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Quand le vin est titré…

La foire aux vins oubliés

Un rouleau trente-trois cuvait son vin au fond d'une cave en se demandant pour quelle raison, il demeurait là, oublié de tous, à se couvrir de poussière. Sa destinée, du moins se l'imaginait-il, était de s'ouvrir sur une grande table, d'honorer d'illustres gosiers avant que de quitter ce monde dans un conteneur à verres, après un passage sur terre sans tâche.

Il ignorait le malheureux tous les lourds handicaps dont il était porteur, à l'insu de son plein gré, lui qui jamais n'envisageait de tomber dans une chopine. En tout premier lieu, il était fort mal né ce qui en matière de vin ne vous place pas en odeur de sainteté ni même d'ébriété. Pensez donc, il venait d'un territoire qui ne figurait pas sur les cartes des vins de notre belle France.

Un amoureux de la vigne avait osé briser le tabou septentrional, misant sur le dérèglement climatique pour planter de la vigne dans une région oubliée par Bacchus. Pire encore, l'aventurier de la vinification avait retrouvé des cépages oubliés, marqués du sceau de l'infamie lors des décrets honteux de 1936 quand nos parlementaires burent le calice de l'agro-industrie jusqu'à la lie.

Ne disposant d'aucune marque distinctive, il avait espéré que son élevage dans les règles de l'agriculture biologique et de la biodynamie allait séduire les puristes et les buveurs soucieux de leur santé. Hélas, mille fois hélas, l'usage intempestif non d'un bouchon en plastique mais pire encore d'une modeste et navrante capsule à vis faisait dire derrière son dos qu'il avait mal tourné.

Pour corser l'affaire, son éleveur en matière graphique avait fort mauvais goût. Son étiquette purement informative et ne disposant d'aucune indication glorieuse n'avait rien d'attrayante. L'homme par souci d'économie avait opté pour une impression en noir et blanc sans ces couleurs tapageuses qui font la gloire des vins aguicheurs.

Pire, l'absence de jeux de mots, de dessins affriolants ou tendancieux, la seule indication des informations légales au-dessous d'un nom qui n'avait rien de racoleur le condamnait à croupir dans les casiers oubliés des caves à vin. C'est là qu'il se morfondait depuis un temps qui lui paraissait interminable tandis qu'il se bonifiait sans même le savoir…

Il fallut non pas un concours de circonstances mais une foire aux vins oubliés pour qu'il retrouve la lumière. Un spécialiste de la chose, un œnologue qui savait boire les yeux fermés sans le moindre préjugé, avait lancé cette opération de l'ultime chance pour lui et ses collègues abandonnés. La foire aux pinards dans le coaltar.

L’appellation, quoique largement incontrôlée fut perçue par les spécialistes de la communication comme poussant le bouchon trop loin. C'était le but recherché et ce fut un immense succès populaire. Il y eut foule et plus encore, pléthore de candidats pour figurer dans le jury des dégustateurs éclairés. Pour cela, il ne fallait appartenir à aucun club de dégustation, être parfaitement ignorant du lexique approprié et disposer de quelques marques faciales attestant d'une gourmandise certaine.

Ce fut l'occasion pour notre bouteille de sortir du lot la tête haute et de se retrouver avec une belle étiquette ronde sur le goulot. Elle arborait fièrement la médaille en chocolat du Pinard dans le coaltar, la récompense suprême de cette foire aux vins oubliés. Ce fut le coup de pouce qui manquait à son viticulteur pour doubler ses prix et écouler toute sa production.

Quand le vin est titré, même si le titre en question est pompeux, il faut le boire et surtout l'acheter pour afficher cette belle récompense. Pour un livre, un bandeau rouge fait aussi l'affaire. Il se murmure même qu'il existe désormais des chaînes de magasins élues meilleure enseigne de l'année dans leur spécialité et ça suffit à attirer les gogos. Le jugement des autres semble être supérieur à celui que l'on serait en droit de se faire soi-même, si on ne nous avait pas convaincu que nous n'avions plus jamais notre mot à dire dans quelque domaine que ce fût !

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2 réactions à cet article    


  • Rinbeau Rinbeau 20 avril 14:22

    Le jugement des autres semble être supérieur à celui que l’on serait en droit de se faire soi-même, si on ne nous avait pas convaincu que nous n’avions plus jamais notre mot à dire dans quelque domaine que ce fût !

    Ha bon ?



    DE L’OPINION 

     

    Petit sondage maléfique,

    On te libère de ta cage,

    Dès lors qu’on a besoin d’un mage,

    Illusionniste en statistique

    Pour campagnes électorales.

    Les unes éditoriales

    Te présentent un peu volage

    Bien sûr ! Mais pas prostitué !

    Dès qu’on t’achète institué

    Comme indéfectible présage,

    On commente tes résultats,

    On en tire des postulats !

    Comment es-tu constitué ?

    On ne le sait ! Tour de passe-passe

    Tu dois influencer la masse !

    Il faut nous y habituer !

    Tu nous proposes un classement

    Même si l’on sait que tu mens.

    Alors tout ce qui t’embarrasse

    Disparaît de nos paysages.

    Tes chiffres et tes pourcentages

    Il faudrait tous qu’on les embrasse.

    Voudrait-on me dire de la sorte

    Pour qui faudrait-il que je vote ?

    J’invite quels que soient les âges

    Jeunes ou vieux, même en tombes

    Et malgré ce que l’urne incombe,

    A n’honorer tous les sondages

    Que d’une main un peu rebelle.

    Jetez les tous à la poubelle !

     

    Un abusé… désabusé !

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