J’évoque, par exemple,
pêle-mêle, ci-dessous, les thèmes qu’ont soulevés certains de mes
interlocuteurs et contradicteurs :
- Peut-on
avoir le sentiment de ne plus être chez soi, si on n’est blanc et estime
qu’être français c’est avant tout être blanc et la France une nation
blanche ? Oui, évidemment, même si le postulat est ici erroné et spécieux.
Si la France est et doit être blanche, que fait l’Etat et l’administration
français aux Antilles, dans les Caraïbes, dans le Pacifique, en Guyane… ?
Les ultramarins ne devraient donc pas se sentir chez eux depuis un demi
millénaire, alors ! Puisque toutes les terres cultivables, les industries
et les richesses que les métropolitains y possèdent découlent directement des
privilèges acquis par leurs positions dominantes pendant esclavagismes.
- Peut-on
être noir, jaune, arabe, musulmans et être rigoureusement français ? Oui,
apparemment si on se réfère aux traditions intellectuelles, universalistes et
républicaines de la France, si on se réfère aux différents régimes post
révolutionnaires qui ont conçu et mis en œuvre le projet colonialiste et
impérialiste français, qui ont déraciné méthodiquement les Africains pour les
installer aux Antilles et aux Amériques pour construire la prospérité de la
France dont nous profitons grassement aujourd’hui tout en insultant le passé et
l’avenir. Soit dit en passant, pensez-vous que tous les Africains devenus aujourd’hui
francophones par la force de la baïonnette de la coloniale se sentaient chez
eux, en Afrique, lorsque leur vie était, dans les moindres détails, régentée
par les gouverneurs coloniaux par devoir de civilisation à la Jules
Ferry ? A savoir par l’inculcation forcée de la langue française, de la
culture française et du catholicisme à des peuples qui ne leur avaient rien
demandé ? Or, si l’Afrique, l’Asie, l’Océanie, les Amériques ont fait
cette rencontre violente avec l’Europe ce n’est pas de leur fait mais bien à
cause d’un viol subi de la part de l’Europe. C’est l’Europe conquérante et
guerrière qui est allée les soumettre à son Zoug, les assimiler à sa
civilisation. Ces peuples n’avaient rien demandé.
Tous
ces gens à vision et mémoire étriquées, qui s’indignent aujourd’hui de voir des
Noirs, des Arabes et des Asiatiques en France, n’ont qu’à se retourner vers
leurs propres ancêtres qui, il y a cinq cents et deux cents ans, sont allés,
par impérialisme et cupidité capitalistique, esclavagiser et coloniser d’autres
peuples de par le monde. Puisqu’il y en a qui dénoncent une submersion
migratoire qui se muerait en « grand remplacement » de la population autochtone
blanche par des basanés, qui ferait que la France ne serait plus la France, ils
feraient mieux d’aller plus loin pour apprécier les faits historiques patents
qui expliquent l’immigration des Africains subsahariens et nord Africains en France.
Ils se rendraient compte que cela n’est qu’un retour de bâton, sous forme de boomerang,
des actions esclavagistes, coloniales et néocoloniales de l’État français dans
des contrées lointaines qui ne lui avaient rien demandé. Ces migrations ne se
font pas d’Afrique vers le Japon, la Chine, l’Australie, la Mongolie, où
sais-je encore, mais en France (c’est le cas dans tous les anciens États
esclavagistes et coloniaux comme l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal…).
Justement parce que dans le schéma de domination ourdi par la France contre ces
différents peuples, un pan entier a consisté à les « franciser », à
en faire des Français malgré eux. Il en est encore ainsi aux Antilles, en Guyane,
à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle Calédonie, en Corse… dans les DOM-TOM en
général. Et ceux qui voudraient ne plus en faire partie (Corse, Nouvelle
Calédonie) sont réprimée avec violence. Pourquoi ? parce que la France n’est
grande aujourd’hui que par ses possessions coloniales présentes et par l’aura
acquis jadis par son empire colonial. Beaucoup feignent de l’oublier. On pourrait
de ce fait dire que le prétendu « grand remplacement », qui fait le
fonds de commerce des racialistes et haineux de tous bords, n’est autre que l’œuvre
de l’Etat français, qui a été esclavagiste et colonialiste. Les pauvres
immigrés ne sont que doublement victimes, hier, de l’impérialisme français et,
aujourd’hui, des succursales de haine qui peuplent le paysage politique
contemporain.
Alors,
à certains, je dirais : réviser notre histoire, avant de déverser vos
torrents de boues sur tous ceux, comme moi, veulent soulever et discuter des
réelles problématiques de discriminations et de relents racistes et racialistes
prégnants du moment. Je dis notre histoire, bien que certains ne veulent pas m’accepter
comme compatriote parce qu’ils me supposent complètement autre, mais les en
déplaise, je peux tout en étant ultra-marin, originaire d’Asie, d’Afrique,
Arabe ou Juif … métis, être pleinement français, l’aimer en raison et de cœur,
lui apporter autant, voire plus encore que certains dont le seul lien est apparemment
chromatique et racial.
En
tant que citoyen, enseignant et éducateur consciencieux, - ce n’est pas
incompatible, bien au contraire (c’est ce que dit la lettre de Jules Ferry, aux
instituteurs, du 17 novembre 1883, et c’est ce que stipule encore aujourd’hui la
lettre de mission qui régit les missions des enseignants en France) -, je
participe à mon modeste niveau à la défense de la France et de ses valeurs. C’est
à ce titre que débordant du strict espace de mon établissement et de ma classe,
je débats sur Agoravox et sur d’autres forums citoyens, avec tous ceux qui
acceptent de débattre. Le débat étant, à mon sens, le carburant indispensable à
la République et à la démocratie.
En
aparté, à celui qui dit « Enseignant éducateur... » c’était en 2006,
c’est plutôt retraité aujourd’hui », je réponds : toujours actif, car
ma carrière d’enseignant et d’éducateur (les deux vont ensemble, en effet) a
commencé après de longues études, françaises, dont je suis fier par-dessus
tout. Car elles m’ont permis de cultiver mon esprit et d’affûter mon libre
arbitre. C’est la raison pour laquelle je ne me cache jamais derrière un « nous »
faussement rassurant, comme certains sur ce forum, et me pose toujours en un « je »
avec ses forces, ses doutes et ses limites, mais capables de prendre mes responsabilités
au sein d’un forum comme Agoravox, où il n’est pas toujours facile de débattre
objectivement et rationnellement.