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Le contraire du Vrai

Le contraire du Vrai, ce n'est pas le faux, le mensonge, la tromperie, trop facilement détectables, c'est la Raison qui sait mieux que tout autre peindre une réalité en fonction d'intérêts particuliers.

Le Vrai est une description simplifiée mais honnête de la Réalité. Celle-ci est multiforme et complexe et personne ne peut l'appréhender dans son ensemble. Le Vrai donne une vision non volontairement biaisée du Réel non polluée par des préjugés, des a priori personnels, culturels, intellectuels ou idéologiques. La démarche est peu aisée et périlleuse car chaque clan, chaque groupement d'intérêts possède la puissance qui lui permet de ruiner le Vrai car il gêne leurs dogmes. Le Vrai ne plait à personne et encore moins aux puissants.

La Raison, vraie ou feinte, est faite tout au contraire pour rassembler le plus grand nombre possible de fidèles afin de prendre le pouvoir, seul objectif qui l'anime. Une ligne théorique est proposée, des principes posés... toutes choses artificielles et sans fondements réels. Des principes universels sont quelquefois mis en avant et sacralisés pour se substituer au monde du vrai. Ceci nécessite d'engendrer un "Nouvel Homme" susceptible de s'adapter à l'imaginaire proposé. Cette transformation quasi-biologique a été expérimentée maintes fois dans le passé, elle ne peut se produire qu'à force de propagandes presque toujours accompagnées de coercition.

La Raison souhaite changer les apparences pour conforter la domination de quelques un.es sur la plupart. Pour que personne ne puisse s'apercevoir de cette manoeuvre "on" appellera Progrès toute espèce de changements indépendamment de son utilité sociale ou politique. Le Progrès existe cependant bien, l'apport des énergies fossiles fut déterminant pour rendre moins douloureuses beaucoup des tâches quotidiennes, mais on n'a pas attribué ce mérite aux scientifiques, les politiques et les économistes s'en sont emparés pour faire prospérer leurs préceptes permettant leur domination en concentrant les pouvoirs pour domestiquer les gens du commun. Les sociétés occidentales à l'origine de la plupart des merveilles technologiques s'enrichirent tant qu'elles ne purent plus raisonner qu'en termes quantitatifs. Elles purent acheter tout ce qui s'achète même des ouvriers pauvres, dociles et assez lointains pour être hors de portée des principes affichés par les plus bigots. Les plus démunis furent toutefois submergés de subventions afin qu'ils ne puissent pas voir la disparition programmée de leur savoir. La phase finale fut atteinte quand l'élite ne fut plus capable que d'engendrer des bons sentiments (télégéniques), mais aussi quantité de règlements, de traités, de lois, d'écrits, de paroles verbales. La fraction traditionnellement malmenée des pays nantis tarda à se rebeller car elle fut ensevelie sous des montagnes de bien-pensance qui la diabolisait. La population des démunis, dont on se méfiait encore, fut fragmentée en favorisant en son sein des différences de destin, de parcours, d'origine, de religion, différences toujours au service du même idéal. Chacun se retrouva seul face à un pouvoir unique invisible, impalpable, indéracinable, tout-puissant. L'hétérogénéité des populations crée par les mouvements de population inhérents au système permettait de détricoter un tissu de libertés établi en des jours plus heureux. Les nouvelles technologies, nées dans le milieu scientifique, furent détournées de leur objet par d'habiles entrepreneurs qui mirent à la disposition de tous les outils qui permettaient un flicage inédit d'efficacité car mis en oeuvre par ses utilisateurs. L''espoir même d'avoir une pensée personnelle disparut. Cette Raison n'aboutit pas seulement à l'avilissement de l'être humain mais à sa mort. L'humanité est naturellement faite de gens malfaisants ou merveilleux, on s'achemine vers un vaste troupeau mondialisé de benêts rivés à leurs écrans et à leurs certitudes. Bien que lourdement crétinisés par la vaste panoplie de moyens numériques, l'instinct de domination est resté intact chez certain et certaines, les émeutes subsistent et appellent un surcroît d'ordre, voire, lorsque les désordres s'accumulent, des guerres aussi atroces que les précédentes mais plus télégéniques surgissent..

Une approche systémique est nécessaire pour cerner le Vrai. Tout ensemble constitué d'entités qui interagissent ne constitue pas forcément un Système : Un tas de sable n'est qu'un tas de sable, mais une mare d'eau est beaucoup plus que cela. Un coup de pied dans un tas de sable produit un éboulement local mais la grande majorité des grains restants ne ressentira aucun effet. Les interactions entre grains sont dites "simples" faites essentiellement de frictions. Les effets peuvent être déduits plus ou moins simplement de la cause selon la logique commune. Il n'en est pas de même au sein de l'eau. Les molécules H2O interagissent par l'intermédiaire de liaisons hydrogène et le fait d'établir une première liaison facilite la formation d'une seconde. En simplifiant là encore, il peut être dit que les interactions sont non-linéaires. Il en découle que cause et effet deviennent rapidement indiscernables, l'effet facilitant la cause. Le système ainsi formé doit être étudié dans sa globalité et ne peut pas être disséqué ou fragmenté comme la Raison souhaite le faire. Un ensemble d'entités ordinaires peut se traiter en considérant d'une façon disjointe les problèmes, c'est la voie raisonnable mais ce n'est jamais ce qu'il faut faire. Pour pouvoir approcher le Vrai, il faut tenir compte de tout ce qui ne se pèse pas, de tout ce qui ne se compte pas, de l'Amour, de la haine, de l'indicible, du flou, du hasards, tout contribue au réel. Le législateur tend à complémenter le territoire de la Raison en lui superposant le Légal qui ne peut que plus imparfaitement encore recouvrir tout le champ du réel. Cette substitution laisse de moins en moins de place au Bon Sens respectueux des différences et utilisé depuis toujours pour la vie en société, mais ce bon sens porte en lui des dérapages quelquefois mortifères. Le Bon sens décèle bien les failles du raisonnable collectif mais il peut aussi verser dans les pires excès. Le Vrai a toujours une identité, il est associé à un individu donné. Le Vrai est incompatible avec toute distorsion, toute fausseté, personne ne peut percevoir toutes les tonalités du Réel, chacun n'en voit qu'une partie, certains mieux que d'autres, et même avec la plus grande rigueur on ne pourra pas se l'accaparer en entier.

La couleur d'un mur doit s'accorder aux goûts de chacun, mais il doit aussi agrémenter agréablement le mobilier, ne pas nuire à la clarté des fenêtres, permettre les activités que l'on fera à proximité... Un individu quelconque intégrera tous ces facteurs avant de donner son verdict, mais un autre peut penser d'une toute autre façon venant ainsi ruiner l'échafaudage cohérent initialement proposé. On obtiendra si on n'y prend garde, un mur blanc constellé de points rouges dont personne ne sera satisfait mais qui n'irritera pas trop de monde. Il s'agit de l'Alliance des pires où il n'existe ni Bon sens, ni Raison. Si l'on reste dans le domaine du rationnel ou du raisonnable en incluant tout ce qui est dicté par les lois ou les règlements, les interactions au sein d'une population seront relativement simples, l'assemblée ne forme pas un système, une cause entraîne un effet et on peut corriger celui-ci en appliquant un processus approprié. Des assemblées, des parlements, des collèges, des conclaves peuvent se réunir pour décider ce qui doit être, mais un groupe quelconque n'est jamais intelligent il n'est que la puissance du nombre. 

Le caractère systémique de tout groupe humain se révèle d'autant plus que des rhéteurs plus convaincants que les autres arrivent à convaincre de plus crédules qu'eux, que leurs dires représentent la vérité, la seule qui puisse être vraie. Les effets non-linéaires s'amplifient alors jusqu'au paroxysme et plus aucune barrière aux plus atroces travers n'arrêtera le courroux des plus nombreux et des mieux organisés. Ni les ensembles réunis sous une tutelle rationnelle, ni les systèmes non-linéaires dans lesquels dominent les sentiments, ne supportent une amputation due à un compromis. L'intelligence collective n'existe donc pas et la mise en place d'accommodements entre représentants d'ensembles distincts ne peut conduire qu'à l'alliance des pires en prenant par esprit de conciliation ce qu'il y a de plus mauvais dans chacun d'eux. Cette amputation conduit toujours à sacrifier la logique de la représentation au désir de cohérence.

Le Vrai est fait d'uniques, la Raison d'identiques, Le Vrai c'est à la fois le Beau et l'horrible, la plus merveilleuse des créations comme l'abjection la plus cruelle, le vrai n'est fait que de différences.


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7 réactions à cet article    


  • xana 18 juin 19:45

    Votre définition de la « raison » défie l’entendement... 

    Dans un monde où les médias corrompus façonnent l’histoire dans l’intérêt de leurs maîtres, la (vraie) raison est surtout un bon moyen de ne pas se laisser raconter des histoires à dormir debout.

    Mais on peut imaginer que pour vous les médias sont honnêtes ...


    • xenozoid xenozoid 18 juin 19:53

      @xana

      j’ai plus l’impression qu’il parle de sa réalité plus que de sa/la raison


    • SilentArrow 19 juin 04:15

      @xenozoid
       

      j’ai plus l’impression qu’il parle de sa réalité plus que de sa/la raison

      Moi, j’en suis encore à me demander de quoi parle cet article.

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 19 juin 13:22

      @xana
      Je n’ai pas cette impression. Mais la définition est correcte.


    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 18 juin 20:25

      A-t’il une chance ?
      C’est opérable ?
      Qui sait ?


      • Étirév 19 juin 11:05

        « Le contraire du Vrai, ce n’est pas le faux, le mensonge, la tromperie, trop facilement détectables, c’est la Raison qui sait mieux que tout autre peindre une réalité en fonction d’intérêts particuliers.  »
        RAPPEL : Pour que l’homme puisse prendre sa raison pour guide il faut que la raison de l’homme soit droite.
        Or, il y autant de degrés dans la justesse de raisonnement des hommes qu’il y a d’individus.
        La raison n’est pas une entité, une et absolue, que l’on puisse consulter avec assurance, c’est l’expression d’une somme intellectuelle qui varie suivant l’individu qui parle.
        Et les esprits qui voient faux étant les plus nombreux, le nombre ne fait pas l’autorité. C’est au contraire, dans ce cas, la minorité qui l’emporte, les raisons droites étant plus rares.
        Quant aux idées justes, comme elles ne sont accessibles qu’à la minorité dont l’esprit est droit, elles ne peuvent être comprises « à priori » que par un petit nombre de personnes.
        Mais comme ce qui est vrai peut être démontré par la science, cette démonstration faite, il faut imposer la vérité démontrée à la raison des masses. Sans une autorité scientifique qui impose une croyance, la vérité serait, presque toujours, niée puisqu’elle ne répond pas à l’état d’esprit de la multitude des hommes.
        Prenez le rationaliste le mieux doué, mais étranger à la science et dites-lui, par exemple, que l’eau est formée de deux gaz, que l’air n’est pas un tout homogène mais un mélange de divers éléments, que l’être humain a été formé la tête en bas et les pieds en haut, cet homme vous répondra que tout cela « est absurde », attendu que sa raison lui fait voir l’eau sous un autre état que les gaz, que sa raison lui montre l’air comme un milieu transparent dans lequel il n’aperçoit aucun élément, que, habitué à voir marcher l’homme sur ses pieds, il ne peut pas concevoir qu’il ait occupé une autre station dans laquelle la marche est impossible.
        Et cependant, il est bien vrai que l’eau est un composé de deux gaz, que l’air n’est pas un tout homogène, que pendant toute l’évolution humaine le fœtus a la tête en bas et les pieds en haut. Et vous qui êtes « savant », qui avez acquis la connaissance de ces choses et les propagez avec conviction, vous mettrez, certainement, dans la discussion avec ceux qui nieront ce que vous affirmez, l’obstination de celui qui est arrivé à la certitude, vous mettrez, dans votre désir de les convaincre, l’ardeur du prosélytisme.
        Mais, supposez qu’il arrive, dans l’avenir, un moment où la science obscurcie, perdue, n’explique plus aux nouvelles générations le comment et le pourquoi des phénomènes, supposez qu’on leur donne à croire des conclusions sans préliminaires, des faits non démontrés, quoique vrais, il se trouvera, certainement, parmi nos descendants, des esprits forts, des « rationalistes », qui diront : Je ne crois pas tout cela, parce que « c’est absurde », je ne veux pas de mystère et je n’admets que ce que ma raison explique.
        Et cet homme semblera avoir raison, et, cependant, celui qui enseignera tous ces faits, démontrés aujourd’hui, n’aura pas tort, puisqu’il propagera la vérité. Et la lutte naîtra entre ces deux hommes remplis de bonne volonté l’un et l’autre.
        Nous nous trompons quand nous disons que le missionnaire de ces vérités n’aura pas tort ; il aura, au contraire, un immense tort, c’est d’avoir perdu « la science », d’être tombé lui-même, dans l’ignorance des choses qu’il enseigne et de ne pouvoir plus les appliquer, d’être obligé de les présenter sous la forme de vérités acquises à une époque reculée, mais devenue « mystères » par l’ignorance des générations dégénérées.
        Il aura le tort de baser son enseignement, non plus sur la science, mais sur la tradition. Ce qui arriverait en pareil cas c’est ce qui arrive aux prêtres actuels de tous les cultes. Ils propagent des vérités fondamentales, devenues des mystères pour eux, des idées qu’ils sont incapables d’expliquer scientifiquement et qu’ils veulent imposer en vertu de leur propre autorité, et le rationalisme des masses ignorantes leur jette à la tête une négation qu’ils ne peuvent plus combattre.
        Donc, avant de dire : Je ne crois pas cela parce que « c’est absurde », dites-vous : la tradition me donne telle idée à croire, examinons, « par la science », la valeur de cette idée, mais ne faites pas appel à la raison pour croire ou nier, attendu que la raison n’explique rien et ne juge que les apparences qui sont, presque toujours trompeuses. La raison ne nous dit pas que la terre tourne, ni que les premières formes traversées par l’homme pendant son développement à la surface terrestre, ou pendant sa vie embryonnaire, ne ressemblaient en rien à sa forme actuelle, c’est la « science » qui nous dit cela.
        Donc, la vérité ne peut pas être trouvée par les hommes qui n’ont d’autre guide que leur raison. Elle est le privilège de ceux qui sont en possession de connaissances acquises.
        Et ceux-là ont pour mission l’enseignement. Ce sont des ministres chargés de propager les vérités démontrées en les faisant connaitre à ceux qui ont les moyens intellectuels nécessaires pour les comprendre, en « les imposant » aux autres.
        Car, « la science ne se propose pas, elle s’impose. »
        Vous n’allez pas proposer à un enfant d’examiner si la terre tourne, vous lui enseignerez cette vérité comme un fait acquis, vous lui en imposerez la croyance.
        Proposer l’examen des vérités aux ignorants, c’est livrer la science à ses ennemis, c’est retourner à la barbarie, au chaos intellectuel, c’est perdre tout le bénéfice acquis par les hommes de génie qui nous ont précédé.
        LIEN


        • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 19 juin 13:27

          @Étirév
          Votre texte est très intéressant et, sur la plupart des points je suis en accord. Par contre, toute chose même complexe peut être expliquée à n’importe qui, ce n’est pas un rêve, c’est un fait. Mais il faut évidemment s’en donner la peine.

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