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Le cabaret discrépant

Spectacle théâtral et dansé d’Olivia Granville, avec Isidore Isou avec Vincent Dupont et Hubertus Biermann, Olivia Granville, Catherine Legrand, Laurent Pichaud, Pascal Quéneau, Manuel Vallade. Théâtre de la Colline, jusqu’au 16 février (mardi 20h, dimanche 16h, du mercredi au samedi 21h)

Voilà un spectacle jubilatoire. On ne connait rien d’Isidore Isou, et c’est dommage. Après une brève rencontre avec Tristan Tzara (l’aurais-je rêvée ?), il invente le Lettrisme, attitude solitaire s’il en est et universelle tout de même : quitter l'usage des mots, garder les sons, les onomatopées, la musique des lettres. On peut créer ainsi une poésie hors langue : « Kssulve nimvolve parèveulve » (je n’ai pas choisi). Il multiplie les dispositifs créatifs sans jamais les exploiter, à la recherche, peut-être, du plus petit élément. Il a croisé aussi Guy Debord qui rompit avec lui.

Il veut subvertir tout ce qui peut l’être : on a ainsi un strip-tease à l’envers ; un homme arrivé nu s’habille sous nos yeux (renversant).

Le spectacle commence dans le hall. Puis nous montons, bien sages et disciplinés au deuxième étage. Une femme danse sur une galerie technique où l’on n’a jamais vu personne. Au mur, sont scotchés des mots représentants des actions « conduite une voiture lentement » « regarder sa montre bracelet d’un grand geste du bras » (de haute nostalgie !)… petit à petit le jour se fait dans l’esprit non lettrique du spectateur lambda : elle danse tous ces gestes ! Il y a des démonstrations de logique un peu façon pataphysique, avec des symboles mathématiques, des Lettres, quoi. Ma voisine a vu ça chez Lacan, elle le dit tout haut, ça lui a échappé. On est beaucoup avec les autres, du public, là.

C’est le discrépant : tout se passe à la fois, l’espace sonore est saturé, avec des éclats de temps en temps, on « reconnait » on ne peut pas tout suivre. Discordance, émission simultanée de sons, sensations, tapage, cacophonie. Allez, je me lance : doisuenit, plloisedji tarecamant fileuss of.

Et enfin, on entre dans la petite salle. On est venus pour ça tout de même. Une première danse, bien face, qui fait rire parfois. Puis une conférence. Danse élémentaire : des yeux, des cheveux, de la bouche… pendant que la conférencière ou le conférencier nous explique, on voit. On en arrive à une danse sans danseur, la danse du carré scénique : La composition chorégraphique sera étendue par terre comme le corps d’un danseur liquéfié. On nous avait prévenus. Défilent dix-neuf “ballets ciselants”. Je ne les ai pas comptés. Je fais confiance et me laisse embarquer.

Un moment la conférence se casse, les acteurs danseurs viennent discuter assis par terre et demande des questions au public. Une lycéenne parle de Pina Bausch. Han ! puis êtes-vous des acteurs ou des danseurs ? C’est du théâtre ou de la danse ? Quelqu’un demande si dans la perspective d’une danse de l’immobile ainsi qu’on a vu dans un moment liquéfié, l’oreille n’aurait pas dû avoir sa part du gâteau ? la question n’est pas entendue. A côté de l’œil, de la bouche… ah oui !

Bon, j’arrête de raconter. Je parlerai pas du chat dont je me souviendrai bien pourtant. Qu’il soit bien caressé, en coulisse et à la maison. Car il fait des exploits.

Ce cabaret discrépant est goûteux, jouissif et performant. On n’est pas là pour détruire les mots par d’autres mots, mais pour ressusciter le confus dans un confus plus danse, rendre le vague incom préhensible et le saisir par le silence et le rien.

Superbe programme. Bien tenu.


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