Une partie de pétanque
Droit "Obut"
Même sans accent ni bob sur la tête aux couleurs d'une marque anisée, jouer à la pétanque de manière occasionnelle sent les vacances. Il convient bien sûr d'être muni de ces incroyables sphères qui sont le prolongement des billes de l'enfance, en plus gros et surtout en plus lourd. De leur poids et la nature de leur surface dépend inévitablement le style de joueur que vous êtes à moins que vous ne fassiez qu'emprunter des boules sans les avoir choisies à votre main et à votre jeu…
Car à la pétanque, il y a celui qui entend tout casser, se contentant avec un malin plaisir de briser inlassablement les efforts des autres en tirant sur tout ce qui bouge ou plus exactement qui réside à proximité du but et cet autre qui espère vaincre les difficultés du terrain, ses pièges et ses reliefs, dénivelés et compositions. Le premier fracasse sans se soucier de la topographie, le second pointe souvent à l'assurance dommage.
Plus on s'élève dans la hiérarchie d'un jeu qui est aussi un sport de précision, plus les artilleurs sont légion, tirant à tort et à travers pour éclaircir le terrain, tenter de remporter au terme d'un pilonnage en règle le gros lot. Les pointeurs, quoique experts en balistique et en géologie appliquée à la surface du terrain, sont souvent confrontés à un pilonnage en règle qui ruine tous leurs efforts.
Pire même, il est parmi les premiers de véritables parasites qui entendent prendre la place de celui qui s'est appliqué à s'approcher au plus près du cochonnet, d'une simple frappe sournoise qui laisse son adversaire sur le carreau. C'est alors un deux en un, puisque chassant avec violence son opposant, il se permet de prendre sa place sans avoir eu à étudier le terrain. Il semble même que c'est là le geste le plus recherché dans ce jeu de carambole.
Laissons donc ces furieux pour nous attacher aux affres de ceux qui s'évertuent à combiner l'art de la trajectoire, le choix de la surface de chute, la nature de l'effet proposé à la boule, la hauteur de son jet et la force insufflée dans ce geste. Tant de calculs, de réflexion pour que l'espace d'un éclair tout soit détruit par les artilleurs. Quelle misère !
Le pointeur est un esthète qui cherche à se plier aux circonstances. Il s'accroupit ou se redresse, se penche puis change encore de position avant que de se résoudre à examiner d'un peu plus près la surface où atterrira son ogive. Il essaye discrètement de préparer le terrain, d’aplanir le point de chute d'une semelle salvatrice. Il revient dans ce rond qui se fait, parait-il désormais cerceau.
Que d'efforts et de doute pour un exercice délicat qui doit en outre composer avec les boules déjà disposées sur le terrain. Il lui faut les contourner, passer au-dessus ou bien faire sa place sans mettre en avant la boule d'un adversaire. Tous ces efforts, cet art peuplé d’impondérables et de vilains cailloux que d'un geste expéditif, le tireur réduira en poussière.
Le pointeur bien souvent a le cœur déchiré quand il entend le choc qui propulsera sa boule loin de la cible qu'il avait si bien approchée. Il se résout souvent à voir tous ses coups anéantis par la force brutale des rois de la partie. Il se sent souvent parfaitement inutile devant ce jeu de massacre qui ne met en avant que les destructeurs.
Fort heureusement, le tir est lui aussi soumis à l'aléatoire. L'échec a de multiples motifs qu'il convient de commenter en connaisseur pour appartenir à la grande famille des adeptes de ce jeu : trop court, pas droit, trop long, boule sautée, bec ou autres motifs obscurs qui conduisent à la déconfiture de l'artilleur. C'est alors un rare moment de satisfaction pour le pointeur.
Parfois, le jeu lui impose alors de suppléer ses camarades de l'artillerie lourde quand ils ont usé tous leurs projectiles. C'est à lui de se muer en tueur pour assurer le dernier geste, l'ultime tir pour empocher la mène. Que diable lui demande-t-on de faire à ce moment-là ? Comme au rugby il y a les joueurs de piano et ceux qui les déménagent.
Illustrations de CHRISTIAN JEQUEL
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