Je ne suis pas un Gilet Jaune, mais je suis aux côtés des Gilets Jaunes
Je ne suis pas un Gilet Jaune, parce que nombre des revendications des Gilets Jaunes me paraissent problématiques ou contradictoires entre elles. Je suis pourtant aux côtés des Gilets Jaunes. Ma position peut sembler paradoxale. Elle est cependant celle de la grande majorité des Français, qui n’ont participé à aucun blocage ni à aucune manifestation depuis deux mois, tout en déclarant comprendre le malaise économique, social, voire sociétal, qu’expriment les Gilets Jaunes.
Cette crise est notamment la conséquence d’un certain mépris de l’aménagement du territoire depuis des années, de l’abandon des zones rurales pour se concentrer et injecter, en vain, des milliards dans des banlieues toujours plus criminogènes. Si nous avons toujours défendu les zones rurales ou « zones périurbaines », cette thématique n’est apparue dans les rédactions de journalistes parisiens que très récemment, laissant celle des « zones sensibles » de côté.
Ne pouvant détailler mesure par mesure les dizaines de revendications économiques et sociales des Gilets Jaunes qui ont été recensées, je dirai simplement que certaines d’entre elles me semblent de bon sens ou de pure équité, alors que d’autres me semblent irréalisables, contradictoires entre elles ou d’inspiration franchement collectiviste.
Néanmoins, on peut aussi comprendre et agréer à de nombreuses aspirations du mouvement des Gilets Jaunes au travers de deux axes majeurs.
L’impératif d’équité et de respect du peuple
Le peuple français a été bafoué par Emmanuel Macron et la triste équipe qui l’entoure.
Je pense aux mesures qui ont servi de détonateur à la crise, à savoir la limitation à 80 km/h de la vitesse sur les routes, l’augmentation du prix du gazole et l’instauration d’un contrôle technique renforcé ou, en termes plus crus, d’un véritable racket destiné à obliger les propriétaires de véhicules diésel à changer de voiture en envoyant leur véhicule à la casse. Cet abaissement de la limitation de vitesse n’a par ailleurs pas permis de sauver de vies, selon les derniers chiffres de la sécurité routière.
Je pense aussi aux « petites phrases » d’Emmanuel Macron ou de son entourage au sujet de ces « Gaulois réfractaires » « qui fument des clopes et qui roulent au diésel » et qui… « ne sont rien. » Que dire également du fait que nombre de députés macronistes n’ont même pas jugé bon d’ouvrir une permanence dans leur circonscription, afin d’être à l’écoute de l’ensemble des citoyens de celle-ci ? Tout ceci a créé un climat justifié de défiance et de rejet envers la personne du Président, envers son gouvernement et envers sa majorité parlementaire, les composantes d’un pouvoir qui montre de plus en plus sa malhonnêteté et son amateurisme.
Ainsi, plusieurs ministres ne cachent même pas l’inutilité du « grand débat national », qu’aucun homme politique ayant encore un avenir n’a souhaité organiser, et dont le pouvoir a d’ores et déjà déclaré que les conclusions seront traitées comme quantité négligeable. Le grand débat, et les débats en général, dans notre démocratie, ont lieu tous les 5 ans et au Parlement durant l’exercice du mandat électif. Il y a également les scandaleuses déclarations de Christophe Castaner et de Marlène Schiappa suivant lesquels, au mépris des notions les plus élémentaires du droit, les manifestants ou les personnes participant à une collecte pour la défense d’un prévenu sont les complices des casseurs ou d’un délinquant présumé. Quand Emmanuel Macron, la veille des manifestations du 12 janvier, déclare que « beaucoup trop de Français ont oublié le sens de l’effort », est-il besoin de préciser qu’il mêle de façon exemplaire le mépris et l’amateurisme, en jetant de l’huile sur le feu de la contestation ?
L’impératif de représentation du peuple et de ses véritables aspirations
C’est peu de dire que l’Assemblée nationale actuelle ne représente pas les Français. C’est une évidence pour ce qui est du nombre de sièges des différents partis politiques, en regard des voix obtenues aux dernières élections législatives. Mais il est à craindre qu’il en irait toujours ainsi même après une dissolution et de nouvelles élections au scrutin majoritaire. Quant à l’application du scrutin proportionnel, elle risquerait d’aboutir à une Assemblée sans aucune majorité possible, tant les divergences entre les partis politiques sont considérables, et de nature à interdire la constitution d’une majorité de gouvernement. Nous risquons donc une impasse institutionnelle durable d’autant plus que, même au-delà des clivages partisans, les Français se rendent bien compte qu’ils ne sont pas représentés. Il n’est que de citer les exemples de l’immigration, du traité de Lisbonne et du mariage homosexuel, pour comprendre que, sur les sujets européens comme sur les sujets dits « sociétaux », une camarilla correspondant aux intérêts de quelques groupes de pression ultra-minoritaires dicte sa loi contre la volonté du peuple.
Devant une telle situation, le soulèvement actuel montre qu’il n’est plus que deux issues possibles : ou bien la violence, ou bien la possibilité pour le peuple de s’exprimer autrement que par la voie des élections présidentielle et législatives. Telle est l’alternative que posent clairement les manifestations de ces dernières semaines – et les Gilets Jaunes, par une forme d’instinct collectif (qui n’est rien d’autre que l’instinct de survie de notre nation), se focalisent de plus en plus sur cette question, qui donne un nouveau souffle au mouvement. Ils ont compris que, si la représentation parlementaire ne transmet plus leurs préoccupations, pour des raisons de mode de scrutin ou, plus profondément, de morcellement du système des partis en de multiples entités contradictoires et irréconciliables, il reste en dernier lieu aux Français, pour faire entendre leur voix, l’instrument du référendum d’initiative citoyenne. Quand une situation est bloquée au point où elle l’est aujourd’hui, la seule solution est de rendre la parole au peuple. Directement. Sur toutes les questions qui conditionnent la vie et l’avenir du pays. A défaut, on se prépare d’effroyables lendemains.
Jean-Paul TISSERAND
Membre du comité directeur du Centre national des indépendants et paysans (CNIP)
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