En rase campagne
En direct des quartiers généraux des belligérants ...
Les troupes fourbissent leurs armes.
Mais que se passe-t-il dans notre bonne ville comme certainement dans toutes celles de sa taille ou plus importantes encore ? La douce quiétude de la Loire semble ne plus avoir d'influence sur le climat délétère qui s'installe entre les différents clans d'une société, pas aussi urbaine qu'on pourrait le penser. Les belligérants d'une bataille sans pitié vont s'affronter dans un combat sans merci, qu'ils osent prétendre électoral et républicain.
Je doute que se déroulent ici les habituelles joutes verbales que la sage civilisation grecque nous aurait transmises. L'Agora a laissé sa place à un champ de foire dont sortiront, primées, des bêtes à cornes particulièrement vindicatives. Désormais, à l’instar des algarades de nos députés et nobles sénateurs, la parole politique ne peut se passer de cris et de noms d'oiseaux, d'insultes et de grossièretés, pour prendre toute sa mesure. Comme la proximité a aussi son charme, les coups bas, tordus, douteux ou répréhensibles ne manquent pas.
Le général en chef met des bâtons dans les roues de ses rivaux, imposant des procédures longues et complexes pour enregistrer les listes adverses. L'autre troupe officielle, celle qui aspire à participer à la bataille finale, revêt un uniforme seyant pour aller arpenter le terrain à la manière des éclaireurs indiens. Leur belle tunique blanche ne porte pas encore la noirceur des desseins à venir. Nous devons nous extasier devant ces joutes promises aux deux seules grosses armadas.
Car nul ne peut se bercer d'illusion. La bataille laissera des victimes sur le champ de bataille. Pour s'en convaincre et ne pas tromper les pauvres électeurs, pris au piège de cette farce guerrière ; les guerres Picrocholines qui vont se tenir ici, s’organisent dans l'ordre et la discipline. Il n'est qu'à écouter ceux que nous prenions pour des élus responsables, annoncer à grand renfort de publicité, l’ouverture de leurs quartiers généraux.
Ainsi donc, ces gens d'apparence pacifique vont ouvrir le feu pour gagner la forteresse municipale. Le discours et le vocabulaire appartiennent clairement au lexique martial. J'aurais imaginé une maison des élections, une permanence de propositions et d'actions, une cellule d'écoute et d'initiatives. Que nenni ! Il faut un quartier général à nos maréchaux d'empire ….
Comme l'argent est, nous dit-on, le nerf de la guerre, le citoyen exaspéré pourrait encore s'interroger sur l'origine des fonds secrets permettant de telles fantaisies, s'il avait encore voix au chapitre. Mais voilà bien des questions interdites. Payons, votons éventuellement et surtout ne venons pas fourrer notre nez dans leurs histoires ! `
Nous aurons encore à subir une avalanche de tracts et de professions de foi (curieuse expression dans un tel contexte !) dont le coût ne cesse d'interroger. Nous verrons notre ville défigurée par des affiches dont le seul véritable argument sera de nous exposer la trombine d'un chef de bataillon. Pire, ces magnifiques portraits seront placardés en des endroits interdits pour la plupart, nous signifiant ainsi, de manière particulièrement démonstrative, que la loi ne s'applique pas à ceux qui sont censés la représenter ...
Évidemment, les adversaires en présence ne sont pas tous à armes égales. La guerre moderne suppose une disproportion des armes. Les armées des gros partis disposent de moyens sans commune mesure avec les petites troupes, démunies, des guérillas locales. La conception de la démocratie est ici empreinte des inégalités de l'ancien régime. Normal, le code de la guerre a été établi par les belligérants eux-mêmes qui favorisent toujours la loi du plus fort, la loi de ceux qui ont mis le pied dans les allées du pouvoir.
Le plus incroyable est que toute cette agitation va se faire désormais dans l'indifférence générale de nos concitoyens si peu concernés par ces luttes intestines, qu'ils seront nombreux à ne pas voter. L'abstention est le corollaire de ces années de médiocrité et de magouille, de mensonges et d'abus, de forfaitures et de combines. Mais gare à qui viendrait tenir de tels propos ; il serait taxé de l'ignoble adjectif : populiste, celui qui exonère de toute réponse de fond.
Si tout se passe comme prévu, les joyeuses troupes des deux grandes armées seront présentes au second tour en ne représentant qu'un petit tiers du corps électoral. Cela ne les empêchera nullement de proclamer leur succès et le vainqueur, quel qu'il soit, s'enorgueillira ensuite d'une victoire à la Pyrrhus.
De cette démocratie- là, nous ne voulons plus. Je comprends que des gens se réfugient désormais dans l'abstention ou les votes protestataires. Le spectacle que donnent ceux qui aspirent à prendre la direction de la ville n'est cependant pas de nature à inverser le désamour des gens ordinaires pour la politique. Il serait grand temps de changer toutes les règles d'un jeu qui nous laisse un goût amer dans la bouche …
Pacifiquement vôtre.
Nota Bene :
J'use à dessein de la diatribe qui habituellement fait merveille lors des duels de nos joyeux impétrants en suspens au dessus d'une urne. Je doute qu'ils apprécient qu'on leur propose ce brouet indigeste qui est pourtant notre nourriture quotidienne. J'en veux pour preuve les incidents déplorables qui ont marqué le début des hostilités.
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