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Accueil du site > Tribune Libre > La soumission de l’électeur

La soumission de l’électeur

  D’un seul coup, d’un seul, je me suis octroyé une pause. Longue et studieuse. Sans pour autant avoir à me torturer. Coudes sur la table, les mains sur les tempes et les yeux clos, j’ai longuement réfléchi tout en me souvenant.

 Me souvenir tout d’abord de ce que j’avais vécu depuis tant d’années, et donc appris, à travers les bombes de la dernière guerre mondiale qui m’avaient volé mon père et sept autres membres de la tribu, l’enfance orpheline. Le GI conquérant, son coca cola et son cinéma, puis l’indépendance de mon pays natal, Mendès France, l’exode, le Général De Gaulle, US Go Home, Jacques Duclos et Maurice Thorez, Guy Mollet, la guerre d’Algérie et ses cadavres. Ensuite la faim, la mouise, l’angoisse, les parisiens se mettant à l’abri de mon teint basané dans le métro, la chance après la malchance, le travail dans la joie retrouvée, mai 1968 et la déconvenue des Champs Elysées un mois plus tard. Mon rêve d’écorché vif avec le programme commun de la gauche. Mitterrand, mes premiers cheveux blancs et mes premiers espoirs d’homme, déçus, avant d’y croire encore une fois, vingt et quelques années plus tard, avec l’arrivée de Ségolène Royal pour de nouveau déchanter très vite et sombrer au bord de l’incivisme.

 Comme une étincelle de ce magma de la mémoire a soudain surgi « aujourd’hui ». La toute prochaine élection présidentielle de la France nation qui n’est plus celle d’antan. Ses candidats, ses brouhahas et ses sondages. La Droite et la Gauche, les extrêmes, le centre et la balance. Les cris et les mauvais mots. Au bord de la haine. Alors c’est là que mes bras se sont affalés sur la table, que ma tête une fois libérée s’est ébrouée et que mes lèvres ont murmuré les mots, appris par cœur de la plume d’Henri Laborit, ce biologiste philosophe.

 « Se révolter c’est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté… Il ne reste que la fuite. »

 Mais oui, bien sûr ! La fuite ou plutôt se mettre à l’écart. Comprendre enfin que tout, de nos jours est vain. Le vote comme la révolte, ou l’indignation et même la révolution ne serviront à pas grand chose. Tout ce que j’ai entendu ces jours- ci, ce que j’ai vu ou lu, ce que j’ai vécu, je le savais déjà pour l’avoir, entendu, lu, vu et vécu tout au long de ma vie. Du moins celle où j’ai commencé à ressentir, voir, rire, souffrir et écouter, donc à apprendre. Les mêmes gesticulations, les mêmes mots ou programmes qui se transformeront très vite en mensonges, l’anathème toujours jeté sur l’autre, responsable de tous les maux de la terre. La joie, le progrès, le confort, le travail, la fierté ou que sais je encore, avec l’un. Le malheur, le chômage, la pauvreté, la dette avec l’adversaire et…vice versa.

 Sans jamais, je dis bien jamais, remettre en cause le système de vie en commun actuel, dans lequel se débattent les peuples, niais la plupart du temps, et qui a été mis en place et exploité depuis des lustres (sitôt après la première guerre mondiale), par des inconnus diaboliques qui ont inventé le pouvoir absolu par l’argent. D’habiles marionnettistes qui manipulent à loisir ceux qui vous disent, en le croyant ferme, être vos guides, vos chefs et qui, pauvres sots avides d’un pouvoir fictif, ne pourront rien changer. Droite ou Gauche, Centre ou Balance ! Laissez- moi sourire ! Même l’anarchie qui se veut sans soumission, en supposant les hommes devenus sensés, n’y pourra rien.

  En attendant de connaitre, sans y souscrire une seule seconde, le prochain verdict électoral gaulois qui ressemblera comme deux gouttes d’eau à tous ses prédécesseurs, je préfère fuir devant cette mauvaise tempête qui me sauvera, avec mon bateau, et me fera connaitre, comme le dit encore Henri Laborit « …des rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu, imposée par les compagnies de transport maritime.  » (L’Eloge de la Fuite)


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3 réactions à cet article    


  • rhea 1481971 21 mars 2012 09:02

    Éloge de la fuite d’Henri Laborit , un ouvrage que devrait lire tous les lycéens et tous ceux qui ont été touché par un cancer,ils serait éclairé sur l’origine du la maladie dont ils ont été frappé.


    • ’D’accord avec vous Rhéa, un auteur essentiel et terriblement moderne qui demeure dans l’oubli. Peut être parce qu’il est terriblement gênant pour les dominants.


    • aobc 22 mars 2012 00:06

      Bonsoir,
      merci beaucoup de m´avoir permis de découvrir ce texte d´Henri Laborit, Éloge de la fuite

      Voici une belle version en ligne
      http://inventin.lautre.net/livres/Henri-Laborit-Eloge-de-la-fuite.pdf

      Cordialement, aobc

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