• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Jules Elysard

sur Le degré Zemmour de la pensée (suite)


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Jules Elysard Jules Elysard 23 décembre 2021 19:25

SUITE DE L’ARTICLE DE MEDIAPART

Défendre ce projet était devenu encombrant pour la nouvelle direction.
Une source au sein de Plon

Auprès de Mediapart, le directeur éditorial de Plon, Grégory Berthier-Saudrais, ne souhaite « ni infirmer ni confirmer l’information » et renvoie vers Céline Thoulouze, l’autre directrice éditoriale (qui vient tout juste d’être nommée directrice générale). D’après elle, l’abandon du projet n’aurait rien à voir avec le licenciement de Thoen. « Salomé Viaud a quitté Plon pour le Seuil. L’auteur de l’enquête l’a tout simplement suivie », justifie-t-elle. 

Sauf que, comme a pu le vérifier Mediapart, l’auteur s’est mis d’accord avec le Seuil dès avril 2021, avant que son éditrice ne rejoigne ce groupe en septembre 2021. « Une fois que j’étais libéré de chez Plon, c’est moi qui ai contacté Le Seuil pour publier mon enquête. Cela n’avait rien à voir avec Salomé », précise par ailleurs Étienne Girard. 

Une autre question se pose aussi : pour quelle raison le journaliste a-t-il pu conserver son avance  ? « Je pense que c’est parce que ce n’était pas grand-chose, il n’y a rien de choquant à cela », avance Céline Thoulouze qui martèle qu’il n’y a ni censure ni autocensure. « C’est plus plaisant de dire qu’on a renoncé à publier cette enquête à cause de pressions venues de Bolloré, mais ce n’est pas le cas, ajoute-t-elle. On est totalement libre de publier ce qu’on veut et jusque-là, personne ne nous a empêchés de le faire. Si je ne pouvais pas être libre de mes publications, je ne serais plus chez Plon, ni chez Editis. »

Des documents entre plusieurs membres de la direction qu’a pu consulter Mediapart montrent pourtant que le lien entre Bolloré et l’abandon du projet est évident. Une source interne confirme : « On ne peut pas parler de censure mais il est vrai que défendre ce projet était devenu encombrant pour la nouvelle direction. » 

Au retour de son congé maternité, Salomé Viaud fait une demande de rupture conventionnelle. Était-ce en lien avec cette affaire  ? Sollicitée par Mediapart, elle n’a pas souhaité répondre précisant être « tenue à la confidentialité ». Elle confirme toutefois avoir décidé de rejoindre le Seuil des semaines après le journaliste : « Au moment où Étienne décide de rejoindre le Seuil, il n’est pas question que j’y aille. J’ai quitté Plon le 19 juillet 2021 et rejoint le Seuil en septembre. » 

L’inquiétude Bolloré également exprimée chez Grasset

Une fois libéré de Plon, et l’enquête déjà bien avancée, Étienne Girard, est approché par d’autres maisons d’édition. Là encore, la menace Bolloré plane sur son projet.

D’après nos informations, Grasset souhaite le faire signer, mais Étienne Girard s’inquiète une nouvelle fois. Pourra-t-il la publier alors que le milliardaire lorgne le groupe Lagardère, propriété de Hachette Éditions dont dépend Grasset  ? « On a en effet discuté de Bolloré mais il lui a été dit qu’il n’y aurait pas de problème. Et que si jamais ça devait poser un problème un jour, ce serait gagnant pour lui. Il pourrait conserver l’avance qu’on lui aurait versée et publier son livre ailleurs en racontant qu’il a été censuré », nous précise un salarié. 

Sollicité pour savoir pourquoi Étienne Girard avait renoncé à publier chez Grasset, le journaliste confirme la teneur de ces échanges et dit avoir « préféré signer au Seuil ». Une autre source interne de la maison n’a en tout cas pas trop de doute sur le motif : « La mainmise éventuelle de Bolloré dans le futur est, sinon la raison, au moins l’une des raisons qui l’ont fait choisir le Seuil. » Et d’ajouter : « On a en effet une parfaite illustration de ce que peut susciter la peur des représailles de Bolloré dans le milieu de l’édition. » 

Le parcours chaotique de cette enquête se termine donc au Seuil. L’auteur est rassuré puisque le milliardaire n’a pas de lien avec la maison d’édition. Le Radicalisé, qui bénéficiera d’une importante couverture médiatique, peut paraître le 28 octobre 2021, quelques jours à peine avant qu’Éric Zemmour n’annonce sa candidature à la présidentielle. 

En octobre dernier, Mediapart documentait justement les inquiétudes au sein du groupe Editis et la crainte que Vincent Bolloré n’impose sa marque politique dans le monde de l’édition comme il le fait dans le champ médiatique, avec CNews ou Europe 1.

Une crainte alimentée par l’arrivée chez Plon de Lise Boëll, éditrice historique de Zemmour, et qui fait désormais l’objet d’une enquête interne après les révélations récentes de Mediapart. Elle s’était notamment « portée garante du bon comportement passé de son adjoint » Mickaël Palvin au moment de son recrutement chez Plon alors que ce dernier avait été licencié pour « faute grave », au terme d’une enquête interne pour harcèlement moral. 

Lors d’une enquête récente sur la mainmise de Bolloré dans l’édition publiée par Politis, des salariés du groupe Editis se voulaient rassurants. « Si un bon livre sur l’empire de Bolloré est proposé, il sera publié », répondait La Découverte, appartenant également au milliardaire. L’expérience chez Plon prouve que la peur a déjà gagné la maison. Une source interne résume : « On voit bien à quoi ça sert les décisions brutales de Bolloré. D’apparence isolées, elles permettent de distiller la peur et in fine, d’empêcher un auteur d’être publié. » 

David Perrotin


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès