De nouvelles missions pour la police montée
Des chevaux qui possèdent un statut militaire ou policier, il y en a déjà dans notre pays, notamment dans les écuries de la Garde Républicaine de Paris et dans celles de quelques collectivités locales dotées d’une police montée. Or, de source bien informée, l’on apprend qu’à ces équidés formés au maintien de l’ordre, et de manière plus marginale à la parade, se joindront désormais, si l’on en croit les termes d’un décret à paraître, d’autres chevaux affectés à des tâches radicalement différentes…
Il ne faut pas s’y tromper, les missions des chevaux de la Garde Républicaine ne consistent pas uniquement à parader sur les avenues lors des défilés officiels à caractère solennel, notamment à l’occasion des visites de chefs d’état étrangers. Ces animaux sont en effet principalement formés à la surveillance des parcs de la capitale et des grands domaines nationaux ainsi qu’à celle des sites sensibles, de manière temporaire ou pérenne selon les cas. Il est en outre régulièrement fait appel à leurs services pour renforcer les unités de maintien de l’ordre lors de manifestations présentant des risques de débordements.
Outre les chevaux de la Garde Républicaine – très photographiés par les touristes lors des parades avec leurs cavaliers coiffés de l’emblématique casque à crinière –, il existe des animaux affectés à des tâches de police montée dans plusieurs villes et départements de notre pays, notamment en Île-de-France. La dernière en date des collectivités à avoir mis le pied à l’étrier a été le Val-de-Marne : en décembre 2023, ce département vient de suivre l’exemple de l’unité équestre de La Courneuve dédiée aux trois départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et des Yvelines. La nouvelle unité est basée au domaine de Grosbois.
Durant plusieurs années, une équipe de chercheurs du CNRS et de spécialistes de l’éthologie équine dirigée par le Pr Ludovic Ambrosiano a travaillé sur un programme innovant visant à utiliser les étonnantes capacités olfactives des chevaux. Car, la chose est peu connue, le cheval est doté d’un odorat très puissant, bien supérieur à celui du chien, pourtant régulièrement vanté, et mis à contribution depuis des décennies par les polices de la planète pour rechercher des disparus ou déceler des produits stupéfiants. À titre d’exemple : un cheval est capable de détecter à des kilomètres de distance les phéromones d’une jument.
Ce constat, corroboré par de nombreuses mesures et analyses conduites par les chercheurs dans le cadre d’un protocole rigoureux, a donné lieu à un rapport très détaillé dont une synthèse, signée par le Pr Ambrosiano, a été publiée par plusieurs médias scientifiques dont la prestigieuse revue Nature. Il ressort notamment de cette étude que les capacités olfactives des chevaux sont parfaitement compatibles avec des missions de police ou de douane pour peu que les chevaux sélectionnés soient éduqués à cette fin par des experts en dressage comme le sont les « chiens de détection », également appelés « chiens renifleurs ».
Un écuyer et un cynotechnicien
Sitôt publiée, cette synthèse a attiré l’attention des pouvoirs publics. Et pour cause : les volumes de cannabis et autres drogues qui sont déversées sur le territoire national ne cessent d’augmenter comme le montrent les saisies record effectuées depuis 2 ans : 157 tonnes en 2022 et probablement plus encore en 2023 (les données sont en cours de consolidation). Sachant que 80 % des drogues pénètrent sur le sol français par la voie maritime, une idée a germé : utiliser les aptitudes des chevaux pour intensifier la recherche de produits stupéfiants sur les docks des ports maritimes français où sont débarqués chaque année plus de 5 millions de conteneurs en provenance de différents continents.
C’est ainsi qu’a été décidé – à titre expérimental dans un premier temps – la création d’une unité équestre de « chevaux de détection » entièrement dédiée aux missions anti-drogue en milieu portuaire. Elle sera placée sous le contrôle du Groupe Interministériel de Recherche (GIR) de Basse-Normandie et implantée au Havre sous la forme d’une antenne de ce GIR, basé à Caen. Cette information a été confirmée par le cabinet d’Édouard Philippe, maire du Havre, et par Florent Weyer, directeur délégué de Haropa Port, en charge de gérer les 3 millions de conteneurs qui débarquent chaque année sur les quais du géant portuaire français.
Encore fallait-il dresser les chevaux qui ont été sélectionnés pour cette mission* afin qu’ils puissent convaincre de leus capacités. Pour y parvenir, il a été fait appel à un duo d’experts : Aurélien du Plessis-Valhubert, écuyer du Cadre noir de Saumur, et Bastien Chapuisat, un cynotechnicien rompu aux techniques de dressage des chiens. À charge pour eux d’adapter leurs compétences à ces équidés. Les deux hommes ont manifestement accompli cette tâche avec succès si l’on en juge par les évaluations qui, à l’issue de la formation des chevaux, ont été réalisées en conditions réelles sur les docks du Grand port maritime du Havre.
Quelle sera l’efficacité de ces « chevaux renifleurs » ? Parviendront-ils à déceler les produits stupéfiants à travers les parois de métal des containers verrouillés et à « marquer » sans la moindre ambiguïté la présence des drogues ? Questionné sur le sujet, Alexis Grüss en est persuadé : « Le grand public ne mesure ni les remarquables capacités olfactives des chevaux, ni leurs aptitudes à communiquer avec leur cavalier au terme d’un dressage adapté. Cela devrait fonctionner. » Eu égard à l’imminence de la mise en œuvre opérationnelle de l’unité équestre anti-drogue du Havre, la réponse devrait être connue rapidement.
* Il s’agit de quatre femelles et deux mâles. Trois proviennent du haras de Lamballe (Côtes d’Armor), trois autres du haras du Pin (Orne). Tous sont d’anciens chevaux de saut d’obstacles et de concours complet, habitués à répondre aux sollicitations des dresseurs.
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