Considérations (an)empathiques – (anti)humanitaires 2
1. J'ai beaucoup d'empathie pour les empathes même si on s'y empâte.
2. Empathie : après altérité, vivre-ensemble, convivialisme, écoresponsabilité et inclusion LA notion must-have de la valorisation de la (de l'hyper)sensibilité contemporaine nous rendant la vie impossible.
3. L'altérité : une notion d'intellos désirant penser l'altruisme c'est-à-dire l'orientation, la tournure, la disposition vers les autres. Qu'est-ce que l'altruisme ? Une forme bienveillante de l'extraversion qui n'est pas évidente pour les introvertis auxquels on en fait reproche, du moins qu'on regarde avec condescendance alors car ils nous frustrent dans notre potentiel altruisme-même, à ne pas le recevoir de manière extravertie voire à le refuser de manière introvertie. « Les introvertis sont des plaies. » Néanmoins on essaie de les penser gentiment dans leur différence radicale c'est-à-dire leur « autrité » mais le mot savant pour « autrité » c'est altérité. J'ai pris l'exemple des introvertis parce qu'ils se « manifestent » alheurdérézos... mais l'altérité a d'abord été pensée pour lézétrogers, lézim&migrés, ladifrance, ladivercité... ce que les intellos nomment problématiques de l'interculturalité sans jamais bien en faire l'expérience in situ à l'école de la street sans crédibilité alors. Et puis les mots ont un sens : quand on dit altérité on dit « le caractère essentiel de l'autre en tant qu'autre » c'est-à-dire précisément son irréductibilité et son insaisissabilité à soi-même. L'altérité est donc une notion illogique par laquelle on « comprend l'incompréhensible » (comprendre au sens d'intégrer comme de concevoir) ; on « intègre l'inintégrable, conçoit l'inconcevable » ; une notion paralogique par laquelle on tente de réduire le facteur-stress, l'inquiétante étrangeté – comme disait Freud, – bref la DifférAnce – comme disait Jacques Derrida – par quoi tout diffère et est toujours différé incompressiblement : indisposible et indisponible à soi. L'altérité donc bien au-delà de la simple masturbation intellectuelle c'est du foutage de gueule (je ne prétends pas mettre KO Emmanuel Levinas en disant cela mais il s'est quand même catastrophiquement casser la tête sur la question car, quand on y pense, le Visage finit toujours par se déformer). Psychanalytiquement on est tous castré·e·s d'autrui pas de quoi angoisser le contraire est totalitaire : comprenne qui peut.
4. Le vivre-ensemble a un autre nom ontologique et c'est la coexistence même si bien entendu ensemble semble véhiculer son genre de réciprocité encore que pas-automatiquement, ce qui le rapproche bien de la coexistence. Avec ça on n'a nulle part où aller ensemble puisque nous vivions toujours-déjà en attendant la mort.
5. Ça théorise alors le convivialisme soit donc l'intellectualisation de la convivialité. Je répète : l'intellectualisation de la convivialité... Mort De Rire. Une telle vie-ensemble me réjouit malgré vous pas sûr que notre coexistence vous apporte du bonheur, mais qui aime bien charrie bien ne suis-je pas convivial ?
6. Bien sûr on peut se demander ce que la notion d'écoresponsabilité est venue foutre là-dedans puisqu'elle concerne moins le social que l'environnemental mais tout de même, si je suis écoresponsable je fais en sorte que le monde reste en quelque sorte vivable-ensemble, c'est plus convivial de tenir compte de l'altérité écologique dans la démarche car elle n'est pas si « altéritaire » que cela puisque j'en suis partie, finalement c'est égoïste même si autrui profite de cette responsabilité dont je me suis fait une fierté (éco)citoyenne : ma (mon auto)contrôle civique prouve ma (mon éco)responsabilité même si je suis obligé de trier mes poubelles et payer l'ébouage d'une manière ou d'une autre... donc je dois être civiquement fier d'y être obligé – obligation qui ruine tout civisme encore qu'on m'en a donné la pénalisable charge sans que je me responsabilise autrement que par fatalisme. Mon écocitoyenneté n'est pas citoyenne : elle est esclave autant de l'État que des états de faits. Et après on s'étonne de l'(éco)anxiété des jeunes mais elle ne provient pas spécialement des enjeux climatiques : elle provient de la contradiction qu'on leur dit « tu es libre » sans que le monde le soit dans ses formes de préfascisme vert – comme dirait Gilles Deleuze.
7. L'inclusion j'en ai déjà traité mais en somme nous sommes exclus de tant de choses qu'elle n'est qu'un énième leurre, et puis d'ailleurs si je dois inclure indistinctivement fais-je preuve d'empathie ? Pas du tout : je réponds encore à des mots-d'ordre (auto)contrôlés exactement comme lors du confinement covid. La vraie empathie serait justement de pouvoir sélectionner qui j'inclus et qui j'exclus puisque je le ferais sur la base de ma considération pour l'autre et que par nature je n'ai pas de considération pour tout le monde mais aussi de la déconsidération, c'est ainsi personne n'y échappe tout le monde est comme ça pas de quoi avoir honte. Nous coexistons dans un pays libre ! (Mais jusqu'à quel point et pour qui ?)
8. J'ai de l'empathie pour les empathes mais on s'y empâte à la longue aussi. Et puis d'abord mon cher empathe on n'est jamais autrui à cause que l'altérité est altéritaire. C'est radical reprends le §3 même si ce n'est pas le plus évident de tous et penses-y. Tu n'es donc jamais sûr que ce que tu perçois est ce qui est éprouvé et quand même tu le ressentirais ce ne serait que ton ressentiment plus ou moins réfléchi : tu ne sais pas ce que préférera décider le concerné quant à ce qu'il éprouve. Pour prendre un cas extrême : il y a des personnes qui ont le goût du malheur car malgré elles elles se sentent ainsi « une aventure existentielle » : prive-les de leur malheur et tu les priveras de leur raison de vivre et donc elles n'auront plus envie de coexister avec toi. D'ailleurs (je n'ai pas fait d'étude statistique à ce sujet mais les témoignages et leurs likes semblent concorder sur la question c'est déjà pas mal) nombre d'empathes ont un tel goût du malheur à cause de leur empathie justement.
9. Mais les empathes diffusent leur empathisme. Emmanuel Macron a toujours eu la mine contrite à l'évocation de l'inclusion des handicapé·e·s en guise de « combat personnel humanitaire » à la fin d'un débat présidentiel ou l'autre. Être inclusif procède d'un tel empathisme généralisé d'ailleurs et en fin de compte l'écoresponsabilité/écocitoyenneté, le convivialisme, le vivre-ensemble et l'altérité étaient censés faire preuve d'empathie avant que l'empathisme se répande. Enième version des bons sentiments.
10. On parle de donner des cours d'empathie à l'école mais c'est du même tonneau que le (l'auto)contrôle évoqué §6. En vérité les cours d'art, de musique et surtout de littérature étaient toujours déjà de tels « cours d'empathie » du fait des rencontres des sensibilités auxquels ils donnent... cours. Si on s'imagine que les jeunes manquent d'empathie c'est pour deux raisons : la première à cause que l'empathisme est une mode qui culpabilise tout le monde et accroît l'anxiété ; la seconde à cause que des parents – comme toujours – n'éduquent pas (il ne faut jamais prendre les gens pour tout le monde) et qu'alheurdérézos le manque d'éducation rend chèvre. Mais l'empathisme est quand même une belle merde et plutôt que d'insister avec les bons sentiments je donnerais plutôt aux élèves un balai pour s'occuper d'entretenir la qualité d'une salle de classe à tour de rôle : solidarité de principe et fonctionnelle.
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