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Accueil du site > Tribune Libre > Aidons Katmandou et les Népalais

Aidons Katmandou et les Népalais

Au bistro de la toile...

- Je suis en deuil, Loulle

 

- Oh ! De qui Victor ? Dis-nous ?

 

- En deuil de Katmandou. En deuil d'un pays, d'une ville, d'un peuple fascinant. Un autre monde. Les maisons de bois sculptées en dentelles. Les palais. Les temples aux toits en pagode, ornés de motifs dingues, avec toutes sortes d’histoires de cul merveilleuses gravées dans le bois...

Le bruit des cloches aux pieds de chaque temple. Pleins de cloches que tu fais sonner, comme les Népalais, en guise de prières. Les Népalais, petits, avec leur futal serré sur les mollets et bouffant aux couilles, leur petit calot posé sur le côté. Leur sourire... Leur gentillesse.

Le marché. Des amoncellements de fruits, de tissus de défonce, d’étranges objets, de tresses rouges, noires, de gros légumes, de plants de ganga séchés, de blocs d’encens. Nanda, le taureau sacré, gigantesque, noir, avec une bosse énorme et une paire de couilles à te rendre modeste. Il avance paisible à travers la foule. Bouffe une banane à l’étal d’un marchand et continu.

Les sherpas qui descendent de la montagne. Jambes nues, en trimbalant tout leur bordel dans des couffins de jute qu’ils portent dans le dos, accroché à une sangle qui leur passe sur le front. Claudicants, sautillants...

Le masque effrayant de Beyrab. En or. Énorme. Avec des prunelles de feu et des dents acérées... Représentation de Kali la noire...

Et la fantastique fête de la Déesse Vivante à Katmandou... Des milliers et des milliers de mecs, de femmes agglutinés sur les marches en pyramide des temples de la ville. Ces temples maintenant écroulés... Les chars colossaux. En bois massif. Plusieurs fois centenaires. Ils parcourent la ville, tirés par des centaines de népalais. Grinçants, cahotants sur leurs grosses roues pleines, en bois. Á l’intérieur, dans une bonbonnière de soieries éclatantes et de pierreries étincelantes, la Déesse vivante. Petite merveille de grâce, de beauté juvénile, de pureté. Somptueusement habillée d’or, d’azur et de pourpre. Les Népalais qui psalmodient, qui se pressent pour voir la Déesse de près. Qui s’emplissent les yeux, puis se voilent la face, comme éblouis par tant de beauté... Tous les temples, toutes les statues ornées de fleurs, enduites de beurre, peintes avec des poudres sacrées. Le combat de Ganesh, le dieu éléphant, avec les esprits néfastes devant la statue de Shiva... Nanda, notre pote Nanda le taureau qui déambule dans la foule qui s’écarte sur son passage. Seul. Énorme...

Et le temple des singes  ! Faut d’abord traverser la rivière, là où ils font cramer les calanchés. En ce moment, les bûchers brûlent, brûlent... Puis tu crapahutes un peu, tranquille, sur un chemin étroit qui te mène à un petit village habité par des tibétains. Et le petit marchand de gnôle de fruits  ! Parfumée qu’elle en peut plus. Puis tu attaques la montée vers le temple, à travers les arbres. Il y a plein de singes qui te montrent leur cul rouge ! Tu vois le stupa qui te regarde d’en haut. Et ça grimpe, merde...

 

- Tu ne nous avais jamais raconté ça Victor !

 

- C'est un de mes jardins secrets.

 

- Continue.

 

- Tu arrives enfin en haut, sur l’esplanade du temple. Au milieu, le stupa. C'est une sorte de tour. Énorme. Avec quatre yeux sur quatre faces, qui regardent les horizons. Il est tombé celui-là. Écroulé sur lui-même. Tout autour, plein de moulins à prières. Des espèces de cylindres verticaux qui tournent en grinçant autour d’un axe. Tu fais le tour par la gauche, en laissant traîner ta pogne qui fait tourner tous les cylindres. Á chaque coup, c’est une prière  ! Pas à te casser le trognon. La mécanique au service de la bondieuserie 

Au nord, en direction des grandes chaînes de l’Himalaya, il y a la pagode qui abrite un énorme Bouddha. En or. Á ses pieds, pleins de lamas tibétains avec la boule à zéro, mais avec la robe grenat foncé, pas safran comme les autres bonzes. Faut dire que ceux-là, c’est les kakous de la profession  ! Des pros. Les mecs du Grand Véhicule comme ils disent. Pas ceux du Petit Véhicule. Faut pas confondre. Directement en prise avec le Nirvana les mecs. Suppression des intermédiaires. Toute la journée ils chantent des psaumes, des espèces de litanies monocordes, en tibétain.

Á une certaine phrase, il y en a un – un gros balaise - qui balance un grand coup sur un gong de deux mètres de haut. Le bruit que ça fait  ! Bas, sombre, vibrant longuement. Ça te pénètre la viande, t’aiguise les nerfs. Il redouble, il tape encore, en augmentant le rythme. Puis il s’arrête et il y a trois autres lamas qui embouchent de longues trompettes noires, longues, fines, droites. Le bout, avec un petit pavillon recourbé vers le haut, est posé par terre. Et ils soufflent les mecs ! Longtemps, longtemps… Ça résonne dans la pagode, ça résonne jusque dans la vallée que tu vois en bas... Le pied ! T’oses pas les déranger ces mecs-là. Ils planent trop haut pour nous. D’ailleurs ils ne nous voient même pas. On peut s’asseoir à côté, tomber le chiloum, ils s’en foutent... Et au loin, l’œil du stupa tourné vers le nord-ouest regarde la grande chaîne des Annapurnas. Écrasante de blancheur verticale taquinant des abîmes de ciel. Fantastique. Mais faut qu’il fasse beau. Émergeant de la brume, on dirait une escadre de grandes frégates blanches, toutes voiles déployées, cinglant vers l’éternité.

 

- ...teng ! Le pied Victor.

 

- Maintenant tout est en partie détruit. Ce peuple souffre. Ces gens pleurent. Mais ce pays est éternel. Il en a vu d'autres. Il se relèvera. Comme il relèvera ses temples, ses stupas. Allez, Loulle ! Mets-nous une tournée. Pour oublier...

 

- Et comment on peut les aider ces gens ?

 

- En faisant un don, tè, par exemple le prix d'une tournée générale chacun, ici :

http://karuna-shechen.org/news/help-earthquake-victims-in-nepal/

 

Illustration : merci à Chimulus


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12 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 28 avril 2015 17:10

    TIBET….07/10/1950 : 84 000 soldats de l’armée de libération chinoise pénètrent au Tibet…..26/10/1951 : L’armée populaire de libération entre à Lhassa : la Tibet est entièrement envahi….Nuit du 16-17/03/1959 : Les Tibétains encerclent le Potala pour empêcher la sortie du dalaï-lama. Les Chinois tirent sur la foule….17/03/1959 : Fuite de dalaï-lama vers l’Inde, suivi par la suite de 100 000 Tibétains….18-22/03/1959 : Violentes émeutes à Lhassa, répression sanglante des autorités chinoise….01/09/1965 : Intégration administrative officielle du Tibet à la Chine….1966-76 : Révolution culturelle (dévastation de 6000 monastères, incendie de bibliothèques, pillage des temples et des trésors religieux, répression sans merci, exécutions sommaires)….01/10/1987 : Révolte des Tibétains, réprimée violemment par les chinois devant des touristes étrangers. Les troubles persistent pendant plusieurs jours….1992 : Pékin déclare le Tibet : « Zone économique spéciale »….Destruction accélérée de Lhassa….Transfert massif de colons chinois pour siniser le Tibet….Avec l’annexion du Tibet, la Chine est maintenant limitrophe de l’Inde, les moyens de pression sont donc doubles puisqu’elle s’assure, en plus de se garantir d’une éventuelle attaque surprise via le Tibet, de l’impossibilité d’une alliance entre l’Inde et le Tibet….En annexant la Tibet, la Chine s’assure donc une nouvelle protection (géographique et psychologique) plus efficace contre les attaques extérieures et, par le même biais, elle se construit un territoire clos, ceinturé, inaccessible qui lui procure une certaine intouchabilité….Le sous-sol tibétain est également extrêmement riche en minéraux, dont le cuivre, l’uranium, le chrome, le tungstène, l’or, l’argent, le plomb, le lithium, le borax ou encore le soufre. Récemment, en 1999, après 8 années de recherche, les Chinois ont même découvert un premier gisement important de pétrole et de gaz dans le bassin de Luenpela, à 6000 m d’altitude qui constitue une véritable manne pour les autorités de Pékin….Une petite partie de l’histoire de ce pays… !


    • sirocco sirocco 29 avril 2015 01:13

      @Le p’tit Charles

      Quel est le rapport avec le séisme qui a frappé le Népal ?


    • Le p’tit Charles 29 avril 2015 07:45

      @sirocco.....C’est le Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste unifié),qui est au pouvoir dans ce pays...Vous ne voyez pas le lien.. ?


    • sirocco sirocco 29 avril 2015 12:13

      @Le p’tit Charles

      Non.


    • Jean 28 avril 2015 18:05

      soyez honnète Victor, pas d’immigrés par bateau et pas non plus par médias.


      • bakerstreet bakerstreet 28 avril 2015 19:05

        Je me souviens m’être assis sur la tête d’un des deux bouddha géant de la vallée de Bamyan, en afghanistan en 75, et avoir fumé un joint en regardant au loin la silhouette du fort rouge de genghis Kahn.

        Est ce pour ça que je n’ai pas vu les soviétiques arriver sur leurs chars. 

        Et puis fumé un autre joint avec un saddhu sur les marches d’un temple de durbar square, à Kathmandu, des godasses ferrés aux pieds. 
        Il n’y avait pas moyen de s’acheter des godasses dignes de ce nom pour faire un trekking à cette époque. 
        Sans guide, avec une diahrée tenace, buvant l’eau des torrents
        un mois passé à ne plus savoir où j’étais, mangeant le soir chez les népalais de rencontre, et toujours glissant sur les rochers à cause de ces foutues godasses ferrées 
        « good shoes », m’avait assuré le vendeur.
        Je ne reconnais pas le népal de cette époque quand je regarde les photos, d’avant la catastrophe je veux dire. Si occidentalisé. Maintenant cette monstruosité qui m’arrache encore un peu plus des pans de mémoire. Je pense parfois pour me consoler à ce mois passé dans une cabane sur les pentes de l’Himalaya, à vivre comme Thoreau.
        Je vous parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaitre. 

        On allait dans ces pays là par la route, sauf NY bien sûr, 
        quoique j’aurais tant voulu y aller par bateau

        Avant que les twin towers ne tombent......

        Tout se fissure étrangement.
        Regarder sur quoi on monte, on se hisse. Ne pas faire confiance aux civilisations, aux millénaires, à ces géants qui ont depuis des millénaires la tête dans les nuages. 
        Tout est mortel, si fragile.
        Babylone, ses twin towers, et Kathmandu.
         Ce monde de pierre et de béton, de cataclysme et de démons, n’est qu’un décor en carton pâte, où nous dansons comme des poux sur la chevelure des dieux. 
        Il faudrait avoir le troisième oeil du bouddha pour voir au delà des apparences.
        Mais voilà longtemps que je ne fume plus, 
        et je me fais du souci pour la tour eiffel



        • VICTOR Ayoli VICTOR 29 avril 2015 10:15

          @bakerstreet
          « Tashi delek ! » collègue ! Moi j’ai dormi dans la crypte qui était sous les géants de Bamyan ! Et j’ai aussi trainé mes tongs et tiré le chiloum avec les sadhous de la place Durbar qui est semble-t-il détruite... C’était dans les années 67, 68, 69...

          Namasté !


        • Gabriel Gabriel 29 avril 2015 09:30

          Tout une époque, il tourne encore dans ma tête le chant du vent giflant les longues suite de chiffons multicolores, poèmes adressés aux dieux himalayens, la gémissante crécelle des moulins à prière et le Om maṇi padme hūm vibration universelle me clouant l’âme sur le cœur.Il est des lieux éternels à l’abri de la folie des homme où le temps n’a aucune prise. C’était ailleurs dans une autre vie. La terre c’est mise en colère au mauvais endroit ou, peut -être était ce pour s’épouiller de ses touristes pollueurs qui viennent souiller les montagnes de leurs déchets occidentaux... Merci Victor. 


          • VICTOR Ayoli VICTOR 29 avril 2015 10:18

            @Gabriel
            Namasté ! On est quelques-uns je vois, à avoir suivi « les chemins de Katmandou » (voir plus haut bakerstreet !)


          • bakerstreet bakerstreet 29 avril 2015 12:43

            @VICTOR, mister tambourine man


            J’ai maintenant l’impression qu’il y a un siècle de ça. 
            Des routes se sont ouvertes, d’autres se sont refermées. 
            Comme des mouvements de rides sur un visage. 
            Plus qu’en regardant les photos, c’est en écartant les doigts, en laissant passer le vent
            Qu’on retrouve un peu des émotions d’alors, sans tablette dans la tête

          • Phalanx Phalanx 29 avril 2015 14:22

            Le Durbar Square faisait aussi un peu parti de notre histoire, des générations de Hippies et d’aventuriers s’y sont croisés. J’ai du mal à croire qu’il n’existe plus.

             
            Attention, y’a pas mal d’histoires glauques autour du traitement de la (les) Kumari, la dernière fois que je l’ai vu, elle avait l’air un peu blasée ... en même temps pour une déesse c’est normale j’imagine. 

            C’est triste. Puis les népalais sont assez sympas.

            Dans ma méchanceté inhérente (on se refait pas), j’espère que les routes que ces tocards s’efforçaient de faire rentrer toujours plus profond dans le massif himalayen ont été détruites. 

            • bakerstreet bakerstreet 29 avril 2015 17:31

              @Phalanx

              Les népalais considéraient que les hautes sommets étaient sacrés, et voir les alpinistes monter étaient pour eux comme un sacrilège. 
              Avec la temps et le business bien sûr, ils ont appris à fermer leur gueule et à ramasser les tonnes de détritus. 
              Finalement, l’exotisme se trouve maintenant bien plus en suisse normande que dans ces tours operator, où tout est calibré, comme dans les croisières paquet.

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