Inflation man
Marvel prépare un grand coup. On parle d’un nouveau super – héros 100 % dans l’air du temps. Inflation man ! Un gars capable de nous sauver de la bête inflationniste, cette sale bestiole qui vampirise notre pouvoir d’achat.
Vraiment ? Parlons-nous vraiment d’un super-héros capable de nous débarrasser du mal à prix ? Ce monstre avec de vilaines dents inflationnistes capable de vous trancher le porte - monnaie ? Non, évidemment Marvel ne prépare rien du tout, enfin pas à ma connaissance. Pas d’inflation man en legging vert et masque jaune à venir sur nos écrans. C’est dommage car il aurait bien des fans déjà acquis à sa cause. En effet, alors que le (la) Covid semble passé de mode, c’est désormais l’inflation qui tisonne les sens de l’Homme de la rue.
L’inflation fait peur, l’inflation fait mal, que l’on y croit ou pas. L’inflation est devenue persona non grata, l’ennemi public numéro 1, sa tête est désormais mise à prix dans toutes les machines à café des Banques Centrales. « Il faut nous débarrasser de cette chose, avant qu’elle ne se débarrasse de nous… enfin de nos porte-monnaies ». C’est un peu le message qui passe en boucle sur les ondes monétaires, surtout côté Anglo-saxon, mais désormais aussi en zone euro, certes pas encore au Japon ou en Chine.
Ainsi donc, le Banquier Central est à ce jour le meilleur candidat au poste de super-héros inflation man. Juste une précision, j’aurai pu (dû) utiliser l’expression inflation guy, mais la place est prise par un prophète qui anticipe le retour de l’inflation depuis 40 ans, et qui connait donc aujourd’hui son heure de gloire. Bref, les favoris pour le poste d’inflation man sont donc les Banquiers Centraux. Pourtant, ils ne sont pas les plus méritants. En effet, il faut le dire, les Banquiers Centraux ne croyaient pas à l’inflation durable et indésirable, il ont dû réviser leurs croyances face aux faits qui s’entêtent.
Par contre, d’autres experts y ont cru dès le départ, et ont su nous prévenir. « L’inflation va arriver, vous allez voir ce que vous allez voir, et dites pas que j’vous l’avais pas dit ! ». Précision importante, ce discours n’était pas seulement tenu par les dogmatiques, économistes réchauffistes (il y a trop de PIB) ou économistes monétaristes (il y a trop de monnaie). En effet, se joignirent à la mise en garde, des gens ordinairement plus modérés et à haut pédigré académique, Olivier Blanchard et Larry Summers par exemple.
Tous ces experts relevèrent que les chèques distribués aux ménages américains par l’administration Biden étaient une idée foireuse, inutile, et en vérité très dangereuse : cette idée allait amener la surchauffe économique, condition nécessaire et suffisante pour une inflation galopante. D’après ces experts, il aurait mieux valu respecter le principe du saut à l’élastique du PIB… Une fois jeté dans le précipice (confinement), le PIB allait mécaniquement être ramené sur le pont par la simple mécanique classique (déconfinement), pas besoin de lui tendre la main pour l’aider à remonter par des politiques de soutien. D’un point de vue macro-économique, on dit alors que le PIB serait revenu à son niveau naturel, naturellement.
Depuis ces mises en garde, l’inflation a bien galopé. Bigre, est-ce à dire que tous ces experts n’avaient donc pas tout à fait tort ? La bête inflationniste serait de retour ? Après tout, pourquoi pas. Ce n’est pas parce que l’inflation restait tapie dans l’ombre depuis près de 40 ans, qu’elle était condamnée à l’obscurité pour l’éternité. On avait pourtant tout essayé pour ranimer (modérément) l’inflation au cours des dernières décennies. Mais on n’avait pas pensé à la crise sanitaire. On s’en souviendra les prochaines fois.
Ainsi donc, sont éligibles au poste d’inflation man tous ces experts, parrèsiates éclairés, chouettes de minerves, ou autre Homme qui a vu l’Homme qui a vu l’inflation. Tous sont des candidats sérieux au poste de super-héros anti inflation.
Si je peux me permettre
Juste une remarque. Il n’est pas tout à fait exclu que l’inflation galopante ait galopé pour des raisons qui n’étaient pas tout à fait celles que l’on nous avait annoncées. Je m’explique.
Si j’ai bien compris le message des experts des prix qui montent, l’inflation galopante devait être une histoire de politiques de soutien excessives qui auraient causé la surchauffe économique. Mais quelque chose me chiffonne. Sachant que le PIB est à peine revenu au niveau où on l’avait laissé juste avant la crise Covid, est-ce que cela suffit pour définir une surchauffe économique ? Douteux. Certes, il parait que le marché du travail serait aujourd’hui bien tendu, parce que les travailleurs auraient décidé de ne plus travailler. Il faudrait alors des salaires plus élevés pour les faire changer d’avis. Je veux bien un salaire plus élevé, mais j’ai quelques doutes sur l’histoire qui est racontée.
Et si on ouvre le capot, le doute m’habite un peu plus encore. Il semblerait que l’inflation de ces derniers mois s’explique bien davantage par des pays fournisseurs d’énergie trainant un peu des pieds (Poutine, Opep), ou par de nouvelles fermetures de ports en Asie suite au variant Delta durant l’été. Plutôt que par une demande de biens et services sur-vitaminée par les politiques de soutien. C’est en tous les cas ce que nous disent les chiffres d’inflation que l’on nous donne à décortiquer. A moins que les chiffres se trompent ? Concrètement, si vous enlevez les effets pervers liés aux prix de l’énergie et aux prix des biens durables, vous obtenez une inflation qui n’augmente que de 1 % à 2 % en zone euro depuis 1 an, contre les 5 % observés actuellement. Aux Etats-Unis, le même calcul produirait une inflation n’augmentant que de 1 à 3 %, contre les 7 % observés. Bien moins impressionnant, certes ça monte quand même.
Mais je reconnais que mon explication est bien moins intéressante à raconter que celle d’une exubérance de la demande dopée par la monnaie-dette à tout faire. « Votre explication est peut-être la bonne mais c’est une hypothèse qui n’intéresse personne » (Borges, Fictions). Mon argument de contingence sanitaire et pétrolière semble pourtant suffisant pour justifier l’inflation galopante observée. Mais il fait bien pâle figure face à la conjecture impeccable de l’expert en prix qui montent : « les prix montent trop parce que les gens dépensent trop, et les gens dépensent trop parce que les autorités les aident trop, que ce soit sous forme d’argent gratuit ou de dette éternelle ». Imparable (?)
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