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Accueil du site > Tribune Libre > L’ A-REPUBLIQUE des BRAILLARDS

L’ A-REPUBLIQUE des BRAILLARDS

Comment diriger une humanité qui n’a plus de frontières terrestres ? Comment remplacer un totalitarisme aux oripeaux trop usés ? Comment faire vivre, au moins dans les esprits, des Démocraties sans les peuples ? La modernité doit elle être remplacée par la mode ? Les grands esprits sont-ils condamnés à prédire le passé ?

Dans le long cheminement des occidentaux vers une très inégalitaire opulence, les notions de Droite ou de Gauche s’estompèrent jusqu’à disparaître. Les uns souhaitaient l’ordre, les autres l’égalité, avec selon eux de bonnes raisons. La Justice, bien plus difficile à définir car difficilement quantifiable, fut confiée à des législateurs qui s’acharnèrent à s’emparer de tous les aspects même insignifiants de la vie privée. Le supplice du pal, la chaise électrique, les camps de travail n’avaient plus l’heur de plaire, mais il fallait bien inventer un dispositif pour maintenir les meutes dans leurs terriers. Plutôt que d’empêcher les gens de crier ou de manifester, il fut jugé utile d’encourager les braillards de tous acabits en fragmentant, en clivant, en imposant des contraintes verbales permettant aux démunis de se diviser presque à l’infini.

Une certaine technologie permit aux imbéciles de se répandre à l’abondance sur tous les sujets qu’ils ne connaissaient pas. Les experts les yeux fixés sur leur nombre de followers ne prodiguaient que leur vérité personnelle, c’est-à-dire leur opinion. Tous échangeaient à profusion sur des insignifiances en affichant leur mépris pour ceux qui essayaient malgré tout de comprendre. Les insultes, les menaces conduisant à une bien plus grande délectation des masses, ensevelirent les constructions raisonnables sans que personne ou presque ne se demande d’où venaient de telles i-conneries. Des para-institutions de conseil bâties sur une connaissance parcellaire de la psychologie des foules énonçaient à profusion tout ce qu’on doit faire pour perpétuer un système qui avait conduit nations et civilisation au bord d’un gouffre insondable.

Pour stimuler autant que possible les braillements, il fallut renoncer à l’élévation personnelle prônée par la plupart des philosophies en préconisant un bonheur universel peuplé non pas de semblables mais d’identiques. Lorsque l’on n’a pas pu, à ses propres yeux, accéder à la réussite rêvée, il faut abaisser les autres par tous les moyens en leur en imputant la responsabilité de cet échec. Même la plupart des saints ne se prétendent pas parfaits, non seulement l’erreur est humaine mais c’est la source même des découvertes, des innovations les plus marquantes. Un Homme est fait tout à la fois de réussites et d’échecs, d’égoïsme et d’altruisme et, hors le champ d’une légalité à définir, il semble plus périlleux de juger que de comprendre. C’est pourtant devenu la démarche commune, on « juge » l’individu sur de supposées pensées largement construites par le contradicteur en laissant de côté ce qu’il a fait concrètement. La moindre faiblesse, les moindres errements sont traqués pour terrasser, pour vaincre. Pour ce faire des mots emblématiques sont utilisés, vides de sens mais parfaitement appropriés pour nuire : ultra-droite, ultra-gauche et tant d’autres. Bien évidemment les véritables décisions ne se prennent pas à ce niveau, une élite pelotonnée dans ses privilèges pérennise ses activités à l’abri des soubresauts populaciers. La logique des marchands prévaut à l’abri des regards.

Bien sûr le nouveau totalitarisme est en apparence loin des personnages grand-guignolesques qui ont sévi par le passé. Il est bien plus efficace de faire régner l’ordre par la multitude elle-même plutôt que par un seul. Les élus se penchèrent donc sur les états d’âme des populations et de commémorations en commémorations ils tentèrent de faire oublier qu’ils ne servaient plus à rien en dehors du spectacle donné. Ils ne veulent pas fédérer pour élever chacun, ils divisent pour abaisser tous : « La République sans les lumières… ». Les partis de la politique plutôt que de proposer un destin commun s’activèrent pour recueillir les faveurs du grand nombre. Les exagérations outrancières, les punchlines tonitruantes, les rumeurs infondées et toutes sortes de bassesses et d’indignités permettent de créer un brouhaha où le vrai ne se distingue plus de l’ignoble. La seule promesse qui semble être tenue : pouvoir continuer de se goinfrer de tout ce qui est insignifiant. Le système dans ce cadre ne peut fonctionner que grâce à une inégalité obscène. Le désespoir est tellement grand que beaucoup veulent confier leur sort à qui fera pire.

Personne ne semble plus comprendre qu’une civilisation se base toujours sur une transcendance religieuse ou pas. La coercition sert à dominer pas à vivre. Personne ne comprend plus également que des valeurs ne peuvent s’acquérir que par imitation d’un exemple, d’une référence, pas par des lois d’essence collectives, pas par des règlements, et que les « habiles finissent toujours par avoir tort. »

Une société vieillissante se répand en gémissements et en lamentations, ce qui pourtant ne l’empêchera pas de mourir. N’étant pas plus érudit ni mieux documenté que la plupart des hiérarques, il est probable que ceux-ci se livrent seulement à l’orchestration d’un requiem pour apaiser quelque peu les souffrances.


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6 réactions à cet article    


  • Clocel Clocel 2 décembre 2023 16:29

    Et ... Pendant ce temps nous assistons, muets, à un génocide en direct live...


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 3 décembre 2023 10:28

      @Clocel
      Aucun lien direct.


    • Clocel Clocel 3 décembre 2023 10:52

      @Jacques-Robert SIMON

      Vraiment ?

      Comment peut-on se divertir avec d’autres problématiques pendant que cela a lieu ?

      Etes-vous conscient que ce sont tous les fondements de notre « civilisation » qui sont en train de tomber, là, sous nos yeux ?

      Qui aura encore envie de nous respecter ?

      Occident, fin de partie.


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 6 décembre 2023 10:24

      @Clocel
      Je ne suis pas certain que vous deviez m’indiquer les sujets traités.


    • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 2 décembre 2023 18:09

      Je proposerais en contrepoint (antithèse ?) de ce billet, cet autre :

       

      Gouvernance et médiocratie (par Francis, agnotologue, décembre 2016)

       

      Qui exprime, non pas mon point de vue mais celui de Alain Deneault, Philosophe de formation, est chercheur en sociologie à l’université de Québec


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