• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Et si on lisait à voix haute : le pouvoir de la poésie...

Et si on lisait à voix haute : le pouvoir de la poésie...

JPEG

Nouvelle édition de ce concours réservé aux collégiens et lycéens : Si on lisait à voix haute, à l'initiative de François Busnel, l'animateur talentueux de "La grande librairie".

Ce fut encore un régal d'écouter ces adolescentes et ces adolescents férus et passionnés de lecture.

 

L'occasion de découvrir ou de redécouvrir des textes : une belle incitation à la lecture !

Les candidats ont choisi eux-mêmes leurs textes et témoignent ainsi de leurs goûts littéraires...

Romain Gary, Antoine Leiris, Sylvie Germain, Musset, Salinger, Yasmina Reza, Maylis de Kerangal, Murakami, Le Clézio, Claude Bourgeyx, Olivier Adam, Jules Vallès, Maupassant, Sylvain Tesson, Jean-Pierre Siméon, Pierre Lemaître, des choix éclectiques.

On a pu ainsi écouter, avec bonheur, Colin qui lisait un extrait un extrait de La Promesse de l'Aube de Romain Gary. Magnifique texte d'une tendresse désespérée, dédié à la mère de l'auteur...

"“Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais... Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.”

Ou encore Gaspard, 17 ans, musicien, guitariste qui lisait un extrait d'un texte de Sylvie Germain, La Pleurante des rues de Prague. Un superbe hymne à la nature et à la vie ! Un texte d'une grande poésie !

"Il dansait le cygne, il dansait au ras de l’eau, à fleur de nuit, au cœur de la ville, si proche des humains et pourtant si étranger... Il dansait, le cygne... il n'était ni mâle, ni femelle, il n'était qu'un vivant ivre de sentir en lui le pouls de la vie..."

 

 

Amélie, 16 ans nous fit redécouvrir un poème de Musset : Le Pélican... Beau texte romantique tendre et déchirant à la fois...

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son cœur."
 

 

Lubin, en classe de première, lisait un extrait émouvant de l'Attrape-coeurs, roman de Salinger.

 

"Vous l’auriez aimé. Il avait deux ans de moins que moi mais il était dans les cinquante fois plus intelligent. Il était super-intelligent. Ses professeurs écrivaient tout le temps à ma mère pour lui dire quel plaisir çà leur faisait d’avoir Allie dans leur classe. Et c’était pas du baratin. Ils le pensaient pour de vrai. Non seulement Allie était le plus intelligent de la famille mais en bien des façons il était le plus chouette. Il se mettait jamais en rogne. Les rouquins, on dit qu’ils se mettent en rogne facilement, mais Allie jamais. Je vais vous dire le genre de rouquin que c’était. J’ai commencé à jouer au golf quand j’avais à peine dix ans. Je me souviens d’une fois, l’année de mes douze ans, je plaçais la balle sur le tee, et j’ai eu l’impression que si je me retournais je verrais Allie. Je me suis retourné. Et tout juste il était là, assis sur son vélo, de l’autre côté de la clôture- y avait cette clôture qui entourait le terrain- et il était là, à cent cinquante mètres de moi qui me regardait faire. Voilà le genre de rouquin que c’était. Bon Dieu, on n’a jamais vu un môme aussi chouette. Pendant les repas ça lui arrivait de rire tellement en pensant à quelque chose qu’il en tombait presque de sa chaise. C’était l’année de mes treize ans et mes vieux allaient être forcés de me faire psychanalyser et tout parce que j’avais brisé toutes les vitres du garage. Je leur en veux pas. Je couchais dans le garage, la nuit où Allie est mort, et j’ai brisé toutes les foutues vitres à coups de poing, juste comme ça."

 

J'ai particulièrement apprécié aussi la lecture faite par le jeune Gaspard d'un texte de Jean-Pierre Siméon : Stabat mater furiosa... une dénonciation de la guerre :

 

"ma prière voilà comment commence ma prière
j’aime que le matin blanc pèse à la vitre et l’on tue ici
j’aime qu’un enfant courant dans l’herbe haute vienne à cogner sa joue à mes paumes et l’on tue ici...

j’aime que la pierre roule dans la rivière et que cela fasse un bruit de clarinette et l’on tue ici
j’aime que les heures ne soient que le temps qui passe pour faire les heures et l’on tue ici
et voilà comment continue ma prière
êtes-vous là encore êtes-vous là mangeurs d’ombres
je crache
je crache sur l’homme de
l’homme de guerre
je crache sur le guerrier 
de la prochaine guerre..."
 

De la poésie pour dénoncer la guerre... et quelle poésie flamboyante !

 

"Plaidoyer du verbe de la vie contre le verbe de la guerre, âpre, aiguisé, sans faux-semblants, et à la fois empreint d’une douceur ample, pleine, "accordée à la nécessité simple de vivre", cette prière profane répond mot pour mot au langage de la violence, en appui sur la colère, sur la douleur, mais à coups d’arguments de la beauté vivante, de l’amour inguérissable, des matins clairs, des soirs ouverts, des cerisiers bêtement z’en fleurs…

Dans une forme épurée, concentrée sur la langue et sa force de fabrique sensible, la poésie s’incarne alors comme "arme inverse".

Il nous faut redécouvrir le pouvoir de la poésie, la "puissance provocatrice du verbe" ! La poésie est une des formes de résistance, elle permet d'échapper à la folie de notre monde...

 

Elle nous montre que le regard est essentiel, que la pensée est une force, une force de joie et de bonheur.

Elle nous fait redécouvrir le monde, elle est musique, rythme, réflexions, et surtout attention.

C'est un moyen de résister à la déferlante des progrès qui nous submergent et qu'on a du mal à contrôler...

 

Quand on écoute des textes lus avec autant d'intensité et de passion, et notamment des textes poétiques, on ne peut qu'avoir la curiosité d'aller à la rencontre de ces auteurs classiques ou non, qui ont écrit des ouvrages de grande qualité empreints d'émotion, de sensibilité.

 

Bravo aussi à tous les enseignants qui ont motivé et sélectionné les candidats de ce concours. Sans eux, une telle expérience n'aurait pas été possible...

Merci à eux !

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2021/06/et-si-on-lisait-a-voix-haute-le-pouvoir-de-la-poesie.html

 

Sources :

https://www.france.tv/france-5/si-on-lisait-a-voix-haute/2522839-la-finale.html

https://www.facebook.com/LaGrandeLibrairie/videos/187091276672328/

 

Vidéo :

 


Moyenne des avis sur cet article :  2.14/5   (7 votes)




Réagissez à l'article

21 réactions à cet article    


  • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon 2 juillet 2021 16:58

    OUI mais avec le mamasque

     smiley


    • McGurk McGurk 2 juillet 2021 17:29

      Précisions au Caliméro d’Agoravox que la poudre blanche dans sa cuisine n’est pas de la farine. Cela résoudra, à l’avenir, bien des problèmes.


      • popov 3 juillet 2021 02:18

        @rosemar

        À l’origine, la poésie n’était-elle pas destinée à être chantée ?

        Les aèdes, les rhapsodes, les bardes, les trouvères, les troubadours.


        • Clark Kent Lampion 3 juillet 2021 08:15

          @popov

          tout-à-fait Tierry
          tu peux ajouter les chantres, les castrats et le chœur des vierges
          la grand messe était la déclamation rituelle d’une longue poésie magique écrite dans un langage oublié de la plupart des participants, sur un fond d’orgues puissantes, dans laquelle chacun disait son texte et qui permettait pour les meilleurs d’entrer en transes et de communiquer avec les grand manitou, guidés par un druide ou un chaman local en habit d’apparat.


        • rosemar rosemar 3 juillet 2021 08:51

          @popov

          En effet, la poésie est associée, dès les origines, à la musique : 
          Le mot « aède » vient du verbe grec « ἀείδω,aeido, ou ado, chanter »...

          http://rosemar.over-blog.com/2016/09/un-poete-d-autrefois-l-aede.html


        • Clark Kent Lampion 3 juillet 2021 09:00

          @rosemar

          La poésie des anges

          (après ça, on n’a plus qu’à tirer l’échelle)


        • rosemar rosemar 3 juillet 2021 09:02

          @popov

          La poésie est la création littéraire par excellence : le mot vient d’un verbe grec, poiein qui signifie « créer »... La poésie permet, en effet, de créer, de recréer un langage différent , un langage qui fait intervenir des images, des comparaisons, des sensations, une harmonie sonore. C’est le genre littéraire le plus ancien puisque les épopées à l’origine même de notre littérature l’Iliade et l’Odyssée étaient écrites en vers...


          La poésie était, dès l’antiquité, associée à la musique : elle était souvent déclamée avec accompagnement d’un instrument, la lyre... On constate d’ailleurs que de nombreux poèmes ont été mis en musique. Brassens a repris des textes d’Aragon, de Villon, Lamartine, Hugo.


          Ce genre littéraire fait donc appel à l’harmonie du langage et des sons... il fait rêver et comme la peinture, il permet d’éclairer le monde d’un jour nouveau... Il nous fait redécouvrir un paysage, une fleur, un sentiment...



        • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon 3 juillet 2021 09:14

          @Lampion
          Ah séraphin t’es revenu OUF
           smiley
          Sans toi l’agora était perdu
          Bon tu t’es fait flashé par chie at home en flagrant excès de copié/collé mais nous les purs on s’en fout
          Chantons à voix haute
          Haut les lampions
           smiley


        • popov 3 juillet 2021 09:31

          @rosemar

          Linos, demi-dieu inventeur de la musique et de la poésie en vers
          Apollon, dieu de la poésie et de la musique


        • popov 3 juillet 2021 09:38

          @Lampion

          Vous nous avez manqué Rascar Capac !

          De méchantes langues racontent que...Mais ils ne faut pas prêter l’oreille aux rumeurs.


        • Clark Kent Lampion 3 juillet 2021 11:01

          @Bendidon @popov @cyrus

          Salut les gars

          lien1

          lien2


        • popov 3 juillet 2021 12:07

          @Lampion

          Pas de problème.


        • troletbuse troletbuse 3 juillet 2021 10:11

          Je connais un poète qu fait des rimes avec les prénoms comme

          Marie-Lise

          Marie-Thérèse

          et Hercule


          • Clark Kent Lampion 3 juillet 2021 11:27

            un grand poête méconnu qui travaille aussi avec ours, éléphant, chacal et enfant !

            ou même

            --- pommes de terre

            --- labourer la terre

            --- hirondelles

            --- grimper à l’échelle


            • Clocel Clocel 3 juillet 2021 11:31
              Quand je serai grand, je serai girafe
              Pour être bien vu par les géographes.

              Pas éléphant blanc, c’est trop salissant,
              Ni serpent python, ni caméléon.

              La girafe est belle, elle est une échelle
              Entre sol et ciel, l’herbe et le soleil !
              Mammouth, c’est trop tard, et marsouin trop loin,
              Le chameau a soif, le saurien a faim.

              Tandis que girafe, on a de ces pattes !
              Un cou bien plus haut que le télégraphe !
              Le kangourou boxe, il reçoit des coups,
              Il a une poche, mais jamais de sous.

              Non , décidément, quand je serai grand,
              Je serai girafe et vivrai cent ans.
              Alors sa maman lui dit tendrement :
              C’est trop d’ambition, mon petit gardon !


              Marc Alyn

              • rosemar rosemar 3 juillet 2021 11:57

                @Clocel
                C’est mignon...



              • ysengrin ysengrin 3 juillet 2021 14:06

                bonjour rosinette

                à l’epoque où cela se pratiquait encore j’ai gagné plusieurs concours de diction, prparé par mon instituteur Monsieur Jacques.

                entre autres j’ai récité Oceano nox de Victor Hugo et la guerre de Péguy...


                • rosemar rosemar 3 juillet 2021 14:54

                  @ysengrin

                  MERCI pour ces souvenirs d’enfance... pour ma part, j’ai été première en récitation avec un poème choisi : Saison des semailles, le soir de HUGO...

                  http://rosemar.over-blog.com/article-c-est-le-moment-crepusculaire-112011453.html


                • Taverne Taverne 5 juillet 2021 15:04

                  Bâtisseur sans peser

                  J’aurais dérangé l’aube dans sa prime jeunesse,
                  J’aurais réécrit l’Absolu à l’ombre de nos sources,
                  J’aurais redessiné le vent.

                  J’aurais créé le vin et le levain du jour,
                  J’aurais par un simple silex recréé des apothéoses,
                  J’aurais levé le Vrai sans rémission possible.

                  J’aurais bondi résolu hors du temps de moi-même !
                  J’aurais lancé des vertiges, des récits, des légendes, des défis à la mort.
                  Et, suprême audace,
                  J’aurai plongé mes mains dans la mer des Sargasses.

                  J’aurais rebondi de matin en matin avec mon long regard, porté sur l’infini
                  J’aurais lâché la vérité comme un déferlement ;
                  J’aurais possédé des regards à enflammer l’espoir ;

                  J’aurais fait prolonger à jamais le bon temps qui s’enfuit ;
                  J’aurais été dans l’aube bâtisseur éphémère ;
                  Pour finir j’aurais ridé les eaux d’une houle éternelle secrète.

                  Je n’aurais pas pesé mais...

                  J’aurais accueilli dans ma poitrine tous les temps de l’amour
                  Rendu toutes choses permises,

                  J’aurais interdit de contraindre autrement que par amour.

                  « Taverne »



Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité