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Commentaire de Jean-Philippe Immarigeon

sur Penser le monde


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Jean-Philippe Immarigeon Jean-Philippe Immarigeon 25 mai 2007 11:46

Le temps du monde fini commence. Or toute politique jusqu’ici spéculait sur l’isolement des évènements. L’Histoire était faite d’évènements qui se pouvaient localiser. Ce temps touche à sa fin. Toute action désormais fait retentir une quantité d’intérêts imprévus de toutes parts, elle engendre un train d’évènements immédiats, un désordre de résonance dans une enceinte fermée. Les effets des effets, qui étaient autrefois insensibles ou négligeables, se font sentir presque instantanément, reviennent vers leurs causes, ne s’amortissent que dans l’imprévu. L’attente du calculateur est toujours trompée. En quelques semaines, des circonstances très éloignées changent l’ami en ennemi, l’ennemi en allié, la victoire en défaite. Aucun raisonnement économique n’est possible. Les plus experts se trompent ; le paradoxe règne.

Les effets devenant si rapidement incalculables par leurs causes, et même antagonistes de leurs causes, peut-être trouvera-t-on puéril, dangereux, insensé désormais, de « chercher » l’évènement, d’essayer de le produire, ou d’empêcher sa production ; peut-être l’esprit politique cessera-t-il de « penser par évènements ». Ce n’est point qu’il n’y aura plus d’évènements et de « moments monumentaux » dans la durée ; il y en aura d’immenses ! Mais ceux dont c’est la fonction que de les attendre, de les préparer ou d’y parer, apprendront nécessairement de plus en plus à se défier de leurs suites. Il ne suffira plus de réunir le désir et la puissance pour s’engager dans une entreprise. Rien n’a été plus ruiné par la guerre que la prétention de prévoir.

Paul Valery, Discours du l’histoire, 1931, repris dans Regards sur le monde actuel, édition de 1945


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