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Réflexion sur la richesse

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Nous sommes parait-il l’un des pays riches, ce qui nous permet de dépenser ce qu’il faut pour rendre crédible nos idéologies, d’accueillir tous ceux qui partagent la croyance que nous avons dans notre richesse et de nous croire protégés, encore que ce dernier point commence à faiblir. Mais a-t-on réfléchi à ce qu’est la richesse ? Prospérité vient du latin prosper qui voulait dire heureux. Le bonheur ne se quantifie pas, et la richesse semble se quantifier.

Sur les trois qualités de base que sont le vrai, le bien et le beau qui ne s’approchent que qualitativement en s’exprimant avec des mots contrairement au quantitatif qui s’exprime avec des chiffres, deux détails laissent souvent perplexe. Le premier est le choix du bien et non du bon, distinction des langues latines que les Anglo-Saxons traduisent tous par un seul mot, good ou gut. Le second est qu’en les mariant deux à deux, étant des concepts qualitatifs, on ne peut obtenir que d’autres concepts qualitatifs. C’est assez simple avec le vrai et le bien qui donnent le juste qui ne se quantifie pas ; c’est encore assez simple avec le beau et le vrai qui donnent le pur qui ne se quantifie pas non plus ; mais cela devient compliqué avec le mariage du bien et du beau qui donnent le riche qui semble se quantifier. La richesse serait-elle quantitative et serait-il erroné de prétendre qu’elle n’est qu’un mariage à trois entre ce qui est beau, ce qui est bien et ce qui est bon ?

D’abord quelle est la différence entre le bien et le bon que ne font pas les Anglo-Saxons ? Nous avons deux façons d’aborder ces sujets. Nous pouvons les approcher par nos cinq sens, percevoir le vrai par le toucher comme saint Thomas, le beau par la vue et l’ouïe, et le bon par le goût et l’odorat. Nous pouvons aussi les aborder directement par la pensée comme nous le faisons naturellement quand nous qualifions tout ce qui n’est pas à la portée de nos cinq sens. Pour le vrai et le beau, les deux approches, concrète et abstraite, utilisent le même mot. Mais pour le troisième, l’approche concrète par la bouche et le nez utilise le bon alors que l’approche abstraite utilise le bien sauf si elle a besoin d’un adjectif que ne possède pas le bien, auquel cas elle utilise le bon. Ce sera le bon élève, la bonne actrice ou le bon sens. Le bon reste majoritairement un synonyme de l’agréable quand le bien est plus celui de l’adéquat. Comme nous sommes dans l’approche intellectuelle et non simplement sensorielle, il parait judicieux d’utiliser le bien même s’il ne faut jamais oublier que le bon n’est pas loin.

Ensuite nous savons tous que ce qui est qualitatif est une opinion qui peut varier suivant les individus, les lieux et les moments, alors que ce qui est quantitatif se veut objectif et mesurable. La richesse est-elle une opinion ou une réalité mesurable ?

Dans l’univers tout est énergie mesurable dans un décor illimité et mesurable qui se subdivise en ce qui est réversible appelé espace et ce qui est irréversible appelé temps. Tout ce qui est mesurable et qui n’est ni une durée ni une distance, relève de l’énergie que les hommes cherchent depuis toujours à utiliser à leur profit. N’importe quel caillou peut se mesurer par ses dimensions mais aussi par l’énergie de liaison qui réunit dans un atome protons, neutrons et électrons, dans une molécule les atomes et dans le caillou les molécules. Nous commençons à savoir chiffrer cette énergie et nous rêvons de savoir un jour l’utiliser.

Ces deux détails étant dégauchis, une première constatation sur la richesse est qu’elle est le regard qu’un peuple porte sur lui-même, sur ce qu’il aime, qu’il admire et ou qu’il envie. Nous sommes dans le bien, dans le beau et dans le bon. C’est donc bien au départ un concept qualitatif qui varie suivant les civilisations. Amadou Toumani Touré, président du Mali, disait « Nous sommes riches de la famille ». Chez les Incas « La richesse était liée non pas à la possession des biens mais à l'accès à la main-d'œuvre pour la production de la communauté » donc au pouvoir. On comprend mieux pourquoi le mot riche vient du mot franc riki qui voulait dire pouvoir. L’Inca et sa famille étaient considérés comme riches car ils avaient accès à la main d’œuvre de tous. En occident tout ce que nous trouvons beau, bon ou bien et que nous achetons volontiers si nous le pouvons, est réputé richesse mais ce n’est pas elle qui se chiffre, mais l’argent dépensé à l’obtenir, ce qui change absolument tout car nous passons d’une richesse qualitative à une dépense quantitative. C’est tout le mystère du prix qui tente par la monnaie de quantifier le qualitatif. Il y arrive ponctuellement en un lieu donné et à un moment donné. Mais comme le prix ne quantifie ni une durée ni une distance, c’est donc une énergie qu’il mesure puisque, faut-il le répéter, seuls le temps, l’espace et l’énergie se mesurent. Le prix mesure l’énergie qu’il a fallu dépenser pour obtenir ce bien ou ce service, pour le produire, le distribuer et pour l’acheter.

Tout cela était vrai quand la monnaie était une richesse en soi comme l’or et quand c’était elle qui faisait passer du qualitatif de la richesse au quantitatif du prix. Il y avait certes déjà le risque de limiter la richesse à ce qui s’achète en en excluant, entre autres, la spiritualité, la famille, la gestation ou la nation. Ce risque a été évité pendant des siècles par la religion porteuse de la richesse qualitative. Elle rajoutait Dieu à César.

Mais la deuxième moitié du XXe siècle a tout chamboulé dans notre Occident qui s’était voulu civilisateur en ne voyant le mot civilisation qu’au singulier tellement la nôtre était à l’époque cohérente. L’incohérence actuelle s’est construite simultanément sur la négligence progressive de la richesse non quantifiable (spiritualité famille gestation nation…) et sur le passage subreptice d’une monnaie richesse reconnue à une monnaie richesse à trouver grâce au passage des anciennes monnaies réelles aux nouvelles monnaie fiduciaires, puis faussement fiduciaires et enfin scripturales, toutes confondues dans leur utilisation comme si elles étaient des monnaies réelles. La monnaie facile et l’abandon de la richesse non quantifiable s’allient actuellement pour tuer notre civilisation.

Les monnaies réelles étaient des richesses reconnues en elles-mêmes comme l’or, le sel ou le bétail. Elles véhiculaient l’énergie humaine qu’il avait fallu dépenser pour les obtenir et qui était amassée dans ce bien réel. Elles avaient été préalablement prélevées sur la richesse populaire et étaient donc par construction limitées. La valeur de ces monnaies réelles était le regard que portait un peuple sur la capitalisation dans la monnaie d’un effort qu’il connaissait bien pour le faire tous les jours.

Construire l’incohérence actuelle s’est fait par étapes. D’abord dans un souci de commodité, on a inventé la monnaie fiduciaire qui est fondé sur la confiance comme son nom l’indique. Une banque, dite centrale, émet des billets et on lui fait confiance quand elle affirme qu’elle possède l’équivalent en monnaie réelle dans ses coffres. Dans son bilan elle met la valeur de la monnaie réelle qu’elle détient à son actif et la monnaie qu’elle émet de même valeur à son passif. Jusque-là pas de problème, cela reste cohérent.

Mais c’est la monnaie scripturale qui rend le tout incohérent par l’invention de la monnaie facile et illimitée. La monnaie scripturale n’est plus liée à une richesse réelle, elle n’est créée que pour être distribuée, récupérée avec intérêts et détruite. La banque inscrit au nom de son client à son passif, la somme qu’elle crée et qu’elle met à la disposition dudit client. En même temps elle inscrit à son actif la même somme à récupérer avec intérêts sur le même client. La monnaie scripturale a été créée au bon vouloir de la banque sans aucun lien avec une monnaie réelle. Les banques le justifient en insistant sur la destruction de cette monnaie dès son remboursement avec intérêts. Elles oublient de préciser qu’à elles toutes, elles créent plus de monnaie scripturale qu’elles n’en détruisent ce qui se vérifie par la montée incessante des dettes individuelles, nationales et mondiale. Cette création totalement artificielle de monnaie scripturale est tellement agréable que les banques centrales qui n’ont théoriquement pas le droit de prêter de l’argent, ont contourné cette interdiction par le « quantitative easing » en rachetant des créances même pourries aux États comme aux institutions financières pour pouvoir émettre et distribuer une monnaie qui est faussement fiduciaire et en réalité scripturale garantie par ces créances douteuses tout en faisant croire qu’elle est toujours une monnaie fiduciaire donc digne de confiance. A titre d’exemple au 31 décembre 2023, le bilan de la banque centrale européenne n’a à son actif que 649 milliards d’euros en or sur un actif global de 6.935 milliards d’euros. Moins de 10 % de la monnaie émise par la BCE est encore une monnaie fiduciaire garantie par une monnaie réelle, plus de 90 % est une monnaie scripturale uniquement garantie par l’énergie que les hommes devront dépenser demain pour payer les institutions qui doivent de l’argent à la banque centrale.

Quel avenir dans ces conditions pour éviter la guerre, la révolution, l’esclavage ou la soumission à la cohérence de l’islam ? Il est vraiment triste d’observer que si peu de gens se posent la question et qu’ils observent apathiques la montée simultanée et en ordre dispersé des quatre désastres. L’argent facile et le dédain des richesses non quantifiables semblent nous avoir définitivement endormis.

 


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15 réactions à cet article    


  • Sirius Sirius 7 mai 11:16

    « Nous sommes parait-il l’un des pays riches, »

    qui ça, « NOUS » ? l’état ? La population (souvent baptisée d’un « peuple » péjoratif) ? Le classe dominante qui a la même notion qu’Obélix de la distribution équitable des parts de gateau ?


    • Marc Dugois Marc Dugois 7 mai 11:32

      @Sirius

      Croire à l’existence du gâteau permet de justifier tous les aveuglements ! Et c’est tellement agréable d’y croire plutôt que de prendre conscience que ce gâteau n’existe pas. La vie n’est qu’échange.....


    • Sirius Sirius 7 mai 11:45

      @Marc Dugois

      le gateau existe quand les échanges ne sont pas équitables et que des accapareurs accumulent ce qu’ils ont racketté
      l’économie actuelle n’est pas du troc et même même plus seulement la réalisation de profits dont l’accumulation permet de créer un capital rémunéré quand il est emprunté, aujourd’hui, c’est une spéculation
      votre assertion serait plus juste ainsi formulée : « La vie ne devrait être qu’échange..... » etse poursuivre ainsi : « mais les échanges se réalisent à ravers des contrats léonins »


    • Marc Dugois Marc Dugois 7 mai 12:19

      @Sirius
      L’accumulation de profits qui ferait un gâteau, est un mythe dont il faut se réveiller.

      Le profit existe individuellement, c’est une réalité, mais il n’existe pas collectivement puisque tout passe par un échange de même valeur entre d’un côté un bien ou un service, et de l’autre de l’argent. Une production qui ne s’achète pas comme la sueur ou l’urine ne crée pas de profit. Il n’y a profit de quelqu’un que s’il y a appauvrissement de quelq’un d’autre. Cette évidence est oubliée pour pouvoir crier haro sur le baudet, les « accapareurs » et les racketteurs" qui sont ravis qu’on les accuse de ce qu’ils ne sont pas en oubliant leurs vrais défauts. Pour moi la seule question à se poser est celle de savoir si l’appauvrissement est volontaire comme l’achat d’un livre ou de la nourriture ou s’il est contraint comme l’impôt.

      En macroéconomie le profit n’a aucun sens !


    • Sirius Sirius 7 mai 14:27

      @Marc Dugois

      Comme aurait dit Lavoisier à propos de  la conservation des masses lors du changement d’état de la matière.

       : « Rien ne se perd, rien ne se créée, tout ce qutransforme ».
      Sauf que cette citation est apocryphe et couvre d’un voile ce que le savant a écrit, à savoir : « ... rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. »
      Ces changements et ces modifications concernent peut-être la « micro-économie », mais c’est dans cette économie-là que nous vivons, et le vécu n’est pas le même pour tout le monde.
      Dans cette vision naturaliste de l’économie, tout se passe comme dans la chaines alimentaire composée d’une succession de végétaux et d’animaux où chacun est mangé par le suivant, ce qui montre à quel point les êtres vivants dépendent les uns des autres. Mais chaque chaîne alimentaire diffère d’un réseau alimentaire dans la mesure où elle suit un chemin linéaire direct de consommation et de transfert d’énergie, et les interconnexions entre les chaînes alimentaires constituent un réseau alimentaire non linéaire qui décrit des voies interconnectées de consommation et de transfert d’énergie. La consommation et la fourniture d’énergie n’est pas la même pour chaque élément, même si le bilan est zéro.

      Autre analogie : les niveaux trophiques supérieurs ne produisent pas leur propre énergie et doivent donc consommer des producteurs ou d’autres formes de vie qui consomment elles-mêmes des producteurs. Tous les organismes d’une chaîne alimentaire, à l’exception du premier organisme, sont des consommateurs. Les consommateurs secondaires mangent et obtiennent de l’énergie auprès des consommateurs primaires, les consommateurs tertiaires mangent et obtiennent de l’énergie auprès des consommateurs secondaires, etc.

      Au niveau trophique le plus élevé se trouve un prédateur au sommet ; un consommateur sans prédateurs naturels dans le modèle de la chaîne alimentaire.

      Lorsqu’un niveau trophique meurt, les détritivores et les décomposeurs consomment leur matière organique pour produire de l’énergie et expulsent les nutriments dans l’environnement sous la forme de leurs déchets. Les décomposeurs et les détritivores décomposent les composés organiques en nutriments simples qui sont restitués au sol. Ce sont les nutriments simples dont les plantes ont besoin pour créer des composés organiques.

      En attendant, il vaut mieux être prédateur que proie, se disent les « consommateurs » qui ne produisent rien et consomment beaucoup de cette énergie qu’en économie vous baptisez « richesse ».


    • titi titi 7 mai 17:23

      @Sirius

      Bien sûr que vous êtes riche Sirius.

      66% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable.
      66% de la population mondiale

      n’a pas de WC
      Et pourtant la plupart travaillent bien plus que vous : et en intensité, et en temps.

      Vous ne payez qu’une partie congrue de vos soins.
      Des éboueurs à votre service passent régulièrement vider vos poubelles.
      Des profs s’occupent d’enseigner à vos enfants.

      Oui vous êtes riche.

      Juste vous ne l’êtes pas assez à votre goût.

      Vos préoccupations, c’est le prix de votre électricité, de vos abonnements VOD, de votre téléphones.

      Ce ne sont pas des préoccupations de pauvres.


    • Sirius Sirius 7 mai 18:06

      @titi

      vous me connaissez ?


    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 7 mai 18:17

      @Sirius
      .

      même si le bilan est zéro.


      FALSE.
      Dans la chaîne alimentaire, il y a un débÎle qui rejette des chÔses non assimilable par le précédent, et du précédent..., jusque SOL, pollué. Nous diminuons les périmètres des chaînes, d’où contraintes, etc
      .
      Le bilan nul existe uniquement dans une boîte-de-Pétri, qui rappelle l’importance d’une durée-de-vie. Quand celle-ci diminue ...

    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 7 mai 18:20

      - @Sirius
      .

      vision naturaliste de l’économie

      DURER


    • @titi

      Vos préoccupations, c’est le prix de votre électricité, de vos abonnements VOD, de votre téléphones.

      Ce ne sont pas des préoccupations de pauvres.


      Si !
      La preuve c’est vous meme qui le dites ! relisez vous !
       
      Certains ne peuvent même pas se la payer


    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 7 mai 18:27

      @Marc Dugois
      .

      Une production qui ne s’achète pas comme la sueur ou l’urine ne crée pas de profit.

      Vous évoquez là la Propriété intellectuelle : les brevets, qui permettent leur « guerre » économique. Le Droit est un moteur pour all-planet-market : « Le Droit créé les vilains et les méchants. »
      .

      Il n’y a profit de quelqu’un que s’il y a appauvrissement de quelq’un d’autre.

      il existe une durée entre profit et appauvrissement.

    • Marc Dugois Marc Dugois 9 mai 05:36

      @Sylfaën.H.
      La sueur et l’urine ne s’achètent pas et ne créent pas de profit contrairement à la propriété intellectuelle qui s’achète en bloc ou en morceaux.

      Quant à la durée entre profit et appauvrissement, cela nécessite explications car tout paiement crée simultanément profit et appauvrissement.


    • titi titi 10 mai 16:01

      @Ouam (Paria statutaire non vacciné)

      "Si !

      "

      Non.
      Ce sont des préoccupations d’occidentaux qui ont oublié ce qu’est la vraie pauvreté.
      Et qui chouinent..


    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 7 mai 17:58

      c’est la monnaie scripturale qui rend le tout incohérent

      Que point. Que nenni.

      C’est un problème de système « qui veut faire payer le futur »

      Tant que monnaie & devise couplées, point d’issue. Marx te le disait, 2fois : « Le fleuve aux vagues... ».

      Pour ce qui est de l’ Economie-politique, le bug est dans son intérêt à décrire les CoûtsVariables générant pib, à ignorer CoûtFixes, nécessaires, où si MINIMUM non assuré ... d’appeler Etat-Providence, à décrire, siouplé, vous avez 2heures smiley,

      ou , pour çà, avec Force dans l’Ordre comme il se doit


      • zygzornifle zygzornifle 8 mai 08:37

        Si on est dans un pays riche c’est grâce aux 11 millions de sous le seuil de pauvreté .....

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