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Commentaire de Robin Guilloux

sur A propos de l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie


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Robin Guilloux Robin Guilloux 3 novembre 2022 08:57

@V_Parlier

Il est exact que Dostoïevski avait en vue certaines idées venues d’occident comme le nihilisme et l’esprit révolutionnaire, mais il n’incrimine pas seulement l’occident, mais une certaine veulerie de la génération précédente dans l’éducation ou le manque d’éducation des enfants et en particulier la responsabilité du père de Piotr Stépanovitch Verkhovenski. 

Verkhovenski n’est pas un révolutionnaire, c’est un pervers narcissique, un individu totalement dénué d’affects, totalement indifférent à la souffrance des autres et qui pour cette raison, attire comme un aimant tous les gens autour de lui parce qu’il est celui qui désire le moins (ou pas du tout). Il n’a aucun désir, il fait le mal par indifférence et parfois même le bien. Il n’y a aucune charité, aucune capacité d’aimer en lui et d’une certaine façon, aucun défaut. Et il en souffre parce qu’il manque du manque (ne manquer de rien, c’est manquer du manque disait Lacan) et il finira par se suicider.

C’est la raison pour laquelle je pense pouvoir le comparer à Vladimir Poutine, non en raison de ses idées « nihilistes qui sont celles d’autres personnages du livre comme Shigalov qui a au moins lui, une sensibilité (maladive, exacerbée, »bizarre« , névrotique certes, mais une forme de sensibilité).

Le problème de l’Intelligentsia russe, c’est de s’être pris les idées occidentales (la science, l’athéisme...) sans préparation, directement, violemment. L’occident a eu le temps de »digérer« ces idées et des les tenir à distance, pas la Russie (je parle un peu en bloc, il y aurait des nuances à faire, évidemment). Je ne veux pas dire que les occidentaux sont plus »intelligents« , évidemment. Je veux dire que la phase »bourgeoise« ne s’est pas produite en Russie et que les idées les plus aberrantes, l’idéalisme le plus extrême ont pu se répandre pour aboutir finalement à une bureaucratie impitoyable. »De la liberté la plus extrême, à l’asservissement la plus totale« .

Le drame de la Russie, c’est qu’il n’y a pas de véritable bilan du stalinisme, comme il y a eu en Allemagne un bilan (relatif, je vous le concède, mais quand même) du nazisme, une dénazification à peu près réussie. Il faudrait une improbable psychanalyse collective. La Russie est malade de son passé parce qu’elle ne l’a jamais vraiment analysé et remis en cause.

D’où une réhabilitation du stalinisme par Poutine dans ses discours et aussi dans les livres d’Histoire destinés au enfants. La Russie fonctionne sur le mode de ce que Nietzsche appelle le »ressentiment". Poutine est empli de ressentiment. Il se fait une idée complètement manichéenne de l’Occident, du libéralisme. Il pense qu’il n’y a rien de bon en occident. Nous savons, nous qui y vivons, qu’il y beaucoup de choses critiquables (que Soljenitsyne évoque d’ailleurs dans son discours de Harvard et même Karol Vojtyla), mais il faut nuancer. La liberté est un bien précieux. C’est quand on en est privé qu’on s’en aperçoit.

Poutine n’a pas le sens de la nuance et ce manichéisme est très dangereux parce qu’il est totalitaire par essence. Et puis la possibilité de critiquer peut permettre des changements. Si vous pensez que vous êtes parfait, que l’autre est diabolique, aucun changement n’est possible.


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