Les feux des projecteurs ne remettent pas en cause la sincérité des engagements humanitaires
Le procès, qui est fait aujourd’hui aux représentants médiatiques d’engagements humanitaires au sens large, est bien celui que le spectateur fait aux acteurs.
Nous avons pu lire ces derniers jours plusieurs commentaires acerbes, sur les prises de positions de tel ou tel président d’Organisation non gouvernementale ou de tel ou tel artiste.
En substance que leur reproche-t-on ? Deux choses : une mise en scène de leur action démesurément personnalisée et une mobilisation très éphémère pour des causes trop nombreuses. Le voile est ainsi jeté sur la sincérité de leur engagement.
Ce raisonnement est tout à fait contestable.
Sur la question de la personnalisation de l’action, tout d’abord, ne soyons pas dupes. Quels sont les moyens aujourd’hui dont les activistes humanitaires disposent pour mobiliser l’opinion publique en faveur d’une cause trop souvent oubliée, et dont les médias ne se font l’écho que de manière épisodique au gré de « l’actu » ? Eux-mêmes. Le plus médiatique d’entre eux ; celui qui pourra donner le plus de résonance au message que l’association souhaite faire passer se fera le porte-parole de l’organisation. Identifié comme tel dans les médias d’ailleurs, il n’usurpe pas cette fonction. La critique qui lui serait ensuite faite de monopoliser la parole du groupe ad vitam contre son gré ne tient pas ; l’histoire de l’engagement humanitaire le prouve, les associations créées en dissidences sont légions. Qu’une personnalité du monde artistique soit sollicitée par ces mêmes organisations n’est pas non plus choquante, bien au contraire. Au-delà d’amplifier la résonance du message, elle encourage ses pairs à sortir du statut d’icône spectateur pour entrer dans la peau d’acteur de la société.
Ensuite, comment pouvoir reprocher le caractère éphémère de la mobilisation ? Ce serait faire fi du travail quotidien et consciencieux des équipes de l’organisation militante. Soyons, cette fois, honnêtes et arrêtons de nous faire croire que l’arbre cache la forêt. Ce serait mal connaître la forêt et, de surcroît, la mépriser. La médiatisation de quelques opérations ne saurait cacher les nombreux autres projets d’une même organisation militante. Par ailleurs, sollicités par les associations qui souhaitent mettre en lumière des projets jugés « peu vendeurs » par les médias, ces derniers leur refusent - souvent poliment tout de même - l’accès à cette fameuse résonance. Ils ne peuvent donc à la fois se désintéresser de ces projets peu médiatiques et critiquer la dictature de « l’actu », dont les associations se servent comme fenêtre d’opportunité.
Remettre en question, enfin, la multiplicité des causes pour lesquelles se mobilisent les « porte-parole » et donc les organisations dont ils se font la voie est absurde. Devrait-on pour être crédible ne se mobiliser toute sa vie durant que pour une seule et même cause ? Et, pourquoi pas, dans un seul et même pays ? Cela simplifierait peut-être, en effet, la tâche du producteur d’ « actu » qui cantonnerait ses acteurs dans les mêmes rôles lisses et convenus d’avance, assurant ainsi la réussite de son modèle économique.
Hélas, les injustices sont multiples. Mais, heureusement, les ressorts intellectuels personnels qui poussent des personnes à s’engager, à « franchir le pas », en devenant acteurs et non plus spectateurs sont eux aussi multiples. S’engager, c’est porter une idée, une action. Mais s’engager, c’est aussi se découvrir, se mettre personnellement en danger et, pour ce simple fait, mérite le respect. L’ombre et la lumière, le fond et la forme se confondent alors. Les membres des organisations militantes le savent et l’assument. La sincérité de l’engagement ne saurait se mesurer à l’aune de cette distinction simpliste.
Renaud Helfer-Aubrac
Administrateur d’ONG
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