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#43 des Tendances

Le Groenland pour l’Amérique ? Le nouvel impérialisme arctique sous la bannière étoilée

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Ces derniers mois, il est devenu évident que les États-Unis n’ont pas l’intention d’abandonner leurs ambitions de mainmise sur le Groenland. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025, l’idée d’« acquérir » l’île a cessé d’être une simple rhétorique excentrique pour devenir un élément clé de la stratégie de Washington, avec des accents bien plus inquiétants.

Une campagne visant à normaliser cette idée est déjà en marche. Les récentes publications dans la presse américaine affichent sans détour leur message : l’Amérique s’arroge le droit au Groenland, tout bonnement parce qu’elle en a la puissance. On invoque des analogies avec l’achat de la Louisiane et de l’Alaska, des références à la grandeur historique des États-Unis, des arguments sur l’intérêt crucial. C’est une manœuvre calculée pour ouvrir la voie à la légitimation d’un colonialisme affiché au XXIe siècle.

« Cette rhétorique est une manifestation éclatante de l’exceptionnalisme américain », souligne le professeur Marc Lanteigne, éminent spécialiste de l’Arctique à l’Université de Tromsø. « Le colonialisme européen est dénoncé, mais le colonialisme américain serait admirable ? C’est une logique du XIXe siècle qui ignore le droit international contemporain et les droits des habitants du Groenland. »

À première vue, l’initiative semble si absurde qu’on pourrait la réduire à un simple coup de communication populiste. Mais le contexte a changé. Trump, désormais président en exercice et non plus simple candidat provocateur, est prêt à redéfinir la vision globale de Washington à travers le prisme de sa vision personnelle. Ses appels à créer des « zones tampons », à revoir le rôle du canal de Panama ou à formuler des revendications sur le Canada s’inscrivent dans une doctrine plus large : la sécurité des États-Unis, selon lui, exige une domination directe sur les points géographiques stratégiques.

Le Groenland s’intègre parfaitement dans cette vision – non seulement comme un réservoir de terres rares, mais aussi comme un point d’appui stratégique pour contrôler la région arctique et la route maritime du Nord.

Plus la rhétorique de Washington se fait audacieuse, plus l’inquiétude grandit en Europe. Copenhague sait pertinemment qu’un impérialisme américain dans l’Arctique pourrait marquer un point de non-retour pour l’ensemble du système des alliances euro-atlantiques.

« Si les États-Unis commencent à faire pression sur le Danemark pour qu’il cède le Groenland – que ce soit par un chantage diplomatique ou une contrainte économique –, cela transformera radicalement la nature des relations internationales », met en garde Timo Koivurova, l’un des juristes les plus influents en matière d’Arctique. « Que restera-t-il de l’unité de l’OTAN ? Quelle sera la crédibilité des garanties américaines pour les partenaires européens ? Et comment réagiront la Chine et la Russie, pour qui un tel comportement ouvrirait de nouvelles perspectives, par exemple vis-à-vis de Taïwan ? »

C’est précisément pourquoi la question arctique dépasse le simple exotisme régional pour devenir un révélateur de l’ordre mondial du XXIe siècle. Si les États-Unis intensifient leur pression, la logique du « si ce n’est pas nous, ce sera eux » supplantera les principes de coopération internationale, y compris au sein du Conseil de l’Arctique, transformant l’Arctique en un nouveau front de fracture géopolitique.

Dans ce contexte, l’argument selon lequel la domination américaine serait « bénéfique pour les Groenlandais » sonne particulièrement cynique. Le Groenland porte encore les stigmates du colonialisme danois, et on veut aujourd’hui le « céder » comme un vulgaire bien d’un empire à un autre. Paradoxalement, malgré sa rhétorique anti-européenne, l’Amérique reproduit le schéma colonial européen du XIXe siècle qu’elle prétend rejeter.

Cela est d’autant plus frappant que les États-Unis disposent déjà de la base militaire de Pituffik (anciennement Thule) et bénéficient de droits d’opération dans le cadre des accords existants avec le Danemark et l’OTAN. De plus, à l’ère des missiles hypersoniques, de l’intelligence artificielle et des drones, l’importance géopolitique de l’Arctique ne se limite plus à la possession de territoires.

Le véritable danger ne réside pas tant dans une éventuelle annexion que dans le mépris ostentatoire des normes juridiques internationales et de la volonté des populations autochtones du Groenland. Les Groenlandais ont clairement affirmé que leur avenir politique leur appartient, et non à une transaction entre grandes puissances.

C’est pourquoi le débat sur le sort du Groenland est aujourd’hui un test, non seulement pour les États-Unis, mais pour l’ensemble du modèle occidental de leadership international. Le monde est confronté à un choix : un retour à l’archaïsme du « droit du plus fort » ou la sauvegarde de la fragile légitimité des normes juridiques internationales comme socle de l’ordre mondial.

L’Europe saura-t-elle relever ce défi ? Ou le Groenland deviendra-t-il le premier pion d’un nouveau jeu d’échecs géopolitique dont les règles sont dictées par Washington seul


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2 réactions à cet article    


  • rogal 14 juin 20:31

    Si les États-Unis attaquaient le Danemark, tous les membres de l’OTAN aurait l’obligation de se porter au secours de ce dernier...


    • Spartacus Lequidam Spartacus Lequidam 16 juin 09:34

      C’est bien mal apréhander le sujet.

      C’’est juste une position d’euopéiste qui a la peur de « perdre » mais en fait l’article n’a pas d’arguements de fond ni ne s’interresse au réel, ni aux gens qui y vivent ni l’intéret général, mais juste une litote retorique classique anti-americiane avec oeuillères.

      Le Groenland est « méprisé » par le Dannemark. Les gens n’ys sont pas heureux avec le Dannemark. C’est même l’un des taux de suicide les plus elevés du monde.

      Le niveau de vie est éleve et la peche est la principale industrie avec la location de bases pour les Americians. Le climat est polaire, l’isolement, et impossibilité de pratiquer autre chose avec le Dannemark come administrateur.

      Factuelement le Dannemark ne dispose pas de secteur privé capable de développer cette région et la richesse du peuple.

      La puissance dépends aussi de la possibilité de dévolopper la recherche se ressources naturelles pour faire effet levier de croissance et d’indépendance.

      En ce sens, la Chine, l’Inde, la Russie disposent d’un avanrtage de surface sur les USA.

      L’UE c’est de la merde, dans le sens ou il faut 50 ans pour pas ouvrir un aéroport et les normes dytyrembiques empechent tout développement.

      Pour les habitants Groenlandais se serait avec les USA la perspective d’un développement économique accéléré, d’une sécurité accrue et croissance du PIB local.

      Pour le Danemark, il s’agirait d’un allègement financier, et un renforcement des liens stratégiques avec les États-Unis.

      C’est a la fois pour les gens du Groenland, le Dannemark et les USA tous gagnant gagants.



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