Jésus, 2007 ans après...
Tel est, à un mot près, le titre de l’émission « C dans l’air » du 27 décembre dernier. Emission étonnante qui n’est pas sans rappeler le fameux concile de Nicée qui vit, en l’an 325, les évêques se déchirer sur la question de la divinité de Jésus. L’émission de Yves Calvi aurait-elle eu l’ambition de relancer ce débat millénaire en privilégiant, me semble-t-il, la thèse arienne que le concile condamna ? On aurait pu le croire tant la recherche du consensus était évidente entre les principaux intervenants pour reconnaître en Jésus un être certes d’exception, mais un homme. Il n’en reste pas moins que ce débat paraît tout aussi surréaliste que celui de Nicée car portant sur un homme sur lequel, curieusement, la question de son existence et de son apparition dans l’Histoire n’est plus guère débattue sauf par votre serviteur.
Ce n’est pas le premier article que je publie sur le sujet. A défaut de contre-arguments, les critiques ont été nombreuses sur ma méthode et, pourtant, celle-ci n’a rien de mystérieux. A la critique systématique des sources, à cette tendance à la négation, à cette envie de simplification et de déconstruction absurdes, je préfère le document brut sur lequel tout un chacun peut s’interroger. C’est ainsi que j’ai posé une question sur un christ Cleopas qui fait l’offrande des prépuces dans les fresques de Gourdon. C’est ainsi que je renouvelle ma question sur un Jésus qui, à Perrecy-les-Forges, meurt non pas sur la croix, mais sous le couteau des druides.
Sur le tympan de la vieille église de Perrecy-les-Forges, en Saône-et-Loire, celui que nous appelerons Gésocribate marche dans le ciel, suivi de ses fidèles. Ces hommes sont purs, la vertu les habille. Ils ont revêtu pour la circonstance la robe blanche de cérémonie et peigné avec soin leur longue chevelure comme s’ils allaient rendre visite à “Quelqu’un”. La route qu’ils ont parcourue est longue et sa pente abrupte. Ils ont marché tout le jour sans faire ni halte ni pause ; et voilà que la nuit tombe lorsqu’ils arrivent enfin aux frontières de l’autre monde. Leurs yeux se ferment malgré eux et le sommeil s’empare de leur corps engourdi par la fatigue. Oui ! Ces hommes qui portent derrière la tête l’auréole de l’alliance divine, signe de pureté, se préparent au sommeil. Ils ont parcouru la première étape de leur long voyage, la plus dure peut-être, celle qui leur a fait traverser les déserts astraux qui séparent le monde d’en bas de celui d’en haut. Quand ils ont aperçu la première végétation du ciel, ils ont crié : « Ciel ! » Et ils ont fait halte pour la nuit dans une petite oasis céleste.
Ils ont placé toute leur foi et toute leur confiance dans Celui qui les conduit : Gésocribate. Car ils ignorent tout du ciel et, sans lui, ils seraient perdus. Lui seul en connaît les dangers et les embûches. Sans lui, comment auraient-ils pu échapper aux monstres qui chassent sans cesse dans les déserts du ciel et qui dévorent sans pitié ceux qui s’égarent ?
Demain, au lever du jour, il faudra reprendre la marche en direction du sanctuaire divin. Si tout se passe bien, ils pourront, la nuit prochaine, pénétrer enfin dans l’oppidum céleste sacré. Derrière les murailles divines, ils seront à l’abri, définitivement à l’abri ; et ils n’auront plus rien à craindre des monstres qui rôdent dans le désert.
Gésocribate ne dormira pas cette nuit. Il lui faut préparer l’étape du lendemain. Il est comme le chef d’une troupe ; pendant que les hommes se reposent, il pense à la marche du jour suivant. Et il dit à ses hommes : « Ne craignez pas ! Ayez confiance en moi, dormez ! » De ses deux doigts dressés, il leur rappelle le signe du Dieu aux deux visages et, dans la main gauche, il tient la palme du martyr.
Pendant que ses fidèles dorment, sous la protection de l’ange, Gésocribate veille, car demain il lui faudra faire ouvrir la porte de l’oppidum céleste. Depuis la plus Haute Antiquité, on sait que la porte du sanctuaire ne s’ouvre qu’à une condition : qu’il y ait sacrifice sur l’autel de Dieu et que le sacrifice soit agréé par la Divinité. Dieu n’accueille l’homme et ne l’accepte dans sa demeure qu’à cette condition.
Au lever du jour, Gésocribate, auréolé de la croix celte, a repris le chemin. Venu à sa rencontre, un personnage plein de douceur et de persuasion l’accueille et lui montre la direction à suivre. Cet homme est de petite taille ; cela signifie qu’il s’agit d’un personnage subalterne, un serviteur. Les disciples marchent derrière Gésocribate, reposés et pleins d’espérance. Dans leurs mains tremblantes d’émotion, ils tiennent précieusement le livre de leur vie.
Voilà le grand ordonnateur de la cérémonie qui s’approche de Gésocribate et qui lui explique le processus à suivre pour faire ouvrir la porte de l’oppidum. Gésocribate est conduit sur les lieux sacrificiels. Il semble qu’on soit revenu sur terre ; à l’exception de Gésocribate, les personnages n’ont pas d’auréole. Représentant les différents membres du clergé druidique qui vont exécuter le sacrifice suivant le rite consacré, ils portent les symboles de leur fonction. Le premier, la massue sur l’épaule, frappera sans doute sur le gong pour donner le signal de l’immolation comme le fait Teutatès quand, après avoir envoyé sa foudre mortelle sur la terre, il fait vibrer le tonnerre du ciel. Au troisième reviendra le soin d’allumer le bûcher funéraire. La chevelure en feu, il porte à la main gauche la torche flamboyante et dans la droite la lanterne des morts, image possible de la porte du ciel. Le second personnage semble avoir perdu ses attributs - des vandales l’ont mutilé. Devant, guidant la victime consentante, l’ordonnateur de la cérémonie, très persuasif et amical, conduit le cortège.
Nous voilà maintenant sur les lieux du sacrifice. Le sacrificateur divin, grandi par son rôle sacré, lève le coutelas avec lequel il va frapper Gésocribate par le travers du dos, suivant l’usage que rapporte Diodore de Sicile. En guise d’introduction préliminaire, il exécute une danse rituelle, pendant que sa victime, toujours encouragée par l’ordonnateur de la cérémonie, se prépare à la mort.
Au chapiteau suivant, le sacrifice a été consommé. Nous voici de nouveau dans le ciel. La troupe a repris la route derrière Gésocribate sacrifié. Précédant le cortège, les guides célestes, dont le portier porteur de la clé, vont conduire les élus dans l’oppidum divin (je suppose qu’il s’agit d’une clé).
En haut du ciel, à la partie supérieure du tympan, dans sa mandorle cosmique, Dieu trône.
E. Mourey
Extrait de mon Histoire du Christ, tome I, chapitre 3.
Les croquis et les photos sont de l’auteur.
Notes : Au Ier siècle avant J.-C., Strabon écrit qu’en Gaule, on tuait les victimes à coups de flèches, ou bien on les crucifiait dans les temples. Diodore de Sicile affirme que lorsqu’il s’agissait de délibérer sur une chose importante, les druides immolaient un homme en le frappant avec un coutelas par le travers du dos. Après qu’il fut tombé, ils pronostiquaient l’avenir en observant les palpitations de ses membres et l’écoulement de son sang. Pomponius Méla précise que, de son temps, on s’abstenait en Gaule d’immoler des hommes, mais qu’on ne refusait cependant pas ceux qui se dévouaient. On sait par Origène qui le réfutait que pour Celse, il y avait beaucoup de rapports et de conformité entre la religion des juifs et celle des druides. Mais c’est le poète Lucain qui nous donne la clé de notre histoire. Les Gaulois, écrit-il, ne veulent aller ni dans les tristes royaumes du dieu des profondeurs, ni dans les silencieux séjours de l’Erèbe. Ils disent que le corps-âme vit dans l’autre monde (orbe alio).
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