Quête amoureuse

La poule et l'âne.

Cocotte, une poule lasse de se faire appeler ma poulette par un coq toujours perché sur ses ergots voulut changer sa destinée. Elle ne cessait de dire à ses comparses qu'avec ce coq vaniteux, elle s'empâte… Cependant pour elle, le plus difficile était d'avouer son désir de rupture à cet emplumé chaud de la crête. Il lui faudrait marcher sur des œufs au risque de se faire voler dans les plumes.

Prudemment la dame attendit la tombée de la nuit pour faire avaler la couleuvre à son compagnon. C'est au pied de la basilique qu'elle lui avoua son désir d'émancipation, argumentant d'une lassitude née de la répétition des jours sans évoquer ce désamour qui était la vraie raison de son désir de rupture.

Le coq est susceptible, la chose est bien connue. Il fallait donc le ménager tout en ne mettant jamais en cause sa virilité et son autorité. Il en aurait chier une pendule comme l'aurait dit sans ambages une vieille cousine du Poitou. Cependant, malgré toutes ces précautions langagières, notre coq prit fort mal cette nouvelle. Il se fit pochetron, se mettant à boire du vin pour oublier son malheur.

Cocotte laissa son coq au vin et alla quérir dans la ferme un nouveau compagnon. La dame n'avait semble-t-il aucune notion de la barrière des espèces et se souciait comme de sa dernière plume des différences morphologiques. Influencée inconsciemment par l'exemple lamentable de son ancien amant, elle se tourna vers le troupeau ovin de l'endroit.

Elle jeta son dévolu sur un magnifique bélier qui avait un charme fou. Lui faire la cour ne se passa pas sans difficulté, l'animal étant emprunt d'un conformisme qui l’empêchait d'envisager une telle union. Il lui tournait le dos tandis que la pauvrette ne parvenait pas à se faire entendre de celui qu'elle désirait. Elle eut recours à un bouc émissaire pour transmettre sa requête.

Le bélier hélas était féru d'astrologie. Il lui donna une fin de non recevoir prétextant qu'un mâle bélier ne pouvait trouver le bonheur qu'avec une femelle poisson. Pour la poule, c'était un premier désir qui tombait à l'eau. Elle se tourna ensuite vers un autre animal qui lui était cher : l'étalon de la ferme, un magnifique Ardennais prénommé Pompon. L'idée de devenir la maitresse de l'étalon lui semblait être dans l'ordre des choses sans mesurer les difficultés attenantes à ce choix.

Pompon ne dédaignait pas la compagnie de notre belle poule. Le cheval déteste la solitude et toute compagnie est bonne à prendre dans son cas. Il avait donc l'habitude de fréquenter la volaille sans pour autant avoir envisagé en faire un jour sa compagne. Il monta sur ses grands chevaux lorsque la pauvrette lui fit sa demande, rua dans ses brancards et la pria d'aller se faire cuire un œuf. Jamais on n'avait fait un tel affront à Cocotte qui eut envie de se prendre de bec avec ce malotru.

De guerre lasse, la poule qui n'était pas encore échaudée par ses échecs successifs, poursuivit sa recherche dans son pré carré avant que de se résoudre le cas échéant, à s'inscrire sur un site de rencontre. Elle était vraiment résolue à user de tous les expédients. Elle rejeta de manière catégorique tous les animaux à plumes, ceux-là lui rebroussaient le poil.

C'est alors qu'un accordéoniste ami des fermiers vint jouer dans l'étable pour que les vaches produisent plus de lait. Comme souvent, Cocotte vint se distraire et se changer un peu des idées qu'elle avait noires. La voyant proche de la dépression, le musicien à l'humour subtil lui glissa au creux de l'oreille : « Tu ne vas pas nous pondre un œuf pour des histoires de cœur ! Tu n'as qu'à passer du coq à l'âne pour satisfaire à ton caprice ! »

Ce que fit Cocotte qui trouva en Kiwi, ce bel âne du Berry un compagnon idéal toujours à son écoute. Ils vécurent heureux sans se soucier de faire des enfants, ce qui, avouons le, leur évitèrent bien des déboires. Nulle procréation assistée ne leur serait venue en aide.