La misère est moins pénible au soleil
À peu près tout le monde connaît cette chanson d' Aznavour ; ça tombe sous le sens, au moins, si l'on n'a pas froid, notre abri peut être moins étanche mais la vie est plus douce.
C'est un calcul que font de plus en plus de vieux ; sauf qu'il ne s'agit pas de misère, ni même de pauvreté mais d'aller chercher ailleurs des douceurs moins chères pour une monnaie très évaluée.
Ce bonheur qu'ont connu les colons, les expats, les coopérants. Une ou deux bonnes, un homme pour le jardin, une cuisinière, le tout pour trois francs six sous, des remerciements et la super bonne conscience de faire œuvre bonne. Donner du travail à qui que ce soit a toujours été très valorisé ( ...orisant). Au passage la médiocrité occidentale se payant le luxe de la haute bourgeoisie et de l'antique aristocratie : qui n'a pas rêvé d'être une jolie princesse ?
Je n'en sors pas, je ne peux pas fermer plus serrés les yeux, boucher plus bourdonnantes mes oreilles, la réalité du monde me transperce de toutes parts.
Je sais bien, il y a d'autres problèmes beaucoup plus importants et beaucoup plus urgents ! Ils me taraudent aussi, à défaut de pouvoir les résoudre, mais on a les sensibilités qu'on peut : tout ce qui touche à l'exploitation pour le service à la personne m'est odieux !
Il ne fait aucun doute que lorsqu'on a une retraite de deux mille euros , pour un couple, et que l'on vit dans le nord de la France, la vie est moins douce qu'elle ne le sera en Thaïlande ; tout, là-bas est organisé pour vous. Un visa annuel sur présentation de ressources au moins égales à 1600 euros par mois ( pour deux, sinon, niet), des locations divines ( on a chacun son image du paradis) à trois cents euros le mois, y compris les petites mains qui nettoient, les maisons les piscines les pelouses et tout . Sinon on peut acheter sa villa de rêve pour moins de cent mille euros mais jamais être propriétaire du sol.
La nourriture n'est pas chère « on n'a pas à se priver de restaurants ») et les soins, ah, les soins ! Le top du top. Nos retraités profitent de leur sécu et l'âge venant, la santé défaillant, moyennant finances, des assurances privées vous prennent en charge à cent pour cent. Pas données quand même, les assurances, qui n'ont rien de mutualistes. Les veufs ou divorcés sont fournis en jeunes femmes à aider – en tout bien tout honneur ( « c'est un deal »)- qui, en retour leur tiennent compagnie. La tendresse, cette chose rare en France, tant elle est chère.
Il est notable – et les Français sont à la traîne en ce domaine mais ça ne saurait durer- que les Européens du Nord ont déjà installé dans ces chauds pays où le sourire est gratuit, l'hospitalité une seconde nature, des maisons de retraite pour leurs vieux blafards.
La Thaïlande attire tout le monde, les touristes s'y pressent et comme dit quelqu'un que je connais bien mais qui n'a pas trop envie d'y retourner : c'est l'Occident, en mieux organisé – en France, si tu atterris à Marseille et que tu veux passer tes vacances en Cévennes, bonjour la galère ! En Thaïlande, tu vas partout très facilement, c'est pas cher et tu trouves à tous les coins de rue, les infos, les conseils, etc- , un climat nirvanesque et, malgré tout, des gens qui restent eux-mêmes, un dépaysement quoi. Dis comme ça, c'est irrésistible et du reste, peu y résistent.
Les Allemands, comme leurs collègues du Nord, sont peut-être plus vieux mais surtout beaucoup plus prompts à l'anticipation : il y a longtemps que les retraités vont finir leurs jours comme des nababs, massés par de douces mains expertes et peuvent « de piscine en piscine » aller en nageant jusqu'à la mer, sur une plage de plusieurs kilomètres.
J'en rêve : « ici, c'est le bonheur, on ne s'occupe de rien ! »
Le Portugal se bouge les fesses, voyant dans les vieux du Nord une manne qu'il ne faudrait pas négliger : retape, publicité, professionnels toute ouïe à vos désirs et pleins de bons conseils.
Le Maroc bien sûr, tout le monde sait qu'il n'y a pas mieux qu'une marocaine pour s'occuper de vous ; ces gens-là respectent les vieux et ont besoin de gagner leur croûte.
Le Sénégal, pays de rêve s'il en est. Mes voisins du reste le savent qui ont acheté pour trois fois rien une villa sublime, à côté de celle de Christine Ockrent.
L' Algérie devrait bien s'y mettre d'ailleurs, parce qu'il n'y aura pas de la place pour tout le monde et ça finira par des bagarres !
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je ne parle pas de « cougars » ni de tourisme sexuel plus banal ; non, je parle des vieux qui ont trimé toute leur vie, qui ne sont pas des rois en France où la fiscalité est ce qu'on sait, où tout est cher et où, dans certains endroits, le climat est pourri.
Finir ses jours les doigts de pieds en éventail jusqu'à bronzer entre les orteils : quel pied !
La France du reste n'est pas en reste, son sud est monopolisé par les riches étrangers, souvent, eh oui, retraités. Tout ça n'est qu'une histoire de proportion, ici, les autochtones ne peuvent plus se loger ni les paysans s'installer tant les prix ont grimpé. Les nord européens sont pingres et le travail chez eux y est rare, sans compter que nous avons des lois liberticides qui interdit tout emploi, comment dire, complaisants. En France, en revanche, nous vendons allègrement nos terres aux étrangers, ce que se gardent bien de faire les hôtes orientaux. Oui, c'est vrai, nos étrangers accueillis bras ouverts ont les poches pleines et sont... européens, des frères de sang en somme. C'est pas pareil.
Mais tout le monde sait ça et tout le monde s'en fout. Heureusement, il y a une deuxième planète : cap au sud ! C'est un peu le jeu des chaises musicales !!
On peut se consoler en se disant que ces vieux n'en ont, de toutes façons, pas pour longtemps, mais enfin, il y aura bien toujours la relève !
J'ai entendu ce soir l'excellent Magazine de la rédaction de France Culture ( que je conseille à ceux que le sujet intéresse) et je l'ai trouvé remarquable, - c'est vrai que ce qui nous paraissait bon il y a quelques années est tout bonnement remarquable aujourd'hui- , surtout grâce à la présence d'un sociologue qu'on ne laissait pas parler trop longtemps tant son indignation était grande et sa parole rapide et passionnée ; si proche de lui, je buvais du petit lait ! Il n'insistait pas trop sur le fait que déduire que plus pauvre que nous est fait pour nous servir, relève d'un scandale moral, malheureusement universel, mais plutôt sur l'égoïsme d'une telle vieillesse qui touche ceux qui l'ont été toute leur vie ( égoïstes) et pointait en contre exemple tous ces retraités qui s'investissent dans les associations ou une quelconque activité sociale qui met pas mal d'huile dans les rouages de notre société délabrée. L'utilité d'une vie en fait la saveur mais, semble-t-il, certains exilés se sentent utiles à la jeunesse du pays d'accueil.
Je sais, le consensus admet que le tourisme est un business comme un autre, une manière de voir que je ne partage pas ! Il n'y a pas de sots métiers et tout argent est bon à prendre. Réduisons nos ambitions...
Beaucoup de choses ont été évoquées dans le reportage qui introduit la discussion de l'émission : le rapport aux enfants, l'ambiance dans notre pays, des petites pointes de réflexion et de prise de conscience pas piquées des hannetons !
On se demande, à voir ces phénomènes de société ( 25% d'augmentation d'exil de la part des retraités français cette année), ce qu'on peut faire ; le problème est toujours le même, difficulté de juger qui que ce soit, au cas par cas, parce qu'on comprend bien... et pourtant, où va-t-on ? Combien de siècles encore nous faudra-t-il pour éliminer les rois et les oublier ? Se rendre assez civilisé pour se vivre « en société » et non plus, unique et jalousé, solitaire ou en élites, comme les rois ? On nous a bassinés toute notre enfance avec les Princes charmants et la jolie bergère dont le Prince devenait fou amoureux ! Vie de château, vie de rêve ! Personne ne nous a rien dit des mille autres qui ramaient. Personne ne nous a avertis qu'il faudrait nous battre pour garder ne serait-ce qu'un litre d'air pur par jour ; ce n'est pas étonnant, que, ne se contentant plus du peu qu'elles ont, les bergères délaissées aillent voir au soleil si elle ne pourraient pas y être un peu reines. Ce n'est pas étonnant que les bergers cocus aillent voir jeunesse ailleurs, non plus !
Ce n'est pas facile de tout laisser disent-ils ; abandonner amis enfants et petits-enfants ; mais nous sommes bien obligés, ici, c'est plus possible !
Ici c'est plus possible ; ailleurs au sud, c'est plus possible non plus ...qui viennent nombreux échouer sur nos plages. Quel bordel que cette planète où tout le monde vient et va voir si l'herbe est plus verte chez le voisin.
Mais l'herbe est toujours plus verte chez le voisin ; c'est dans nos gènes !
Enfin, ces gens-là ne dérangent pas mon train-train, ce sont les autres qui le font, ceux qui viennent de plus haut, mais je me dis bien fort qu'il est plus que parfaitement inutile de continuer à embrasser le monde, à en espérer l'ombre d'une justice, d'une justesse, d'une authenticité et d'une morale.
Chacun pour soi, à chacun sa merde, on se débrouille comme on peut, si je peux je veux, je le vaux bien, on est jamais aussi bien servi que par plus pauvre que soi, l'eau bleue, coquillages et crustacés...
Ah si ! Il n'y a que le vin et l'alcool qui coûtent chers en Thaïlande. Comme quoi, il n'y a pas de paradis !!
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