Les graves dangers d’un discours stigmatisant, agressif et « polarisé »
« Vaut mieux prévenir que guérir », renseigne une grande sagesse ancienne.
Depuis un certain temps, tout observateur averti peut constater à travers les médias, les rassemblements et les discours une inclinaison dangereuse qui prend peu à peu corps et tend à se renforcer dans nos sociétés : Celui du « nous » et « eux », « les opposants » et « la majorité au pouvoir », « les chauds » et « ceux qui ne le sont pas », « les fidèles catholiques pour » et « les fidèles catholiques contre », « les révisionnistes » et « les non révisionnistes », « les pros » et « les contres », « les musulmans » et « les non-musulmans », « les juifs » et les « non-juifs », « les femmes » et « les hommes », etc.
Cette polarisation de nos sociétés, qui a fait des ravages dans plusieurs régions du monde, et continue de déchirer des pays entiers, si elle n’est pas freinée et dénoncée conduira notre planète à des déchirements et des affrontements dont l’issue sera fatale pour nous tous.
Nous en sommes au point où nous regardons dans l’indifférence la souffrance des autres, alors même qu’elle s’étale sous nos yeux, simplement par les fait que les victimes n’ont pas la même couleur que nous, la même religion que nous, la même idéologie que nous, où parce que nous sommes à l’approche d’une élection et que l’on veut se ménager un électorat devenu « radicalisé » et sectaire. J’ai suivi, il y a quelque temps, dans un rassemblement politique, un « leader » demander à ces partisans de dénoncer ceux qui dans leurs quartiers étaient « tièdes », pas assez chauds dans le soutien à leur idéologie. Tout se passe comme si nous n’avons pas tiré les leçons de l’histoire. Et pourtant, même l’actualité qui nous environne nous donne assez d’exemples de dérives graves de communautés qui se massacrent sans la moindre pitié, alors qu’il y a peu ces personnes vivaient cote à cote sans la moindre appréhension les uns pour les autres.
En Syrie, au Yémen, et ailleurs, des « rivières » de sang innocent coule par le fait de cette stigmatisation, souvent orchestrée de l’extérieure, pour des objectifs inavoués, mais dont on sait qu’ils sont liés à la prédation des ressources naturelles par des puissants conglomérats internationaux. Sur le continent africain, la Sierra Leone, le Liberia, la Cote d’ivoire, le Soudan, le Rwanda, le Nigeria, le Burundi, la Lybie, l’Egypte, la RDC, autant d’exemples ou les communautés se sont affrontées et entretuées, et dans certains cas la situation ne fait que s’aggraver, comme en RDC, à cause de cette stigmatisation de « l’autre » et de l’incitation à la haine.
Dans tous ces pays déchirés par des conflits fratricides on retrouve toujours, comme ayant précédé ces événements ce genre de discours « polarisant » et stigmatisant tenus par des « pyromanes » qui ont vite fait de se mettre à l’abri pendant que la « maison commune » était en feu. Il n’y a pas si longtemps la communauté internationale n’a pas pris toute la mesure de la situation en République centrafricaine, comme celle du Rwanda, alors que les alertes avaient été lancées. C’est le cas notamment de ce responsable de l’ONU qui, de retour d’un voyage de cinq jours dans le pays, avait dit que la crise était prévisible et s’expliquait par de nombreuses années de négligence internationale. « Les éléments et germes d’un génocide sont présents », affirmait John Ging, directeur des opérations pour le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), lors d’une conférence tenue à Genève. « Il y a tous les éléments que nous avons vus ailleurs, dans des endroits comme le Rwanda et la Bosnie ».[1]
Le génocide n’est pas quelque chose qui arrive du jour au lendemain ou sans signes précurseurs. Un génocide suppose de l’organisation et constitue en fait une stratégie délibérée, qui a été le plus souvent mise en œuvre par des gouvernements ou par des groupes contrôlant l’appareil étatique. Il est important de comprendre comment un génocide survient et d’apprendre à reconnaître les signes qui pourraient conduire à un génocide afin de garantir que de telles horreurs ne se reproduiront plus. L’un des signes les plus évident est le « discours de stigmatisation » que certains leaders manipulent pour opposer les communautés entre-elles. Il y a les « bons » qu’il faut soutenir et protéger, il y a les « mauvais » qu’il faut à tout prix combattre ou faire disparaitre.
Il y a, présentement, en Syrie, au Yémen, en Centrafrique, au Soudan, en Birmanie, en RDC et ailleurs, des communautés qui se déchirent sur la base des considérations raciales, tribales, ethniques ou religieuses. Des villes, des régions entières sont dévastées. Des maisons et des villages entiers sont incendiés à cause des rivalités entre leaders politiques. Cette même tendance à la division et à la fragmentation de nos sociétés, on la perçoit chaque jour dans les propos de certaines personnalités qui n’hésitent pas à employer un ton agressif et discourtois, délibérément provocateur, avec pour conséquence de susciter des réactions qui sapent la cohésion nationale tant recherchée. On est en droit de s’interroger sur les motivations secrètes qui se cachent derrière de tels propos. Le fragile équilibre qui a rendu possible la relative stabilité qui permet aujourd’hui à plusieurs Etats de penser à l’émergence risque de voler en éclat si rien n’est fait pour mettre un terme à cette dérive verbale irresponsable et suicidaire.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de renforcer la cohésion à l’intérieur de nos Etats, qui est souvent mise à rude épreuve pendant les périodes électorales. Nos leaders politiques devraient être attentifs à ces aspects négligés de nos sociétés qui s’étalent pourtant là sous nos yeux. Il nous faut travailler à renforcer les bases sur lesquelles tous les projets de développement en cours peuvent être consolidés et renforcés. Une collaboration saine entre les institutions et leurs animateurs ; une écoute attentive aux préoccupations qui émanent de la société civile et des mouvements associatifs ; Une capacité à dépasser nos égoïsmes pour privilégier l’intérêt de nos communautés nationales dans lesquelles tous les citoyens devraient avoir leurs places, une juste répartition de la richesse nationale et du bénéfice de la croissance qui devraient profiter à tous.
Nous sommes une seule planète, une seule communauté humaine riche et diverse dont le vouloir vivre en commun, illustrée par les organisations internationales qui régulent les affaires du monde dans tous les aspects de nos sociétés, a été renforcée par les épreuves douloureuses à travers lesquelles l’humanité a dû passer jusqu’à ce jour. Tendons la main à l’autre dans un élan de solidarité responsable. Apportons notre concours au bon fonctionnement des institutions nationales et internationales qui œuvrent à créer les conditions de notre progrès. Soyons attentifs aux signaux qui nous viennent des couches les plus défavorisées pour apprécier leur contenu et trouver des réponses adéquates qui tiennent compte de l’intérêt de tous. Unissons nos efforts pour bâtir un monde de paix, une communauté humaine fière et libre dans un environnement international apaisé. C’est mon souhait !
Joseph Marie Kindundu
Facebook : Gippa -Amour, paix, solidarité
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[1] L’hebdo Magazine n°2933 du vendredi 24 janvier 2014 http://magazine.com.lb/index.php/fr/component/
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