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Commentaire de Sylvain Reboul

sur Désaffections et transcendances. Stiegler (II)


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 23 mai 2006 17:52

Voous semblez militer pour une correction spiritualiste du capitalisme que vous rendez responsable de l’effondrement des valeurs collectives et coopératives qui donnent du sens à la vie.

Cet effondrement des valeurs transcendantes est socialement inélucatable dans une société qui admet le pluralisme religieux et philosophique fondé sur la liberté individuelle de croire ou de ne pas croire.

Mais cela ne supprime pas pour autant les valeurs privées et ne livre pas les individus à une dictature idéologique de la consommation passive : chacun peut faire un usage créatif, personnel et solidaire des objets de consommation qui sont de moins en moins purement techniques, mais de plus en plus éthiques en cela qu’ils offrent des services à la personne que ce soient les moyens de communications portables instantanés, Internet etc.., qui permettent à chacun de tisser des liens choisis qui font sens et de développer sa sensibilité esthétique et émotionnelle en liaison avec d’autres. Le risque de soumission et de dépendance réside dans le fait non pas que ces objets soient matériels et techniques mais dans celui que leur spiritualité symbolique est ritualisée socialement par des médias de masse impersonnels, voire dépersonalisants..Ce que sont de moins en moins les médias les plus modernes et les instruments techniques d’expression de soi en vue de la reconnaissance, dans l’amitié, l’amour ou le pouvoir de commander ou de séduire.

Il ne faut pas confondre le discours de la publicité avec la façon dont les gens utilisent pour eux-mêmes et d’une manière très diverse les instruments et les services d’expression de soi et de relation aux autres qu’ils achètent. Il n’y a pas d’objet matériel qui ne soit en même temps spirituel, toute la question est de savoir qui fétichise cette spiritulaité et comment lutter contre cette fétichisation aliénante qui existaient déjà dans les objets sacrés religieux.

Ce qui est en passe de disparaître c’est la croyance que seul un Dieu transcendant collectif unique et une église universelle peuvent et doivent, dans la communion fusionnelle, délivrer un message spirituel uniforme à tous en vue de codifier le sens et les normes de la vie bonne sans que quiconque puisse s’y dérober sans prendre le risque de la déréliction et de l’exclusion sociétale, voire de la punission post-mortem : le sens du péché est perdu.

Dans ces conditions en effet toute tentative d’instaurer un supplément d’âme sociétal commun se heurtera à l’impossibilité de convertir les autres, sauf à les terroriser. Il n’ y a pas de vérité universelle possible du sens de la vie dans la pluralité enfin admise des formes disparates voire contradictoires du désir de reconnaissance qui seul fait, au fond, sens ; que cette reconnaissance soit celle d’un Dieu (lequel) ou des autres avec qui nous désirons vivre des relations non pas imposées mais libérales.

Vouloir spritualiser la technique en dehors de toute éthique vécue par la pluralité des personnes et en dehors de tout dogme moral, qu’il ne faut pas confondre avec les principes régulateurs minimals et rationnels de la vie avec les autres, est une entreprise vouée à l’échec et à la lamentation impuissante. Sauf à prétendre imposer cette spiritualisation aux dépens des libertés individuelles.


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