Figures d’enfance et d’adolescence

Les Ateliers de la Colline existent depuis 1981 et ont proposé un spectacle pour enfants par an. Emile Lansman les a publiés en 4 tomes, d’un seul coup d’un seul. Pourtant, l’édition du théâtre va mal, et celle du théâtre pour enfants encore plus mal. L’édition théâtrale s’est autonomisée. Les éditeurs littéraires généralistes ont gardé leurs auteurs connus reconnus mais ne cherchent plus d’auteurs nouveaux. Des éditeurs spécialisés s’y sont mis (ont dû s’y mettre ?).

Côté enfant, il y a des problèmes spécifiques : les enfants ne lisent pas de pièces, les enseignants si peu ; il n’y a pas d’achats autour des représentations, pas assez, les enfants utilisent leur maigre pouvoir d’achat à d’autres choses ! Le théâtre pour enfants est constitué de beaucoup de créations collectives ; il y a peu de reprises de spectacles, qui nécessiteraient une conservation, entretien, interprétation-réinterprétation… de textes-sources.

La question est de savoir jusqu’à quel point le théâtre pour enfants a à voir avec la littérature. Avec le patrimoine. Côté roman, un certain nombre de romans anciens établissent la possibilité d’une liaison entre l’enfance et une littérature pour enfants (la Comtesse de Ségur, Dickens, Collodi, Joanne Rowling…). Les choses changent peu à peu et Emile Lansman s’implique dans ce courant.

Jack Lang, ministre de l’Education et de la Culture alternativement et une fois cumulativement, a mis du théâtre dans la liste des textes recommandés aux enseignants à la lecture des élèves. C’était donner une réponse institutionnelle claire à la question : oui, le théâtre pour enfants est affaire de littérature. Un encouragement intéressant.

Alors, pour ce groupe des Ateliers de la Colline, quelles figures de l’enfant et de l’adolescent peut-on lire dans ces trente années de créations ? La lecture d’extraits nous a fait ressentir quelques personnages de jeunes âges aux tempéraments parfois bien trempés. Dans des problèmes de jeunes, d’entrée dans la vie. Et moi (2001) ou comment faire fuir le nouvel amour du père… J’irai pas (2000) belle énergie, comment ne pas faire ce qu’on veut faire ? Comment accepter de faire autre chose ? Avec ces « portraits », on trouve aussi des imaginations de refus, de résistances tout-à-fait délirantes : Si tu savais (2005) ou l’élevage de poux comme antidote aux élevages fermiers… en 2011, les Ateliers de la Colline quittent l’enfance pour un monde animalier, un altermonde animal Zoro et Jessica.

Le spectacle 2013 est là : l’Enfant mouche, qui est plutôt un âne. Rien ne va pour lui, l’école ne lui convient pas et il ne convient pas à l’école. Les acteurs jouent aussi avec des marionnettes taille réelle, ou pleines de manques : un directeur est représenté par sa tête et le dossier de son fauteuil habillé d’une veste… La comédienne est souvent sur les pointes et fait quelques acrobaties circassiennes. Tout va très vite. La vie de l’Enfant Mouche avec l’agitation des adultes autour de lui, parents, professeurs, directeurs d’école… jusqu’à son adolescence mutique nous est contée à cent à l’heure.

La dignité d’un théâtre pour enfants qui soit une forme artistique complète, autonome, respectable et pas seulement une propédeutique au théâtre, au théâtre… sans adjectif s’accomplit là par ce lent cheminement talentueux.