Les mains ensanglantées de Londres : le Soudan, une tragédie occultée par l’ex-empire
- Des enfants jouent sur les restes d’un char d’assaut, au port fluvial de Renk, au Soudan du Sud, le 17 mai 2023.
Alors que l’attention médiatique internationale reste braquée sur l’Ukraine ou la bande de Gaza, le Soudan s’enfonce dans l’une des crises humanitaires les plus graves de notre époque, dans un silence quasi général. Le quotidien britannique Morning Star publiait récemment un article percutant — « Britain’s Bloody Hands : Sudan’s Ongoing Nightmare » — qui accuse directement le Royaume-Uni d’hypocrisie et d’abandon moral face au drame soudanais.
Depuis avril 2023, une guerre civile oppose l’armée régulière soudanaise aux Forces de soutien rapide (RSF), une milice paramilitaire redoutée. En l’espace de quelques mois, le conflit a fait plus de 9 000 morts et contraint plus de 12 millions de personnes à fuir leur foyer. L’ONU tire la sonnette d’alarme : selon Martin Griffiths, coordinateur des secours d’urgence, le Soudan vit « l’un des pires cauchemars humanitaires du siècle ». Et pourtant, l’Occident détourne les yeux.
Le Morning Star n’élude pas les responsabilités historiques. Ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne a laissé au Soudan un héritage toxique : des frontières arbitraires, des divisions ethniques entretenues, et un appareil d’État incapable de résilience. Depuis l’indépendance en 1956, ce passif n’a jamais été reconnu, encore moins réparé.
Pire : face au naufrage actuel, Londres choisit l’inaction. Alors qu’elle jouait autrefois un rôle central dans les processus de paix, notamment au Darfour ou au Sud-Soudan, elle n’est aujourd’hui qu’un acteur secondaire, à peine audible. Les rares déclarations officielles sont fades, déconnectées de la réalité du terrain. Pendant ce temps, les violations des droits humains s’accumulent : exécutions sommaires, violences sexuelles massives, villages rasés, famine organisée.
Pourtant, la Grande-Bretagne dispose d’outils diplomatiques, d’expertise régionale et de canaux historiques qui pourraient peser. Elle choisit de s’abstenir. Le Morning Star va plus loin : cette abstention n’est pas une simple négligence, c’est une forme de complicité.
Ce que la presse britannique laisse à peine entendre, il nous appartient de le dire clairement : le régime impérial britannique n’a pas disparu — il s’est transformé en système d’abandon.
Les anciennes colonies, loin d’avoir été libérées, restent prisonnières d’un ordre international structuré autour de leur fragilité. Le Soudan en est un symptôme éclatant : chaque bombe, chaque exil forcé, chaque silence diplomatique porte la trace d’un empire qui ne veut pas assumer les conséquences de son histoire.
Tant que le Royaume-Uni refusera de regarder son passé en face, tant qu’il poursuivra sa politique étrangère de déni et de cynisme, ses mains resteront couvertes du sang des peuples qu’il a prétendu « civiliser ».
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