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Commentaire de Robin Guilloux

sur Le Droit positif suppose-t-il le Droit naturel ? Commentaire d'un texte de Leo Strauss


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Robin Guilloux Robin Guilloux 7 octobre 2022 23:46

@njama

La référence à Socrate et à Platon me paraît tout à fait pertinente. Il existe aussi un texte de Marcel Proust où il explique que les scrupules de la conscience morale et même esthétique résultent d’une anamnèse, d’une expérience d’une vie avant la vie, de notre incarnation sur cette terre. Notez qu’il n’affirme rien de façon dogmatique. Il se contente de dire que « tout se passe comme si ». Je pense que la notion de « droit naturel » est un peu comme le résultat d’une anamnèse de cet ordre. Je cite ce texte en entier car je le trouve admirable. François Mauriac pensait que Proust n’était pas croyant. Comme s’il suffisait de dire « Dieu » à tout bout de champ pour être croyant (les juifs ne prononcent pas le mot « Dieu »). Il ne faut confondre le signifié et le signifiant. Le signifié excède infiniment le signifiant. Proust était un mystique et il croyait à l’art qui fait le lien entre avec le vrai et le juste : « Le beau est la splendeur du Vrai ».

« Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes les expériences spirites, pas plus que les dogmes religieux, n’apportent la preuve que l’âme subsiste. Ce qu’on peut dire, c’est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure ; il n’y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyons obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l’artiste cultivé à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le petit pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Vermeer. Toutes ces obligations qui n’ont pas leur sanction dans la vie présente semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître sur cette terre, avant peut-être d’y retourner revivre sous l’empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l’enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées - ces lois dont tout travail profond de l’intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement - et encore ! - pour les sots. De sorte que l’idée que Bergotte n’était pas mort à jamais est sans invraisemblance ».

« On l’enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairés, ses livres, disposés trois par trois veillaient comme des anges aux ailes éployés et semblaient, pour celui qui n’était plus, le symbole de sa résurrection ».


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