wwoofing, une entourloupe ?
Un bien vilain mot que ce wwoofing, pour décrire de bien jolies choses : curiosité, voyages, gratuité, intérêt pour la terre et l'agriculture biologique. Très longue à retenir cet acronyme, je n'ai cependant pas eu le temps d'y trouver un synonyme plus bucolique !
J'ai même rencontré des wwoofeurs heureux !
Un étudiant en philosophie à la Sorbonne qui est allé à vélo jusqu'en Tchéquie, faire, pendant trois semaines, les foins dans une ferme bio ; ou bien un jeune qui, après avoir quitté la fac et ses études de sociologie, a passé plusieurs mois dans une ferme en relation avec Kokopelli, en Bourgogne, et de là est parti à vélo lui aussi, pour faire le tour de l'Espagne avec, dans sa besace, des graines de toutes sortes « j'ai trouvé que c'était un bon moyen d'échanges et de rencontres » m'a-t-il dit ; et effectivement après s'être abreuvé et restauré, tout en parlant de la fac, de vélo, de semences et du monde, nous avons échangé quelques graines. Un couple, en Corse, qui a soudé une véritable amitié avec ses hôtes, avant de partir voir ailleurs et finalement s'installer en Bretagne.
J'ai écrit l'an passé un article sur le Service Civique, que j'imaginais obligatoire, et proposais comme point crucial de service, l'Agriculture Biologique. C'est dire si l'idée me plaît, même avec son vilain nom !
Aussi, quand j'ai reçu cette lettre d'une amie militante tous azimuts et seulement pour La Bonne Cause, j'ai immédiatement pensé la faire passer, à vous chers lecteurs.
Je vous la laisse donc, telle quelle, avec son aimable autorisation :
« Petite note préliminaire pour nos amis martiens récemment arrivés parmi nous, ou pour les citadins incultes (dans le sens agricole, hein, pas cultivé !) qui ignoreraient ce qu'est le wwoofing (World-Wide Opportunities on Organic Farms)
Le wwoofing c'est un mode d'approche de l'agriculture bio par le partenariat entre, d'une part, un agriculteur bio (l'hôte) qui accepte de recevoir gracieusement chez lui une personne qui veut découvrir ce métier, et, d'autre part, .... suspense insoutenable ...., une personne (le wwoofeur) qui veut découvrir ce métier, ce mode de vie.
Le wwoofeur est logé, nourri, blanchi, enseigné ; il ressent ou étudie la vie de son hôte jusqu'à savoir si oui ou non il veut devenir chevrier, carottier, betteravier, pomme de terrier (celui-là il me plaît bien) poulailler ou coquetier (heu, ça doit pas être comme ça qu'on dit, mais volailler ça fait pub pour les poulets de Loué), maraîcher, berger, céréalier (ça, ça doit être plus rare), bref, s'il veut devenir paysan bio.
Le wwoofeur regarde, s'essaie, comprend ou pas, et partage un petit bout de la vie du paysan. Normalement, le wwoofeur n'apporte avec lui que sa compagnie, sa conversation, sa langue (c'est très international un wwoofeur en général) et son désir de découvrir la vie de la ferme bio pour savoir s’il veut avoir la même.
Un bon wwoofeur se déplace par ses propres moyens de ferme en ferme, de pays en pays, pour découvrir les modes de vie des agriculteurs bio avant de choisir de venir installer son poulailler bio juste à côté de la résidence secondaire d'un gars de la ville qui ne supporte pas que les coqs chantent.
Bien sûr nous connaissons de faux hôtes qui exploitent des wwoofeurs crédules en les faisant bosser sans salaire à toute autre chose (le baby sitting, le ménage, la cuisine, etc) les transformant en fille ou garçon au pair, ou en leur faisant faire uniquement les tâches ingrates des fermes (enlever le fumier de la bergerie, trier les patates, porter les cageots, etc).
Mais on ne vas pas jeter le bébé (le vrai hôte et son wwoofeur) avec l'eau du bain (les escrocs exploiteurs)
Alors, voilà, pour ne pas changer, nos administrations font encore n'importe quoi.
D'un côté le ministère de l'agriculture, sur son site (allez-y voir, vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole http://agriculture.gouv.fr/generation-wwoofers), encourage la pratique du wwoofing : découvrez un autre genre de vie que celle de citadin au chômage, de trader, de caissière au supermarché, etc !
D'un deuxième côté la MSA de plusieurs départements (mutualité sociale agricole, organisme de recouvrement des cotisations sociales des employeurs de salariés agricoles et redistributeur des prestations sociales aux salariés agricoles) vient de dire : hé, là, l'agriculteur bio hôte ! votre wwoofeur c'est un employé et vous devez verser des cotisations sociales sur un salaire fictif, même si vous ne lui versez pas de salaire et qu'il n'a aucun lien de subordination entre vous et lui.
Rappelons aux martiens que la définition du travail salarié en notre belle contrée, c'est une personne qui embauche une autre personne qui doit obéir à ses ordres, en contrepartie d'un salaire. C'est le fameux lien de subordination : le salarié obéit à son patron. Sans lien de subordination pas de travail salarié. La MSA fait semblant de croire qu'elle ne connaît pas la loi et en ce moment inflige des redressements de cotisations sociales et les amendes de retard qui vont avec, à des hôtes, pour des sommes faramineuses, par exemple 4300 euros pour deux semaines de wwoofing à Aspiran dans l'Hérault
http://languedoc-roussillon.france3.fr/2014/01/03/aspiran-un-maraicher-poursuivi-par-la-mutelle-sociale-agricole-pour-cause-de-woofing-388025.html
La justice tranchera et fera la part des choses entre véritable hôte - wwoofeur et travail au noir, mais vue la baisse impressionnante des effectifs dans les tribunaux, dont les tribunaux des affaires sociales qui s’occupent de ce genre de choses, le jugement n'est pas pour demain.
Au troisième côté du triangle infernal, le pôle emploi, qui ne sachant plus comment radier des gens pour infléchir la fameuse courbe du chômage (et oui le bug des SMS de SFR a servi une fois cet été, on peut pas trop refaire le même coup) a décidé que le wwoofeur n'est pas chômeur car il ne peut pas se rendre aux convocations de son conseiller (sic). Pôle emploi commence d'abord par faire rembourser les allocations chômage versées pendant que la personne était wwoofeuse (oh mon dieu ! comment l'a-t-elle su ? la MSA connaîtrait donc le numéro de téléphone de pôle emploi ?) et, cela ne saurait tarder, va radier la personne pour fausse déclaration (comment ça ? vous vous formez gratuitement pour apprendre un métier et quitter les rangs des chômeurs sans passer par les stages bidons que nous organisons (et payons très très très cher avec l'argent du contribuable) avec des organismes de formation dont beaucoup se retrouvent actuellement devant la justice pour escroquerie ? mais c'est pas bien ça ! radié !)
(http://montpellier.demosphere.eu/rv/2347)
DONC !
Je viens de signer la pétition "Pour la création d’un statut légal du WWOOFing et l’abandon des poursuites contre les hôtes wwoof. " sur Change.org.
C'est une cause importante. Je vous invite à la signer à votre tour ? Voici le lien :
http://www.change.org/fr/pétitions/pour-la-création-d-un-statut-légal-du-wwoofing-et-l-abandon-des-poursuites-contre-les-hôtes-wwoof?share_id=CDlqlaPFgZ&utm_campaign=signature_receipt&utm_medium=email&utm_source=share_petition
Merci !
PS vous pouvez aussi, si vous aimez ça, envoyer des mots doux à votre député ou votre sénateur, aux administrateurs de la MSA si vous en connaissez, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
PS 2 vous pouvez aussi faire suivre à vos contacts »
...La gratuité est devenue anormale dans ce monde, l'élan spontané suspect, et il fallait bien qu'à un moment ou à un autre, l'Administration pointe du doigt et punisse les prétendus fraudeurs ! Travailler bénévolement, oui, mais si ça rapporte ; un chômeur doit se morfondre sinon il fraude ; un bénéficiaire du RSA aussi bien sûr, même si les jeunes n'y ont pas droit, il doit bien se trouver des vieux de vingt six ans qui se sentent pousser les ailes de l'aventure.
Le citoyen est a priori un délinquant potentiel, on le sait bien, alors, la gratuité... c'est trop louche pour être honnête !
Et en ce qui concerne la partie de cette lettre qui traite des dérives possibles, inhérentes, hélas, à la nature humaine, inutile de dire que le woofeur est libre de partir quand bon lui semble, la gratuité ayant cet avantage de protéger de l'exploitation et de la servitude ; c'est peut-être trop formateur cette manière de faire, trop subversif ! Et puis les caisses sont vides !!! ( je ne reviendrai pas sur la politique agricole qui a quasi éradiqué les paysans ni sur ses conséquences : la MSA se plaint de n'avoir plus de rentrées... !!!).
Le wwoofing est une idée saugrenue dans notre basse société, il faudra veiller à le surveiller de près !!
...Une impression oppressante que le monde se referme malgré la vitrine leurre que l'on nous offre,
l'ouverture, la liberté et.. quoi d'autre ?
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