Bonsoir.

Expérience scientologue vécue.

J’ai un fils qui fait du théâtre et aime bien la provoc’ douce.

Un des exercices de l’année était d’imaginer un personnage et de l’incarner, en improvisant, dans un lieu public.

Pendant le festival d’Avignon, la boutique de scientologie qui a pignon sur rue faisait de la retape digne des portiers de Pigalle.

Il avait 16 ans à l’époque, et il s’est présenté comme un véritable psychopathe, accompagné d’un ami du même âge mais paraissant nettement plus jeune.

Il a raconté une histoire abracadabrante : il était en psychothérapie depuis la mort de son chat qu’il avait appelé Adolf H... Il laissa planer le doute sur les circonstances de la mort de la bête, laissant entendre que son affection pour Adolf n’était pas exactement de même nature que celle qu’un jeune enfant voue généralement à son animal domestique.

Ayant découvert l’abomination, la mère - moi !- fut décrite comme une catho un peu allumée inspirée de "La vie est un long fleuve tranquille". Horrifiée, je l’aurais inscrit dans un cours privé catho intégriste d’où il aurait été renvoyé après avoir grièvement blessé l’un de ses camarades qui se moquait des larmes qu’il versait pour Adolf dont il ne parvenait pas à faire le deuil.

Depuis, il errait de psy-machin en psy-chose... Il décrivit son rêve : faire de la peinture sur corps, mais les filles voulaient pas. Il était à bout... Il versa quelques larmes... Son pote l’enlaça, et pendant que l’autre simulait les sanglots sur son épaule, il réussit à garder son sérieux et même à répondre au VRP scientologue qui demandait "si ça lui prenait souvennng", avé l’assent, que oui, hélas... De plus en plus "souvenng".

Interrogé sur son âge, il répondit la vérité- pour une fois !-

Emu, l’homme prit des risques : "Ecoute, petit... Normalemenng, si t’es pas majeureu, on peut pas t’assepter, tu wois , c’est bienng malheureux mais c’est la Loi, heinng ! Mais bon, tu me fais peine peuchère... Tin, allez, regardeu : tu peux acheter le livre, ça te fera du bienng. Passque la ssychologie, la ssychanalyse, lassychothérapie, tout ça, c’est pas des sciences ezzactes, et ça sert à rienng mon pôvre ! Et mêmeu, tu wois je prends des risqueus poure toi, hé : elle a des sous ta mamang tu m’as dit ? Bon, eh béh, tins, si tu te débrouilleus, je te la vends la machine anti-stresseu. C’est 500 euros, mais ça, ça marche, hé. Té vé, c’est pas comme les ssys. C’est scientifiqueu ! Moi, c’est bien simpleu : elle m’a sauvé cette machineu. Eh si petit ! Moi je te comprenng, passque moi non plus je suis pas cômme les ôtres. Moi, je vienng de la planète Za...- on a oublié la suite, mais on se souvient que ça commençait par "Za"- C’est sûr, ça m’a stressé ôssi, té, vé... Et regarde, je m’en suis sorti !"

Les gosses sont repartis avec les prospectus, ahuris qu’un truc aussi gros ait pu marcher, et surtout bouleversés de voir des gosses de 12 -13 ans attirés par les boissons fraîches gratuites entrepris par le guide de service dès qu’ils eurent tourné les talons.

Excités par l’aventure et boostés par le numéro "spécial sectes" de Charlie Hebdo que je me suis empressée de leur faire lire après qu’ils m’aient avoué leur "coup", ils ont décidé d’y retourner à 5-oui, mes pôvres vieux parents sont condamnés à héberger dans leur grenier et sur leur pelouse des hordes d’ados du ch’nord pendant le festival- et là : coup de théâtre. En v’là une qui choppe le fou rire et qui a le fou rire contagieux. Et malgré ses efforts pour faire passer les soubressauts pour des sanglots, mon bébé est démasqué, et carrément menacé de "prendreu du plommb dans les fesseus".

Battant en retraite en hoquetant de rire, ils ont été poursuivis jusque dans la rue par des menaces : "un jour ou l’autre, on vous retrouvera et vous allez payer pour ça, petits connngs".

A l’époque, je me souviens que je les avais sermonés pour la forme, du genre :"Un jour ou l’autre, avec vos c.... , il va vous arriver de graves ennuis. Vous vous rendez pas compte, ces gens sont dangereux, etc...".

Mais dans le fond, j’étais admirative et ça me faisait rire. Personne n’en a été traumatisé : tous vont bien, merci.

Aujourd’hui, si ma fille, qui aime aussi le théâtre et a 15 ans, m’annonçait une telle intention, j’aurais peur, je dirais non, et ça ne me ferait plus rire.

Qu’est-ce qui a changé en 3 ans ?

Rien, presque rien... Un nouveau président qui déroute, des petites phrases de ci, de là, qui me déstabilisent et me conduisent à penser qu’aujourd’hui, en France, mes enfants ne sont plus protégés que par moi -même, que je ne peux plus compter sur des lois, des principes, une solidarité nationale qui affirme et défende la laïcité et les services publics garants d’équité.

Bientôt, nous n’aurons plus le droit de rire de la scientologie, comme nous ne pouvons déjà plus moquer l’islam, comme il devient de plus en plus délicat de railler les cathos, comme il devient inconcevable de se gausser de la religion juive...

Bientôt, protection rapprochée sur les évangélistes, témoins de Jéhova ou autres "spiritualisants".

Mais coupe réglée chez les littéraires et les philosophes, qui "ne servent à rien" , à part répendre une morale "laïque" , incontrôlable car propre à chacun de nous, féconde en réflexions, interrogations et propositions propres à semer le désordre.

Coupe réglée dans l’histoire, nous privant de références.

Coupe réglée dans la géographie, nous privant d’horizons et de réalités actuelles auxqelles nous comparer.

Coupe réglée dans l’expérimentation scientifique qui autorise n’importe quel élève de CP à contester une loi physique dès lors qu’il l’a démontré. Ben ça n’arrive pas souvent, je vous l’accorde, mais on lui donne sa chance et s’il échoue, il n’en admirera que plus les "grands maîtres". Et ça peut faire naître des vocations. J’en ai vu.

Coupe réglée dans la pratique artistique mais ensignement dès le CP d’une "histoire de l’art" destinée à vous faire bien comprendre que vous ne serez jamais à la hauteur des maîtres que l’on vous présente...

Quels seront ces "Maîtres" ? J’attends de voir, mais je préviens qu’à la moindre référence religieuse, je fais un malheur !

Et comment enseigner l’histoire de l’art sans références religieuses, je vous le demande ?

Strictement impossible...

C’est bien pour ça que c’était réservé au second degré.

Et demain au CP , vos enfants, ce sera dans les programmes, s’attacheront à décalquer une quelconque "Vierge à l’enfant" qui aura été soumise à leur admiration inconditionnelle...

Riez, riez... Il en restera toujours quelque chose !

Je n’ai plus envie de rire