Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) est-il soluble dans la Constitution ?
Le Référendum d’Initiative Citoyenne (R.I.C) présenterait une avancée déterminante pour la démocratie participative, semi-directe, à condition toutefois de ne pas mettre en cause le type de démocratie instaurée par la Vème République.
Les constituants de 1958 on en effet voulu et su trouver un équilibre entre la souveraineté nationale, affirmée (nos représentants ont un mandat délibératif non révocable et le mandat impératif est nul selon l’article 27 ; les candidatures individuelles sont possibles) et des éléments de souveraineté populaire (le suffrage est universel ; la Constitution proclame la forme républicaine du Gouvernement notamment dans ses articles 1 et 89 ; elle consacre le rôle des partis politiques dans son article 4 et la voie du référendum comme expression de la souveraineté).
Cette synthèse est traduite dans l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par le voie du référendum ».
Le référendum existe mais il est filtré. Le RIC pourrait exister mais au risque de déséquilibrer le système établi en 1958, sauf à proclamer une 6ème République, ce qui constitue un autre débat.
Les modalités d’application du RIC devraient donc être sévèrement encadrées afin de ne pas être un concurrent mais un complément de la démocratie représentative et d’être conforme à la lettre et à l’esprit de nos institutions dont le Président de la République est la clef de voûte.
La souveraineté nationale ne doit pas faire place à une souveraineté populaire guidée par des pulsions claniques.
Le déclenchement du RIC devrait dont être très encadré. Ce qui pose la question du nombre de signatures de citoyens requises pour entamer la procédure. Un équilibre doit être trouvé afin d’éviter l’écueil d’un nombre trop élevé rendant le déclenchement improbable et un nombre trop faible facilitant les déclenchements répétitifs mettant en cause la légitimité des représentants élus dont celle du Chef de l’Etat. Le seuil d’un million de signatures est régulièrement avancé.
L’objet du RIC devrait également être très encadré. Il faut éviter le référendum révocatoire qui mettrait en péril la représentation nationale et conduirait notamment à la révision préalable de l’article 27 de la Constitution interdisant le mandat impératif. Nous changerions alors de type de démocratie.
Le RIC abrogatoire doit également être exclu puisqu’il mettrait gravement en cause l’autorité et la fiabilité de la France sur le plan international mais aussi parce qu’il renforcerait la frustration des citoyens, comme en 2005 avec le référendum sur le Traité de Lisbonne. Les électeurs pourraient en effet voir « leur » décision référendaire abrogée par un nouveau référendum, fusse t-il d’initiative citoyenne, sur le même objet et dans un délai trop rapproché. L’incertitude et l’insécurité juridiques seraient grandes.
L’objet du RIC doit aussi être limité pour éviter toute démagogie ; il ne doit pas être un simple cahier de doléances ou l’expression d’une foule mais celle des citoyens. Le défoulement passionnel ou purement revendicatif n’a pas sa place (SMIC à 3000 euros ; rétablissement de la peine de mort ; expulsion des étrangers ; faire payer les riches …).
Enfin, pour donner sa pleine légitimité et son caractère juridique décisionnel au résultat d’un RIC, il faudrait que le contrôle du Conseil Constitutionnel intervienne en amont, sur l’objet et le déclenchement de la procédure, pendant la campagne référendaire et au moment du résultat.
La loi issue du RIC devrait en effet non seulement trouver sa force démocratique par l’onction du suffrage universel direct mais également sa portée juridique incontestable par l’examen de sa constitutionnalité.
Autant de contraintes nécessaires qui réduisent considérablement la compatibilité du RIC avec nos institutions et la perspective de sa mise en œuvre.
Parallèlement à ces questions de procédure, il faut préciser que le résultat d’un RIC ne serait incontestable que s’il existe une réelle égalité de tous devant l’instruction et l’information. Ce qui pose notamment la nécessité de lutter contre la fracture numérique mais aussi de s’assurer de la capacité de tous les citoyens à détecter les « fake news ». « Il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd … C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes » (Victor HUGO – Assemblée Nationale – 11 novembre 1848).
Et puis le RIC est-il compatible avec le quinquennat ?
Paradoxalement, notre Pays est sans arrêt en élection, c’est peut-être d’ailleurs une des causes de l’absentéisme et des revendications démocratiques actuelles.
Dans un mandat présidentiel réduit à cinq ans qui doit attendre l’élection des députés dans la foulée pour réformer, existe-t-il encore une « fenêtre de tir » pour un Référendum d’Initiative Citoyenne ?
Ces contraintes et ces incertitudes, sauf à changer de Constitution et de régime politique, ne permettent donc pas d’envisager sereinement et raisonnablement l’instauration d’un RIC, séduisant démocratiquement, déstabilisant juridiquement et constitutionnellement.
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