d’emprise sur une mairie ! La démocratie est bien le régime qui exige la rotation des responsables sous peine de verser dans l’oligarchie. Paul Villach


              • Imhotep Imhotep 14 avril 2009 18:06

                Une oligarchie avec 36 000 communes et 36 000 maires et près d’un million d’élus municipaux ? On fait à moins.


              • foufouille foufouille 15 avril 2009 08:41

                @ imhotep
                coluche a pas eut le droit de se presenter. et le pen etait limite en 2007
                un maire de petite a moins de pouvoir que celui d’une grande
                mais meme avec un peu ca suffit.

                en campagne, on a le remenbrement et le passage en terrain constructible
                bizarre que ta democratie donne les meilleures terres aux memes


              • samedi 14 avril 2009 13:33

                Tout à fait d’accord avec vous. D’ailleurs j’ai des souvenirs encore frais de Monory et honnêtement, l’extrême-onction que lui a donné la classe politique française m’a levé le coeur.

                Du reste, de la part d’Aubry qui en est à regretter Jacques Chirac, il fallait le faire !, à quoi s’attendre ?


                • ocean 14 avril 2009 15:36

                  bonjour Paul.

                  je partage tout à fait votre point de vue. Confiscation du pouvoir, mainmise sur les instances décisionnelles, clientélisme, et encore en plus sclérose (vous citez chirac, comment ne pas inviter aussi mitterrand à le rejoindre post mortem...).

                  Sans vouloir contredire martine, une volonté d’immobilisme aussi entêtée (car monory était extrêmement entêté) ne définit pas franchement une homme « tourné vers l’avenir » !

                  On suppose qu’elle a voulu faire allusion au futuroscope, mais ce dernier a été l’oeuvre de thierry breton, qui l’a créé de toutes pièces, et dont monory n’a été que le bras séculier, grâce au socle et aux relais de ses obligés que vous décrivez fort bien.

                  je crois aussi qu’il peut être utile d’ajouter une précision qui me paraît de grande importance, et qui concerne l’environnement, le contexte.

                  tant pis pour le souci de plaire à tout le monde, mais le réalisme et l’honnêteté obligent à dire que la vienne est très logtemps restée un département très éloigné des progrès de l’histoire. Poitiers était « Poitiers la noire ». Au nord du département, le triangle poitiers - loudun - châtellerault ne brillait pas par l’importance des débats d’idées, ni par les avancées de ses réflexions politiques, et ce ne sont pas les petites communes rurales traditionnelles du sud du département qui auraient risqué de leur faire de l’ombre.

                  c’est là, me semble-t-il, que se trouve le vrai socle des menaces contre la démocratie : dans l’ignorance, dans l’immobilisme intellectuel et culturel, dans une économie enlisée dans le quotidien, l’immédiat, et l’individuel.

                  c’est sur ce terreau que poussent les confiscations de pouvoir. A plus grande échelle, l’algérie vient d’en donner un nouvel exemple.


                  • Le péripate Le péripate 14 avril 2009 15:48

                    Un papier auquel je souscris tout à fait, à la réserve près que Monory était justement un de ces derniers politiques issus du monde normal des gens qui ne sont ni fonctionnaires, ni énarques.
                    Sur le cumul des mandats (et la corruption) on peut soutenir la démarche de l’association Anticor.
                    Sur le pourquoi d’un tel système, on peut s’informer sur les travaux de l’école des choix publics.
                    Sur la corruption et les raisons de sa persistance une conférence de B. Lemmenicier.
                    Et enfin un livre qui vient de sortir, par un auteur anonyme (on le comprend), et dont, bizarrement, personne ne parle. Je ne l’ai pas encore lu, mais ça ne saurait tarder. « Petit guide de la corruption en politique » par Brice de Tours


                    • Le péripate Le péripate 14 avril 2009 15:54

                      Je note que l’article et des intervenants parlent de clientélisme. Pour moi, c’est clairement de la corruption légale. Et dont on ne soupçonne pas à quelle point elle dérape souvent vers de la vraie corruption (voir la conférence de Lemenicier)


                    • Le péripate Le péripate 15 avril 2009 14:34

                      Depuis toujours. Lisez moins d’âneries, et pensez par vous même. Comment des partisans soit d’un état modeste soit même de l’abolition de l’Etat pourraient être favorable à la corruption, qui implique un état, des institutions en position de distribuer faveurs et prébendes  ?

                      La seule corruption qui puisse être acceptable moralement est celle qui est un acte de légitime défense : glisser un billet au policier véreux qui menace de vous mettre en prison sous un prétexte fallacieux, par exemple. Autrement, obtenir un avantage sur autrui est toujours moralement mauvais.
                      Que cela soit clair.


                    • Marcel Chapoutier Marcel Chapoutier 15 avril 2009 10:26

                      D’accord avec Villach, j’irai même plus loin, c’est le système mafieux dans toute sa splendeur, avec un vieux parrain indéboulonnable, tenant les rennes du pouvoir d’une main de fer et faisant la pluie et le beau temps...Le tout très très loin d’une vraie démocratie bien sûr.


                      • Alain Jules 15 avril 2009 19:25

                        bah vous avez bien été prof toute votre vie.

                        toujours la même vieiile rancoeur contre les gens peu instruits ayant réussi plus que lui. Villach a la haine dans tous ses articles.


                        • Paul Villach Paul Villach 16 avril 2009 13:02

                          @ Jules

                          Pauvre Jules ! Vous voulez vraiment vous faire appeler Jules ! On vous pose un problème structurel de démocratie et , forcément, puisque vous appartenez sans doute à une clientèle, vous ne connaissez pour faire diversion que l’attaque personnelle ! Minable Jules ! Paul Villach

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