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Ce Rubicon que l’hystérie invitait Sigmund Freud à franchir…

L’« analyse critique » produite par Sigmund Freud à la suite de son compte rendu du cas Emmy von N… a elle-même été agrémentée d’une longue note plus tardive dans laquelle il s’efforce de nous montrer le pourquoi de la grande minutie dont il fait preuve dans le relevé des différents symptômes et des détails qu’ils comportent. 

Elle concerne une jeune fille âgée de dix huit ans :
« Elle commença par se plaindre d’accès de désespoir à double contenu : d’une part, en effet, elle ressentait dans la partie inférieure du visage, depuis les joues jusque vers la bouche, des tiraillements et des picotements, d’autre part, elle souffrait de crampes aux deux orteils en extension qui s’agitaient sans cesse de-ci de-là. » (page 945 du PDF)

Sigmund Freud a bientôt l’occasion d’entrer dans le vif du sujet, et un certain signe se manifeste aussitôt :
« Quand je connus mieux la jeune fille, je lui demandai un jour, sans circonlocution, à quoi elle pensait pendant ces sortes de crises ; il ne fallait pas qu’elle se sentît gênée et elle devait certainement pouvoir expliquer ces deux manifestations. La malade rougit de honte et, sans que j’eusse recours à l’hypnose, parvint à me donner les éclaircissements suivants dont la véracité me fut entièrement confirmée par sa dame de compagnie qui se trouvait présente. » (Idem, page 946)

Comme nous le voyons, Freud a ici le souci de la vérité des faits… ce qui peut passer, à ce moment de sa fréquentation de l’hystérie, par un témoignage extérieur… En tout cas, voici à quoi se rattache le trouble manifesté :
« À partir du moment de sa formation, la malade n’avait cessé, et cela pendant des années, de souffrir d’une céphalée des adolescents qui l’empêchait de se livrer à toute occupation suivie et gênait son développement. » (Idem, page 946-947)

Nous abordons maintenant la suite des explications, sans vraiment savoir de qui elles émanent, et si Freud a tenté l’aventure, là aussi, de les faire authentifier par le chaperon :
« Enfin, débarrassée de ces troubles, cette enfant ambitieuse et un peu bornée tenta de rattraper ses sœurs et les autres fillettes de son âge. Elle se surmena au-delà de toute mesure et ses efforts aboutissaient généralement à des crises de désespoir en constatant qu’elle avait trop escompté de ses forces. » (Idem, page 947)

La constatation suivante ne semble être, pour sa part, que très banale :
« Elle avait aussi naturellement l’habitude de comparer son physique à celui des autres jeunes filles et se sentait malheureuse lorsqu’elle se découvrait quelque désavantage. » (Idem, page 947)

Rappelons qu’il y avait, d’une part, les symptômes qui frappaient le visage et, d’autre part, ceux qui concernaient les orteils. Après quoi, il ne nous reste plus qu’à constater que Sigmund Freud a laissé la suite à ses mystères parce qu’il n’a pas cherché lui-même à les approfondir :
« J’ajouterai qu’après ses aveux, les symptômes de la première espèce cessèrent, mais que ceux de la seconde, l’agitation des orteils, persistèrent. C’est donc que tout n’avait pas été dit à ce sujet.  » (Idem, page 948)

Or, sur ce dernier point, il ajoute un Complément qui pourrait dater, comme celui qui apparaît une douzaine de pages plus loin, de 1924…
« J’appris ultérieurement que cette petite sotte s’efforçait avec tant de zèle de s’embellir, parce qu’elle voulait plaire à un jeune cousin. » (Idem, page 948)

Ici encore, un ange passe…

Mais reprenons le fil de cette réflexion que Sigmund Freud avait entamée à propos des origines de l’hystérie sitôt qu’elle est saisie dans son cadre général… Sans doute est-il plus prudent, de sa part, de ne pas trop vite s’aventurer sur un terrain dont nous devons constater qu’il en avait pourtant déjà délimité le caractère risqué… Nous savons ses réticences quant au rôle déterminant d’une éventuelle dégénérescence – c’est-à-dire d’un glissement vers une sorte de sous-humanité – ou même d’une hérédité plus ou moins chargée. Mais, sur cette question également, Freud doit faire preuve d’une grande prudence. Voilà donc, tout d’abord, de quoi rassurer tout le monde à propos d’Emmy :
« Mme v. N… avait certainement une hérédité névropathique très chargée. Sans cette prédisposition, personne, sans doute, ne serait atteint d’hystérie. » (Idem, page 956)

Evidemment « prédisposition  », c’est déjà plutôt ténu… Et voici le pas suivant qui paraît ranger immédiatement le médecin viennois dans le camp qui est peut-être véritablement le sien :
« Mais une prédisposition ne suffit pas seule à créer l’hystérie, il y faut des motifs et, je le prétends, des motifs adéquats, une certaine étiologie déterminée. » (Idem, page 956)

À ce propos, Sigmund Freud est persuadé d’avoir rassemblé une très importante matière première, même s’il ne sait pas encore le détail de tout ce qui pourrait en être tiré :
« J’ai déjà signalé que chez Mme v. N…, les affects d’un grand nombre d’incidents traumatisants paraissaient conservés, et qu’une activité mnémonique vivace faisait remonter à la surface psychique, tantôt tel traumatisme, tantôt tel autre. » (Idem, page 956)

Mais, au sortir de l’expérience qu’il vient tout juste de vivre, nous le voyons soudainement hésiter :
« Je vais tenter d’expliquer maintenant la persistance des affects chez Mme v. N… ; elle tient, sans contredit, à sa constitution héréditaire. » (Idem, page 956)

Soulignons que nous nous trouvons, avec Sigmund Freud, en présence du facteur quantitatif, c’est-à-dire de l’une des premières notions introduites par lui dans la question de l’origine des symptômes hystériques… À ce moment précis, il place ce facteur dans le champ de l’hérédité : c’est incontestable. Et c’est plutôt prudent… Mais, pour notre part, nous ne pouvons pas oublier ce qu’il a écrit quelques pages plus haut, et précisément à propos de cette « persistance » qui conditionne, entre autres, celle des phobies :
« Je pense en outre que tous ces facteurs psychiques expliquent le choix mais non la persistance des phobies. Pour cette dernière, il convient d’ajouter un facteur névrotique, le fait que la malade vivait depuis des années dans la continence, cause la plus fréquente d’une tendance à l’angoisse.  » (Idem, pages 939-940)

Il y a donc un pas à franchir. Mais en comprenons-nous vraiment la nature ? Evidemment, Sigmund Freud ne pouvait lui-même que s’arrêter devant cette question plus que troublante.

NB. Pour comprendre comment ce travail s'inscrit dans une problématique générale de lutte des classes...
https://freudlacanpsy.wordpress.com/a-propos/


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