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La mer, interface des peuples

Terraferma montre une tranche de vie sur une petite ile au sud de la Sicile, dans laquelle les gens sont confrontés à des évolutions trop rapides pour leur permettre de savoir comment se tenir dans leur vie et dans leurs difficultés. Il en ressort une forme d’anomie. Il y a là un effet contemporain de la modernité, qui détruit les traditions sans cesse, dans un mouvement irrésistible et continu… La mer est un arc électrique entre le sud et le nord, le sud étant suffisamment informé de la richesse du nord. Un scenario impeccable, un film sensible. Allez le voir.

C'est un film magnifique qui relie la vie de Siciliens (il s'agit en fait d'une toute petite ile au sud de la Sicile, très proche de l'Afrique) aux grandes conditions de notre vie actuelle mondialisée, imposant des changements radicaux des modes de vie et des valeurs ancestrales. C'est un choc énorme, une subduction ; les modes de vie antérieures ne résistent pas, ils passent sous les nouveaux, enterrés, refroidis.
 
La loi de la mer, c'est qu'en mer, tous les hommes sont semblables et tous les hommes sont mortels. Alors, ils se doivent de s'entre-secourir quand ils sont en danger. Le vieux pêcheur n'en dit pas tant, il n'a pas les mots, il porte cette loi dans le cœur, elle est sa foi, elle est toute sa vie. La loi de la mer est comme la mer elle-même.
 
La loi de la mer est un condensé de ce que devrait être la loi du monde : le danger en mer a une urgence spécifique à la mer ; pour le reste, les hommes sont mortels à terre aussi et la même loi devrait s'appliquer.
Un jour de pêche sur son vieux rafiot sans âge, le vieux pêcheur croise une barque de clandestins venus d'Afrique. Il en prend quatre à son bord qui se sont jetés à l'eau et ont nagé vers son chalutier. Il découvre à terre, qu'il y a parmi eux, une femme enceinte sur le point d'accoucher. La famille la cache, elle et son bébé. Les hommes ont détalé sitôt le pied posé sur l'ile. On ne saura plus rien d'eux.
 
En même temps, la jeune femme de 40 ans veut reconvertir l'activité et accueillir une autre « race » d'immigrants : les touristes. Il faut se reconvertir pour ne pas mourir. Reconvertir est un terme religieux, et il s'agit bien de ce qui nous relie, nous les humains, dans notre universalité, tous humains et notre particularité, tous humains dans notre culture, notre religion, notre civilisation.
Pêche, immigrants « sauvages » du sud, touristes riches du « nord », trois mondes se cotoient et se heurtent sur cette petite ile. Chacun s'en débrouille comme il peut. Le vieux pêcheur ne conçoit pas autre chose que la loi universelle, que parfois on appelle la Loi. Le conseil des anciens, toutes les décisions sont collectives, sera plus partagé et hésitant. La femme de 40 ans veut diminuer leur pauvreté et fait ce qu'il faut. Le jeune homme de 18 ans navigue à vue entre des injonctions contraires, se comporte selon la loi universelle parfois et selon la protection des richesses européennes... et finira par participer à « l'évasion » d'immigrants, leur élargissement sur les routes d'Europe, en prenant tous les risques pour lui-même.
Car la loi de la mer n'a plus cours dans les lois européennes.
 
Terraferma nous montre le quotidien de ces mutants, mais nous sommes tous des mutants, et leur désarroi à penser le monde dans lequel ils vivent et à s'y comporter selon des principes honorables pour eux et pour les autres.
Les humains (re)bâtissent des murs et des barrières un peu partout. Chacun chez soi. Les particularités les unes contre les autres. Les techniques nous mettent tous en communication. Notre planète Terre est un village, non pas dans le sens où tout le monde se connait (et s'aime... comment croire à un tel village ?) mais dans le sens où les actes de chacun ont des échos immédiats dans la vie des autres. Fukushima n'est pas un problème du Japon, c'est un problème du monde. Ce qu'on appelle les printemps arabes n'est pas qu'arabe, c'est une exaltation mondiale. Même pour les Chinois qui en sont peu informés et n'y participent que peu dans leur cœur.
 
Plusieurs films ont fait de la mer ce mur qui a vocation d'être franchi (Harragas, Après l’océan, Une bouteille à la mer, Le cochon de Gaza). La mer porte en elle la vanité de tous nos murs, comme elle porte la loi humaine du secours réciproque.
 
Sur la mer, flotte avec chaque bateau le fait que tous les hommes sont semblables et que, de ce fait, ils ne devraient pas s'infliger la mort.


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