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#72 des Tendances

Après la chute de Djibo, quel avenir pour le Burkina Faso ?

Alors que les groupes djihadistes poursuivent leur progression et que l’État s’enlise dans une guerre sans stratégie claire, la société burkinabée s’enfonce dans une impasse. L’inaction des forces armées lors de la chute de Djibo et la stigmatisation persistante de la communauté peule révèlent une crise profonde, politique autant que sociale, que le régime militaire peine à comprendre et à affronter.

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Djibo est tombé. Et avec cette ville symbolique du nord du Burkina Faso, c’est une partie de la promesse du capitaine Ibrahim Traoré qui s’effondre : celle d’avoir, en quelques mois, inversé le cours d’une guerre asymétrique. L’absence totale de réaction des forces armées régulières face à la prise de Djibo par les djihadistes illustre l’état de sidération et d’impuissance dans lequel se trouve aujourd’hui l’appareil sécuritaire burkinabé. Elle dit tout d’un pouvoir assiégé, d’une armée débordée et d’une société qui se fracture un peu plus chaque jour.

Les faits sont têtus : le Burkina Faso ne parvient ni à arrêter l’avance djihadiste ni à enrayer l’effondrement de son tissu social. Au cœur de cette spirale, la communauté peule se retrouve prise au piège. Accusés d’abriter ou de rejoindre les rangs djihadistes, les Peuls sont aussi les premières victimes des massacres perpétrés par les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les Bataillons d’intervention rapide (BIR). Des dizaines d’exécutions ciblées, souvent documentées par des vidéos insoutenables, participent d’une campagne de représailles qui vire à l’épuration ethnique.

Ce climat de suspicion et de peur n’est pas nouveau. Il résulte d’un refus ancien de penser la société burkinabée dans toute sa complexité. Le pouvoir central a longtemps ignoré la fragmentation communautaire, les réalités locales, les humiliations quotidiennes subies par des groupes entiers. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de l’engagement djihadiste, il a préféré la force brute, la vengeance, l’amalgame. Chaque village soupçonné devient un théâtre d’opération punitive. Chaque Peul, un suspect par défaut.

Les frères Dicko, figures djihadistes venues de Djibo, sont devenus les symboles d’une jeunesse peule marginalisée, brisée, puis radicalisée. Leur ascension ne doit rien au hasard. Elle s’inscrit dans une histoire de rejet, de fractures internes à la communauté elle-même, de mépris des institutions religieuses et sociales traditionnelles. Leur projet prospère sur l’échec de l’État à intégrer ses citoyens, à leur offrir une alternative. Face aux armes, la parole publique est muette. Face aux exactions, l’impunité est systématique. L’exil devient alors l’ultime recours.

Près de 250 000 Burkinabés ont déjà fui vers la Côte d’Ivoire. Certains pour échapper aux djihadistes, d’autres pour fuir l’armée et ses supplétifs. Le pouvoir burkinabé, tout occupé à gérer sa communication et à désigner des ennemis intérieurs, semble incapable de comprendre cette dynamique. Il ne voit pas que chaque village rasé, chaque civil abattu, creuse davantage le fossé entre l’État et sa population.

Deux ans et demi après le coup d’État, la stratégie du capitaine Traoré s’est vidée de sens. Les BIR sont mal formés, peu encadrés, et souvent livrés à eux-mêmes sur le terrain. Les VDP, issus de milices locales, agissent en roue libre. Et la promesse d’une reconquête s’est transformée en guerre contre les civils. Une guerre confuse, sans règles, qui alimente la propagande djihadiste et fait le lit d’une insurrection permanente.

Il ne suffit pas de répéter que le Burkina Faso est souverain. Il faut aussi faire nation. Tant que la communauté peule restera marginalisée, tenue à l’écart, soupçonnée de duplicité ou de trahison, aucune stabilité ne sera possible. Le régime actuel a fait le choix de la brutalité comme réponse à la complexité. Il récolte aujourd’hui le chaos.


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13 réactions à cet article    


  • microf 2 juin 13:01

    Même si Djibo tombe, c´est la stratégie á la Russe comme lors de l´ envahissement de la Russie par les armées de la France Napoléonne qu´utilise le Burkina-Faso á savoir, laisser les terroristes s´avancer jusqu´á l´intérieur, ainsi ils se découvrent, et après, lui couper tous moyens de rentrer, et après, l´abattre.

    Á tous ces terroristes et tous ceux qui les poussent, c´est un mauvais calcul qu´ils ont fait.


    • Olivier Olivier 2 juin 13:57

      @microf Il y a 1 000 km entre le point de départ de la Grande Armée sur le fleuve Niemen et Moscou.
      Il y en a 210 entre Djibo et Ouagadougou.
      En plus de la distance, les besoins logistiques ne sont vraiment pas les mêmes entre une armée dont les transports étaient basés sur les chevaux et les armées motorisées de maintenant.
      Enfin, la guerre que mène les Djihadistes est une guerre de guérilla (la « petite guerre » chère aux stratèges) qui, s’il faut se ramener à l’époque napoléonienne, ressemble plus à celle menée en Espagne. Avec un résultat à peu près aussi désastreux pour les Français.
      Je sais que le pouvoir actuel est fasciné par la Russie mais il faudrait peut être actualiser le logiciel.


    • microf 2 juin 16:13

      @Olivier

      Il est actualisé déjá le logiciel, vous et les Djihadistes allez vous et en rendre compte bientôt.


    • Olivier Olivier 2 juin 16:39

      @microf j’espère donc faire ma prochaine analyse avec des éléments plus positifs.

      Je constate juste que « IB » avait promis de régler la situation en trois mois lors de sa prise de pouvoir.

      C’était en 2022.


    • microf 2 juin 19:46

      @Olivier

      C´était pour se donner du courage de dire qu´en trois mois il va règler la situation, si la coalition des armées occidentales qui étaient sur le terrain n´a pas pu règler la situation après plusieurs décénnies, ce n´est pas lui avec un pays qui n´avait pas de moyens militaires adéquats qui allait la règler en trois mois.
      Le pays s´arme et petit á petit, la situation sera règler, laissons le temps au temps, et même le problème que vous nommer Peul va se règler, pas par les armes, mais par la négociation car ils sont appelés á vivre ensembles qu´ils le veuillent ou pas.


    • sylvain sylvain 2 juin 16:45

      C’est pas vraiment etonnant. Quand je voyais que ces 3 pays semblaient sincerement penser que leurs problemes avec les djihadiste venaient de la presence de l’armee francaise je me suis dit que c’etait mal barre leur truc.

      Non pas qu’il aient eu tort de critiquer la francafrique, ni meme eventuellement de les virer du pays. Mais esperer que ca aurait directement un effet positif sur la guerre contre les djihadiste c’etait sacrement con


      • microf 2 juin 20:03

        @sylvain

        Bien sûr les problèmes de ces pays venaient de la France qui armaient les Djihadistes.
        Mais depuis que la France et les armées occidentales ne sont plus sur le terrain, la situation s´est améliorée.
        Il y avait des régions entières oú pendant l´occupation des armées occidentales,
        l´armée malienne pour ne citer que celle lá, était interdite d´y mettre ses pieds
        ( imaginez-vous en France une armée vient et demande á l´armée francaise de ne pas mettre ses pieds á l´Ouest de la France ), mais aujourd´hui,
        l´armée malienne après avoir fait partir les armées occidentales, a repris le contrôle de ces régions, bien sûr il ya encore beaucoup á faire car ces pays occidentaux ne désarment pas, ils soutiennent toujours les Djihadistes.


      • sylvain sylvain 3 juin 10:35

        @microf
        De ce que j’ai pu voir, ce sont surtout les petromonarchies qui soutiennent les djihadistes. Il est vrai qu’elles jouent plutot dans le camp occidental, mais elles ont aussi leur propre agenda. Difficile de se faire une idee precise d’ici

        Pour ce qui est de l’ingerence francaise, c’etait inacceptable je suis d’accord. Mais je ne crois pas que l’armee francaise soutenait directement les djihadistes comme ca a ete beaucoup dit dans ces pays. C’est mal connaitre la france actuelle, notre armee n’est pas capable de faire ca je pense, il y a trop de risques de fuite, un soldat qui parlerait n’aurait rien a craindre


      • microf 4 juin 20:14

        @sylvain

        Vidéo absolument á visionner, il est décédé l´auteur, un Sage.

        Incroyabe : Les paroles de cet homme avant sa mort, se Réalisent Aujourd’hui.

        https://youtu.be/kBaameYiwgg?si=w4LUxqZneP3JpgdB


      • sylvain sylvain 2 juin 16:46

        Je serais curieux de savoir ce qu’il en est du niger et du mali, ils semblent s’en sortir mieux notamment le mali


        • microf 2 juin 19:48

          @sylvain

          Il faut vous renseigner de ce qu´il est du Niger ou du Mali, tout est sur la toile aujourd´hui, consulter la toile ou Net et vous aurez toutes les informations sur ces pays de l´AES.



          • microf 3 juin 00:27
            Issa Diawara : Tombouctou : les FAMa neutralisent tous les merc*enair*e

            https://youtu.be/OpAZvV0Dd_s?si=uraB3F4vy_ehZvtE

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