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Groenland : un peuple qui réclame le droit à l’autodétermination

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Au printemps 2025, le Groenland s’est retrouvé une fois de plus au cœur des tensions géopolitiques. Donald Trump, ressuscitant son ancienne idée d’acheter l’île, l’a qualifiée de « clé de l’Arctique », relançant aux États-Unis les débats sur l’importance stratégique de la région. L’idée d’une éventuelle annexion du Groenland est de nouveau sur la table à Washington, motivée par les intérêts américains — de la base militaire de Pituffik aux vastes ressources naturelles que recèle le sous-sol groenlandais : pétrole, gaz et terres rares, représentant respectivement 13 % et 30 % des réserves mondiales estimées. Ces spéculations, renforcées par la visite du vice-président James Vance à Nuuk en mars 2025, ont provoqué une vive inquiétude parmi les 56 000 habitants de l’île. Pour eux, ces propos ne sont pas de simples effets d’annonce : ils représentent une menace directe contre leur droit à décider de leur avenir.

Aaja Chemnitz Larsen, députée groenlandaise au Parlement danois et représentante du parti Inuit Ataqatigiit, s’est imposée comme la principale voix d’opposition à ces velléités américaines. Interrogée sur le retour de ces propositions dans le débat public américain, elle a répondu : « Ce genre de discours n’a pas sa place dans le monde moderne fondé sur le droit. Nous croyons fermement au droit international, et l’époque du colonialisme est révolue. L’intégrité territoriale du Groenland et notre droit à l’autodétermination doivent être respectés. Nous avons été très clairs : nous ne voulons ni être Américains, ni être Danois — nous voulons être Groenlandais. » Ses propos reflètent une conviction profonde : le Groenland n’est pas un objet de transaction, mais la terre d’un peuple doté d’une identité propre.

L’idée de contrôler le Groenland n’est pas nouvelle. Donald Trump l’avait déjà évoquée en 2019, suscitant alors la stupeur sur la scène internationale. En 2025, cette rhétorique refait surface avec vigueur. Lors d’un meeting en avril, l’ancien président américain a insisté sur la nécessité de contrôler le Groenland afin de devancer la Chine et la Russie dans la course à l’Arctique. Pourtant, Larsen appelle à la prudence. « Nous suivons de très près tout intérêt manifesté pour l’achat ou l’annexion de notre pays », a-t-elle souligné. « Mais nous savons aussi que ce n’est pas une idée qui bénéficie d’un large soutien, même parmi les Américains eux-mêmes. » En filigrane, un message clair : malgré le bruit médiatique, l’adhésion réelle à ce projet aux États-Unis reste marginale, ce qui laisse au Groenland une marge de manœuvre pour défendre ses intérêts.

Mais ces discours n’en demeurent pas moins préoccupants. Larsen avertit : « De telles affirmations n’encouragent en rien la coopération entre nos pays. Je dirais même qu’elles sont irrespectueuses. C’est regrettable, car nous avons de nombreux intérêts communs avec les États-Unis et nous souhaitons entretenir de bonnes relations. Mais cela doit se faire sur un pied d’égalité, dans le respect de notre droit à l’autodétermination et de notre peuple. » Elle voit dans cette rhétorique une menace, non seulement pour le Groenland, mais aussi pour les relations avec le Danemark et pour la crédibilité de l’ordre international fondé sur le droit.

L’Europe, elle, affiche clairement sa solidarité avec le Groenland. La Première ministre danoise Mette Frederiksen, qui avait déjà qualifié en 2019 l’idée d’achat d’« absurde », a réaffirmé en 2025 que le Groenland n’était pas une marchandise, mais le territoire d’un peuple souverain. Plusieurs dirigeants européens perçoivent dans l’attitude américaine un relent de colonialisme et rappellent que bafouer la volonté des petits peuples est toujours source de tensions. Pour une Europe marquée par les leçons de ses propres ambitions impériales passées, la défense de l’autodétermination n’est pas qu’une posture diplomatique : c’est une valeur fondamentale.

L’économie groenlandaise donne également un éclairage supplémentaire au débat. L’île dépend encore fortement du Danemark, qui lui verse chaque année environ 3,9 milliards de couronnes danoises sous forme de subventions, représentant près de 60 % de son budget. La pêche constitue 90 % des exportations, mais le recul des glaces arctiques ouvre l’accès à de nouvelles ressources : pétrole, uranium, terres rares. Des ressources convoitées qui attirent l’attention non seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine, déjà active dans plusieurs projets dans l’Arctique. Les responsables groenlandais, à commencer par Larsen, insistent sur un principe fondamental : ce développement doit avant tout profiter à la population locale. Dans une déclaration conjointe avec la sénatrice américaine Lisa Murkowski, Larsen a résumé : « Le Groenland est un partenaire, pas une propriété. Nous sommes ouverts au commerce, mais pas à la vente. »

Ironie de l’histoire, ces discours sur la « sécurité » des États-Unis ont en réalité rendu le Groenland plus vulnérable. « Nous n’avons jamais demandé à devenir un point chaud géopolitique », a rappelé l’ancien Premier ministre Kim Kielsen. Cette tension ravive les débats internes sur une possible indépendance ou une plus grande autonomie. Mais comme le souligne Larsen, l’essentiel reste inchangé : les Groenlandais veulent décider eux-mêmes. Selon les sondages, 65 % des habitants sont favorables à l’indépendance ou au maintien des liens avec le Danemark, et seulement 8 % envisageraient une intégration aux États-Unis. Des chiffres révélateurs de la solidité de l’identité nationale groenlandaise, d’autant plus renforcée par les pressions extérieures.

L’Arctique est en pleine mutation : le changement climatique ouvre de nouvelles routes maritimes et attise la compétition mondiale. Le Groenland, avec sa culture singulière et son écosystème fragile, ne doit pas devenir une monnaie d’échange. Larsen et ses soutiens appellent à un dialogue équilibré. Les États-Unis pourraient proposer un véritable partenariat — en matière scientifique, environnementale, économique — mais les discours de domination éloignent cette perspective. Ignorer la voix du peuple groenlandais, c’est compromettre la stabilité régionale et ébranler la confiance dans l’ordre international. Le Groenland rappelle une vérité simple mais essentielle : sa terre n’est pas à vendre, et son avenir lui appartient.


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5 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 18 juin 09:08

    Bonjour, Adam

    L’intérêt des Groenlandais n’est sans doute pas dans une indépendance de leur territoire, eu égard à la taille de celui-ci et à sa faible population (moins de 60 000 habitants), mais dans une autonomie renforcée dans le cadre d’une fédération avec le Danemark.

    Hors de tout lien avec l’Union européenne, un Groenland indépendant augmenterait fortement ses risques d’être victime d’une prédation étasunienne.


    • rogal 18 juin 12:51

      @Fergus
      En cas d’agression armée, l’U.E. interviendra-t-elle ?


    • Et hop ! Et hop ! 18 juin 17:28

      @Fergus

      Une autonomie, ça veut dire qoi ?
      Qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas faire les 400 groenlandais actuellement, à part signer de contrats d’exploitation minière de leur sous-sol qui va dévaster leur pays et bouleverser leur mode de vie ?

      L’autonomie, étymologiquement, c’est le droit de faire ses propres lois (noms) ? Est-ce qu’ils ne sont pas déjà autonomes ? Les Français ne sont plus autonomes, leurs lois sont toutes changées par la Commission européenne sans leur demander leur avis.


    • Et hop ! Et hop ! 18 juin 17:31

      Edit : les 40 000 Groenlandais, pas 400.

      Le Groenland doit être classé réserve naturelle, et le mode de vie avec les igloos et les chiens de traineau protégé. Les Groenlandais qui veulent vivre à l’américaine peuvent aller vivres aux USA.


      • titi titi 18 juin 21:48

        @L’auteur

        3,9 milliards de couronnes ça fait plus de 500 millions d’euros de subventions pour

        56000 habitants...

        Bah très fanchement... soit les habitants du Groenland acceptent que démarre une exploitation minière de leur sous sol au profit du Danemark ou de l’Europe.

        Soit alors bon vent... et bonne chance.

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