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Commentaire de Jules Elysard

sur Le degré Zemmour de la pensée (suite)


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Jules Elysard Jules Elysard 23 décembre 2021 19:25

Pour ne pas froisser Bolloré, les éditions Plon renoncent à publier une enquête sur Zemmour

Avant de paraître au Seuil en octobre, la première biographie non autorisée sur Éric Zemmour du journaliste Étienne Girard devait être publiée chez Plon, propriété de Vincent Bolloré. La direction a préféré renoncer au projet, pourtant déjà signé et en partie rémunéré, par crainte que cela déplaise au milliardaire.

David Perrotin

23 décembre 2021

https://www.mediapart.fr/journal/france/231221/pour-ne-pas-froisser-bollore-les-editions-plon-renoncent-publier-une-enquete-sur-zemmour

 

Pourquoi licencier un humoriste de Canal+, quitte à ternir sa réputation  ? Pourquoi purger la rédaction d’iTélé ou d’Europe 1 dans la douleur, quitte à susciter indignation et vague de soutien contre soi  ? Ce qui se passe chez Plon illustre peut-être l’intérêt de ce genre de décisions brutales prises par Vincent Bolloré. Cela montre comment le licenciement d’un homme peut façonner le climat anxiogène de tout un groupe. Et permettre de préserver les protégés du milliardaire, à l’instar du candidat Éric Zemmour. 

Retour en mai 2020. Étienne Girard, ancien journaliste à Marianne et actuel rédacteur en chef adjoint à L’Express, s’intéresse à Zemmour. Ce dernier n’a pas encore fait part de ses ambitions présidentielles et n’est qu’un polémiste d’extrême droite diffusé quotidiennement sur CNews. Le journaliste souhaite réaliser une bio non autorisée du personnage et choisit de signer un contrat chez Robert Laffont avec Salomé Viaud pour éditrice le 6 mai 2020. Pour suivre son éditrice mutée chez Plon – tout comme Robert Laffont, la maison appartient au groupe Editis, propriété de Bolloré –, Étienne Girard voit son contrat transféré le 4 novembre de la même année. 

Lorsqu’il avait demandé s’il aurait toute la liberté pour enquêter sur lui quitte à évoquer ses liens avec Vincent Bolloré et le rôle joué par ce dernier, on l’avait rassuré chez Plon comme chez Robert Laffont, en affirmant que les maisons étaient totalement libres et qu’Editis n’était pas Canal+. 

Mais en novembre 2020, l’affaire Thoen éclate et vient une nouvelle fois confirmer la brutalité de Vincent Bolloré. L’humoriste de Canal+ se fait licencier après avoir participé à un sketch pour railler les obsessions anti-migrants du présentateur phare de CNews, Pascal Praud. Les signataires d’une pétition pour le soutenir sont inquiétés et plusieurs journalistes sont remerciés. 

Plon résilie son contrat avec le journaliste 

D’après des documents consultés par Mediapart, c’est à cette époque qu’Étienne Girard s’alarme auprès de sa maison d’édition dans la foulée de l’affaire Thoen. À trois reprises, le journaliste souhaite savoir si son enquête sera toujours publiée et avoir confirmation qu’on n’utilisera pas de supposés motifs juridiques pour la censurer.

En décembre, d’abord, il demande des garanties à son éditrice, alors en congé maternité. Loin de le rassurer, la direction de Plon tarde à répondre et fait planer le doute sur la possibilité que son livre puisse être finalement publié. Étienne Girard n’obtient alors de réponse ferme ni de son éditrice, ni de la maison d’édition. Le livre était pourtant signé et attendu à l’automne. « À ce moment-là, je ne me sens pas vraiment rassuré », confirme Étienne Girard. 

À partir de janvier 2021, plus rien ne se passe comme prévu. Le 13 janvier, le journaliste écrit à Salomé Viaud et demande une nouvelle fois la confirmation qu’il a bien une liberté totale d’enquête. Le 17 janvier 2021, nouvelle inquiétude d’Étienne Girard. Lors d’un échange avec son éditrice, il expose une nouvelle fois ses doutes. Sans explication, elle lui suggère de rompre son contrat. Le journaliste reçoit alors une lettre de rupture, qu’il accepte. 

D’après cette lettre d’accord consultée par Mediapart, la décision est donc prise de renoncer à la parution de ce livre. « Ainsi que nous vous en avons informé, nous renonçons à la publication de cet ouvrage, et par conséquent souhaitons résilier notre contrat », peut-on lire dans ce document consulté par Mediapart. Fait exceptionnel, Plon libère l’auteur de son contrat, lui permet de publier son livre dans n’importe quelle autre maison et lui laisse conserver l’avance déjà versée. « Nous vous proposons de conserver, à titre de dédommagement forfaitaire, la somme qui vous a été versée à la signature du contrat », écrit la direction de Plon. 

Auprès de Mediapart, Étienne Girard, qui ne souhaite pas livrer davantage de commentaires, confirme. « Plon m’a en effet libéré de mon contrat. Mais on ne m’a donné aucune raison », explique le journaliste. « Je ne sais pas si c’est parce qu’il n’est pas possible d’écrire sur Zemmour dans une maison appartenant à Bolloré, mais vu le contexte, on peut clairement se demander si ça avait un lien, ajoute-t-il. Cette décision m’a finalement soulagé ». 

 


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