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Accueil du site > Actualités > Europe > Le scandale du rachat des dettes souveraines

Le scandale du rachat des dettes souveraines

Depuis le printemps 2010, les Etats européens rachètent les dettes souveraines des pays qui n’arrivent plus à se financer sur le marché. Ces programmes sont abusivement appelés des aides aux pays concernés. Il s’agit surtout d’une nouvelle aide scandaleuse aux créanciers de ces pays.

Le précédent de 2008-2009

A l’automne 2008, l’administration Bush avait essayé de faire passer un premier plan de soutien aux banques, qui comportait une large part de rachats d’actifs pourris des institutions financières par l’Etat. C’est la solution la plus simple et la plus indolore pour les banques qui peuvent alors se défaire à bons comptes de créances invendables sur les marchés : on collectivise les pertes. Mieux, ces programmes de rachat ne provoquent en général pas de mise sous tutelle des Etats.

Mais la pression de la population avait provoqué un refus du Congrès qui avait imposé un second plan où les aides étaient davantage composées de recapitalisation des institutions financières en difficulté. La recapitalisation est une solution beaucoup plus radicale puisqu’elle a tendance à liquider les actionnaires des institutions aidées, qui paient alors le plein coût des erreurs passées. Mais surtout, l’Etat obtient contre son aide un mot dans la direction des entreprises.

Curieusement (et c’est à mettre à leur crédit), c’est la voie qui a été plutôt choisie dans les pays anglo-saxons. Elle est sans doute plus juste car elle supprime en partie l’aléa moral qui consiste à aider des entreprises privées à éviter une faillite sans conséquences majeures pour leurs dirigeants ou leurs actionnaires, qui n’avaient donc pas bien fait leur travail. C’est d’ailleurs une critique qui vient souvent des milieux libéraux et qui est parfaitement justifiée.

Nicolas Dupont-Aignan s’était distingué en 2009 en critiquant vivement le plan d’aide de la France aux banques Françaises. Nicolas Sarkozy avait décidé de prêter de l’argent pour les sortir de leur impasse de trésorerie. Mais si cette aide leur coûtait de l’argent, elle n’occasionnait aucune sanction, ni ne permettait au gouvernement d’avoir le moindre mot à dire sur leur gestion. Bref, ce mode d’aide représente une nouvelle forme d’aléa moral pour les institutions financières.

Une aide gratuite pour les banques

Nous sommes dans un cas similaire aujourd’hui avec la crise des dettes souveraines en Europe. En effet, cette crise est au moins autant une crise des banques que des pays en difficulté. La Grèce aurait pu suivre la voie de l’Argentine et faire défaut sur sa dette pour ne pas avoir à se soumettre aux potions absurdes du FMI. Les banques européennes auraient souffert, bien sûr, mais les plans de recapitalisation n’auraient pas été plus coûteux que le FESF.

Et surtout, ils auraient permis aux gouvernements de prendre pied dans le système financier pour le réformer (nouveau Glass Steagall Act, séparant a minima banques de dépôt et banques d’affaires, nouvelles normes prudentielles, réorientation des banques vers l’économie réelle, définanciarisation, réforme des pratiques salariales et des bonus…etc). Aujourd’hui, la voie choisie par l’Europe est outrageusement favorable au secteur bancaire qui est aidé sans en payer le coût.

Ainsi, les Etats européens et le FMI vont ainsi récupérer 220 milliards de créances publiques de la Grèce des créanciers privés, au prix d’une légère contribution (bien inférieure à la décote d’au moins 50% que les marchés indiquent aujourd’hui) et sans la moindre interférence des Etats ou la moindre sanction des dirigeants ou des actionnaires. Il s’agit en fait d’une aide colossale mais totalement gratuite et sans la moindre contrepartie au secteur bancaire.

Car, et il faut le répéter, ces plans d’aide européens sont tout sauf des plans d’aide aux pays concernés. La Grèce est mise sous tutelle et saignée pour lui faire rembourser les engagements que les banques lui ont bien imprudemment accordés. Pire, ces plans sont totalement absurdes car on voit aujourd’hui qu’ils étouffent la croissance (le PIB est en chute libre : -6.9% au dernier trimestre) ce qui compromet tout remboursement. Pire, le risque est transféré aux Etats…

Non seulement cette grande crise n’a pas occasionné de réforme sérieuse du secteur financier. Mais, pire encore, elle renforce encore tous les mécanismes pervers qui y ont abouti, le « too big to fail », l’opacité des marchés (les dark pools) et plus encore l’aléa moral de la finance. Il est temps de se réveiller !


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16 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 30 août 2011 15:24

    Bien d’accord, mais que proposez-vous ?
    Où sont-elles disponibles, ces dettes ? Dans le public.
    Racheter les dettes du public, donc.
    C’est permettre de temporiser, de leur donner moins d’importance, plus de confiance dans leur potentiel de pouvoir les rembourser.
    Je serais curieux d’avoir votre solution.


    • L'enfoiré L’enfoiré 30 août 2011 15:28

      Lecture pour lecture. Un peu d’idées apportées par le passé. sans penser que l’on calquer cela sur aujourd’hui sans amendements. smiley


    • ottomatic 30 août 2011 15:40

      La solution nous vient d’un petit pays : l’Islande !


      Les banquiers, on vous emmerde et on ne remboursera pas cette dette bidon résultat des lois giscard/pompidou/rotschild et autres équivalent dans le monde.

      Nous sommes des milliards à souffrir des abus de quelques milliers de vampires... à 1000 contre un ces gens perdront, il faut juste que les gens comprennent réellement le fonctionnement bancaire..et le raket qui y est associé...

      • L'enfoiré L’enfoiré 30 août 2011 16:01

        Vous êtes-vous demandé comment ils peuvent le réaliser ?
        Si ce n’est pas le cas...


      • Traroth Traroth 31 août 2011 14:11

        @l’enfoiré : cet article date d’avant le référendum islandais. L’avenir a montré que non seulement, l’Islande POUVAIT ne pas payer sa dette, mais qu’en plus, c’était clairement la chose à faire. Il suffit de comparer la situation de l’Islande et de la Grèce en 2011 ! L’Islande s’est très bien relevée de la crise de 2008, merci pour elle, alors que la Grèce n’a fait que s’enfoncer encore et encore !


      • interlibre 30 août 2011 16:12

        Le réveil sera tardif et très difficile.

        Les dégâts seront considérables. (et le sont déjà)
        Heureusement qu’il y a encore des gens comme vous pour donner un peu d’espoir.

        Compte tenu de la manière de faire on peux supposer soit :

        - Qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, qu’ils sont complètement déconnectés de la réalité, qu’ils ont finit par croire à leurs propres conneries, qu’ils sont stupides donc et vénèrent le néo libéralisme comme une religion.

        - Qu’ils veulent récupérer un max de blé avant l’effondrement de leur système ou la régulation. C’est tout aussi stupide car leur caviar ne va pas se servir tout seul.

        - Qu’ils savent très bien ce qu’ils font et veulent provoquer un chaos global. Quid des intérêts a faire cela ? Cela peux sembler conspirationniste (et ça l’est) mais c’est soit ça soit ils sont fous/stupides et je doute qu’ils soient si stupides. D’autre part on sait très bien que les néo libéraux ont plus d’une fois utilisé la destruction pour imposer leur vision des choses et gagner des € à reconstruire. (Théorie du choc)



        • Roosevelt_vs_Keynes 30 août 2011 16:20

          Une crise, ça se résout. Une guerre, ça se gagne.

          Le problème c’est que la majorité des gens se considère en crise.

          Depuis aujourd’hui 30 août 2011, l’Allemagne a un temps d’avance sur nous.


          • Catherine Segurane Catherine Segurane 30 août 2011 19:23

            Le plus scandaleux, c’est que ces dettes auraient pu être rachetées sur le marché, donc à un prix très décoté.


            Ce qui aurait été une façon de prendre les spéculateurs à leur propre jeu et de se désendetter à bon compte. Car racheter une dette, c’est rembourser du capital et non des intérêts. Et la racheter très en dessous de son prix d’émission, c’est une super-façon de se désendetter à bon compte. Tout simplement en utilisant les lois du marché.

            Mais non. Il a fallu que nos petits génies des instances européennes aillent, à nos frais, racheter ces dettes au banque, non pas au prix où elles sont tombées sur le marché, mais à leur valeur d’émission moins epsilon.

            C’est ce qu’ils appellent « faire contribuer le secteur privé au plan de sauvetage de la Grèce ».



            • foufouille foufouille 30 août 2011 20:11

              tout a fait
              les ploutocrates sont coupables


            • sparte sparte 15 septembre 2011 16:47

              Par Catherine Segurane (xxx.xxx.xxx.177) 30 août 19:23  
              e plus scandaleux, c’est que ces dettes auraient pu être rachetées sur le marché, donc à un prix très décoté.
              ____________

              mais non : il n’y a pas le marché secondaire que vous évoquez

              cela vous a déjà été dit

              actuellement les émissions grecques sont couvertes

              il s’agit d’une manipulations anti européenne orchestrée depuis le début de l’été, période pendant laquelle les politiciens français sont en vacances : qu’ont ils dit ? Rien ...

              tout ce que nous avons à faire est de travailler sur les déficits ... et là nous sommes encore plus mal placés que les Grecs !


            • Muriel74 Muriel74 30 août 2011 21:33

              « les médias oublient de dire... » Encore !
              Je fait partie du peuple trompé, qui en plus n’est pas très intéressée et a du mal à comprendre l’économie. Pour tout dire j’ai du mal à intégrer le rachat d’une dette souveraine. Je comprend le mécanisme, l’interêt, mais le but ? Rendre les états de plus en plus dépendants ?
              la BCE vient ce moi-ci, en très peu de temps, de racheter des dettes à l’Italie et à l’Espagne
              http://lupus1.wordpress.com/2011/08/16/monetisation-de-la-dette-europeenne-la-bce-a-rachete-22-milliards-deuros-dobligations/
              @l’auteur : merci pour votre article


            • jean-jacques rousseau 31 août 2011 18:16

              Non ils n’ont pas menti par omission. Toutes les dépêches portent clairement la mention « second marché ». Par exemple :

              « Pour faire face aux “fortes tensions sur les marchés financiers”, le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’acheter des titres de dette privée et souveraine sur le second marché et de s’attaquer aux risques de réapparition des tensions sur la liquidité interbancaire. Enfin, les lignes de swap de change avec les autres grandes banques centrales ont été réactivées. »
               
              Evidemment la désignation « second marché » est impropre ici et constitue un abus du langage destiné à brouiller les pistes. C’est justement dans ce sens qu’il faut l’entendre au vu les caractéristiques de base du « second marché » :

              - engagement minimal de diffusion des titres limité à 10% du capital,
              - information du public limitée aux obligations légales des sociétés faisant publiquement appel à l’épargne, 
              - délai de 3 ans pour amener au niveau de la cote officielle les procédures comptables. 

            • Muriel74 Muriel74 30 août 2011 21:49

              Je n’intègre pas parce que

              http://www.denissto.eu/node/331


              • BA 30 août 2011 21:50
                Du 1er septembre 1963 au 31 août 1973, le Français Pierre-Paul Schweitzer est resté 10 ans directeur général du FMI.

                Du 17 juin 1978 au 15 janvier 1987, le Français Jacques de Larosière est resté 9 ans et demi directeur général du FMI.

                Du 16 janvier 1987 au 14 février 2000, le Français Michel Camdessus est resté 13 ans directeur général du FMI.

                Christine Lagarde sait qu’elle va rester plusieurs années à la tête du FMI. Christine Lagarde sait que, maintenant, elle ne peut pas être virée du jour au lendemain par le président de la République.

                Donc maintenant, elle dit ce qu’elle pense : « En Europe, les banques ont besoin d’une recapitalisation urgente. »

                Mardi 30 août 2011, nous apprenons que l’Institut international des normes comptables s’inquiétait des mensonges et des trucages des banques européennes. Des banques européennes n’utilisent pas les prix de marché pour calculer les dépréciations sur les obligations d’Etat grecques qu’elles détiennent. Mais elles utilisent « un modèle interne de valorisation » ! En clair : elles sous-estiment leurs pertes en mentant effrontément !

                Lisez cet article :

                L’Institut international des normes comptables (IASB) s’inquiète des différentes méthodes utilisées par certaines entreprises européennes pour valoriser et passer des dépréciations sur les titres de dette publique grecque, lit-on dans une lettre de l’IASB mise mardi 30 août sur son site internet.

                Dans un courrier adressé début août à l’Autorité européenne de contrôle des marchés (Esma), l’IASB met en garde les régulateurs contre le recours par certaines entreprises à des méthodes internes de valorisation de la dette publique de la Grèce plutôt que par utilisation des prix de marché.

                L’Institut international des normes comptables ne cite pas nommément les entreprises en question. Mais d’après le Financial Times, qui se réfère à une source ayant eu connaissance du courrier, la lettre de l’IASB vise sur les banques et les compagnies d’assurance, et en particulier BNP Paribas et CNP Assurances.

                « C’est un sujet de grande importance pour nous », écrit dans le courrier Hans Hoogervorst, le président de l’IASB.

                « Parce que ce cas (la dette grecque, NDLR) fait clairement apparaître des applications incohérentes, nous jugeons de porter ce sujet à votre attention », poursuit le responsable.

                Selon le quotidien britannique, les banques et les compagnies d’assurance européennes auraient par conséquent dû passer des provisions et des dépréciations plus importantes sur la dette souveraine grecque lors de la publication de leurs derniers résultats.

                « BNP Paribas a provisionné son exposition sur la Grèce en plein accord avec ses auditeurs et les autorités compétentes, conformément au plan arrêté par l’Union européenne du 21 juillet », a réagi une porte-parole de la banque française.

                CNP Assurances n’a en revanche pas souhaité commenter les observations de l’IASB.

                La banque et l’assureur français ont chacun annoncé des décotes de 21 % sur leurs actifs grecs, comme convenu fin juillet lors du dernier plan d’aide à Athènes, ayant jugé que la dette grecque ne pouvait être évaluée au prix du marché en raison du manque de liquidité des titres grecs.

                Début août, BNP Paribas, qui a passé une charge de 534 millions d’euros sur la Grèce dans ses comptes du deuxième trimestre, a expliqué avoir valorisé ses titres de dette grecque en appliquant un modèle interne de valorisation plutôt qu’en utilisant leurs prix sur le marché, jugés « non représentatifs » par la banque.

                Les établissements financiers qui ont en revanche utilisé les prix du marché, comme Royal Bank of Scotland, ont opté pour des décotes beaucoup plus lourdes, de l’ordre de 50 %.

                Au total, par des méthodes comptables différentes, les banques européennes ont déprécié quelque trois milliards d’euros sur leurs obligations grecques.

                Toutefois, selon les calculs de Citigroup, les banques européennes pourraient encore devoir passer 6,65 milliards d’euros sur la Grèce.



                • RogerTroutman RogerTroutman 31 août 2011 04:11

                  Le scandale du rachat des dettes grecque, espagnole, irlandaise et portugaise par la BCE c’est le scandale de la privatisation de la création monétaire. La Fed et le Treasury font la même chose aux USA. Ils appellent ça l’assouplissement quantitatif : cela consiste à créer ex-nihilo plus de 3000 milliards de dollars pour renflouer Fannie Mae, Freddie Mac et consorts, et pour stimuler artificiellement les marchés financiers. Cela s’appelle une perfusion gratuite. 


                  • Laurent Herblay Laurent Pinsolle 31 août 2011 16:50

                    @ Ottomatic


                    Complètement d’accord. J’ai consacré plusieurs papiers à l’Islande sur le blog.

                    @ Catherine

                    Très juste. C’est vraiment scandaleux.

                    @ L’enfoiré

                    J’ai développé plusieurs alternatives sur mon blog. Pour la réforme de la finance :


                    Pour le cas précis pour la Grèce : restructurer les dettes à la valeur du marché (ce qui permet de lier les primes de risque au risque, sinon, ces primes sont empochées sans assumer les risques), monétiser pour ne plus dépendre uniquement des marchés pour le financement des dettes publiques, sortir de l’euro et dévaluer pour relancer la croissance.

                    @ Interlibre

                    Je penche pour la première option.

                    @ Kronfi

                    Très juste

                    @ Muriel

                    Merci. En fait, la BCE rachète les titres car c’est le seul moyen de stopper la hausse des taux que paient l’Espagne et l’Italie. Si on avait passé le cap des 7% (environ), on rentrait dans une zone où la zone euro risquait d’éclater (l’Espagne ou l’Italie pouvant être tentée de faire défaut, sortir de l’euro et dévaluer). La BCE protège en fait son existence même. Elle utilise l’argent des européens pour se protéger elle même...

                    @ Roger

                    Je suis d’accord.

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