La Décision de Jérusalem : Faits et Allégations
Personne ne conteste que la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, représente une évolution importante de la cause palestinienne. Cette décision représente un abus qui ne peut être ignoré envers les Arabes et les musulmans, et les Palestiniens, surtout bien sûr. Tout examen objectif de cette question indique que la décision représente une erreur stratégique fatale de la part de la politique étrangère américaine.
En principe, toute décision stratégique de cette ampleur doit servir les intérêts des États-Unis en premier lieu, et Israël à en second lieu. Mais cette décision est dans l'intérêt d'Israël principalement et est presque dépourvue de tout intérêt significatif pour le côté américain ! Cela ne surprend personne. Réfutons les dimensions de cette décision de manière calme et rationnelle. En premier lieu, la décision déclenche une nouvelle crise profonde ajoutée aux crises complexes que connaît le Moyen-Orient, et ce n'est pas dans l'intérêt des États-Unis, dont le rôle est devenu limité quant au contrôle des points chauds de la région. Les Etats-Unis n’ont pas de rôle important dans la crise syrienne, ni dans la Libye, et avec cette décision, ils viennent de perdre leur rôle de médiateur « honnête » de paix au Moyen-Orient après avoir choisi de s’aligner au côté israélien en une action sans précédent !
Deuxièmement, la décision représente un brusque changement dans la politique de Washington, qui a duré pendant des décennies, envers le statut de Jérusalem. Tous les présidents américains, depuis l'ancien président Truman, qui a reconnu Israël en tant qu'Etat en 1948, et les présidents suivants, ont évité de reconnaître la souveraineté d'Israël sur Jérusalem, puisque cette question doit être résolue avec d’autres éléments comme les frontières et les réfugiés dans un règlement final négocié entre Israël et les Palestiniens. Mais cette décision a accordé gratuitement à Israël le contrôle total sur la ville de Jérusalem, (Est et Ouest) sans aucun processus de négociation, ce qui représente une véritable perte des efforts des États-Unis dans le processus de paix au cours des dernières décennies !
En troisième lieu, cette décision n'a pas une vision stratégique consciente anticipant l'avenir de la paix. Après avoir mis la charrue devant les bœufs et après avoir décidé du statut de Jérusalem comme capitale d'Israël, il n'y a plus aucun motif qui pousserait Israël à négocier sérieusement pour la paix. Israël a eu tout ce qu’il souhaitait sans négocier. Pourquoi alors négocier et sur quoi ? Et pourquoi ceux qui veulent négocier avec Israël s’attendent-ils à ce qu’il fasse des « concessions » alors qu’il a reçu tout ce qu’il voulait par un instrument officiel de l'Etat dominant les résolution internationales ?!
Le quatrième point est que le moment de la décision constitue un élément étrange difficile à comprendre. On pourrait même dire qu’Israël lui-même ne la souhaitait pas à ce moment. La décision est venue à un moment où les Etats-Unis et Israël cherchent à faire sortir l'Iran de la Syrie, et à avoir le contrôle sur l’influence du « Hezbollah » libanais. Mais contrairement à cela, la décision donne à l'Iran et à ses agents une dose d'oxygène pour la propagande médiatique et politique et l'incitation contre Israël et les intérêts américains dans la région et dans le monde !
Trump a souligné que sa décision était dans l'intérêt des États-Unis, mais n'a rien expliqué, et les observateurs n’ont pas pu comprendre où réside cet intérêt. La décision a complètement gêné les alliés des États-Unis dans la région, et terni l'image de ce pays, et peut-être restauré une ancienne image qui remonte à plusieurs années, lorsque les Etats-Unis étaient perçus comme un ennemi du monde musulman. La décision de Trump a également gaspillé une grande partie de ce qui a été réalisé au cours du Sommet arabo-islamique américain, qui a produit un partenariat solide dans la lutte contre le terrorisme.
Personnellement, je ne suis pas enclin à adopter le point de vue des analyses qui suggèrent que la décision a été prise pour gagner la sympathie du lobby juif dans la bataille juridique menée par Trump à l’intérieur sur les accusations d'avoir des liens avec la Russie au cours de la course électorale. Mais d’autre part, je ne comprends pas la justification avancée par la Maison Blanche selon laquelle la décision contribue à faire avancer le processus de paix ! Personne ne peut prétendre que tous les anciens présidents des États-Unis ont manqué l'occasion de réaliser les intérêts de leur pays à reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, et personne ne peut remettre en question les calculs de toutes ces administrations précédentes, avec leurs experts et cadres et responsables de premier plan, et affirmer que l’administration Trump a conclu ce qu’elles ont manqué à saisir (!)
Le plus probable est que la situation du moment est la seule variable qui a persuadé Trump de la possibilité de gagner des points et de faire son entrée dans l'histoire à travers Israël. Selon les estimations de Trump et de ses conseillers, le moment présent est propice pour prendre cette mesure sans perte significative pour la politique des États-Unis, et non pour réaliser des gains à ce niveau ! Il s’agit là principalement des conditions de la région et des pays arabes qui souffrent d’une part du chaos, de l'agitation, de la violence et de la préoccupation par les crises internes, et d’autre part du souci de faire face aux menaces externes résultant des ambitions expansionnistes des puissances régionales.
Il y a bien sûr, ceux qui exploitent les circonstances et essaient de lancer des accusations à certains pays arabes, en fonction de « rumeurs » et d’allégations de rapports non officiels au sujet de la « normalisation » avec Israël. Ceux qui adoptent ces perceptions ignorent que la décision est tout à fait contraire à ce qu'ils prétendent, et qu’elle n’est dans l'intérêt d'aucun pays arabe !
Qui lit la décision de Jérusalem de cette manière naïve ne perçoit pas le caractère spécial et exceptionnel de la manière dont l’administration Trump gère la politique étrangère américaine. Trump n’est ni Obama ni Clinton, ni Reagan, ni même George Bush Jr. Il s’est retiré ou menacé de se retirer d'un nombre record d'accords internationaux, le plus récent étant le Pacte mondial sur les migrations, et avant, l'accord de Paris sur les changements climatiques, ainsi que l'accord de partenariat à travers l'océan Pacifique, qui a été signé en 2015 par 11 pays dans la région Asie-Pacifique, constituant environ quarante pour cent de l'économie mondiale. En outre, il a menacé de « déchirer » l'accord nucléaire avec l'Iran, et a estimé que l'OTAN est devenue obsolète avant de revenir sur ses propos. Mais sa position sur l'article V de la Charte de l'Alliance, qui stipule que les Etats membres doivent venir à l'aide d’un pays en cas d'exposition à une agression extérieure est toujours ambiguë, ce qui signifie qu'il fuit pratiquement la protection des partenaires atlantiques !
Il s’agit donc des orientations de Trump et de sa personnalité et non des calculs et positions des arabes. Il n'est pas logique que certains continuent de régler des comptes et d’inciter contre certains États arabes et du Golfe et de les tenir pour responsables d'une décision qui n'est pas de leur faute, et qui est difficile à adresser. La situation est difficile et compliquée, et requiert une rationalité politique à même de défendre les intérêts des arabes et des musulmans de la part de ceux qui recherchent leurs intérêts et non ceux qui en font du commerce !!
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