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Commentaire de easy

sur L'abolition de la prostitution est-elle un progrès ?


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easy easy 9 décembre 2011 13:44

Salut Vivin

J’apprécie les livraisons d’expérience personnelle telle que la vôtre mais elles sont hélas trop rares sur ce site où chacun se tait sur son compte et préfère mouliner des divers mainstreams.

Pourrriez-vous aller un peu plus loin et répondre à la question suivante ?

Il est certes très difficile quand on est né dans un chaudron, de faire la part ce qui en soi relève de l’intrinsèque (histoire personnelle spéciale incluse) et de ce qui en soi relève du chaudron, de la culture, de l’acquis.

C’est donc un effort surhumain que je vous demande d’accomplir pour essayer de nous dire si oui ou non une part du désir sexuel que vous ressentez, avec les fantasmes afférents (« Il faudrait que ça se passe comme ci, il faudrait que ça se passe comme ça ») provient de la culture.

Seriez-vous d’accord pour convenir que, pour les handicapés par exemple, plus le courant affirmant qu’ils ont, eux aussi, besoin « que le corps exulte » grandit, plus ils ressentent effectivement ce besoin ?
 (Besoin ou désir qui, sans ce courant émergeant, serait éteint par un deuil de plus)





En ce qui me concerne, je crois que la part cultuelle est très importante dans toutes nos sortes de désirs et répulsions.

Je pense par exemple au cas des religieux qui, ayant mis le pied dans un certain milieu cultivant l’abstinence, finissent, pour une grande part d’entre eux, par ne plus ressentir ce désir. Ils sont rarement totalement isolés et ils continuent de se faire doucher par la culture commune qui affirme que le sexage est une nécessité. Certains d’entre eux trahissent leur voeux ou doivent mener une énorme lutte intérieure (comparable à la lutte pacifique, passive, que mènent ceux d’entre nous qui renoncent plus ou moins volontairement, plus ou moins glorieusement, au consumérisme). Mais une belle proportion de ces engagés de la chasteté parviennent bel et bien à ne pas ressentir le désir (en se gardant, c’est logique, d’approcher de trop près l’haleine fruitée des autres)

Pour ma part, je me souviens qu’un jour, alors que je découvrais encore la France, une amie m’avait dit la « misère sexuelle » des immigrés, contraints de faire la queue au bas des immeubles de la Goutte d’Or pour une passe.
« Misère sexuelle »
Jusqu’à ce jour là, j’ignorais ce concept. J’ignorais que si l’on ne sexait pas on était non seulement dans la misère mais qu’en plus, on inspirait de la pitié (pas la pitié issue de la tendresse mais la pitié issue du mépris ou de l’arrogance, celle qu’on pratique beaucoup depuis deux siècles)

Ainsi, tout au contraire du petit courant abstinent qui voit une certaine gloire, un certain honneur, une certaine probité, une certaine pureté ou une certaine écologique au non sexage (plus ou moins choisi), il existe un grand courant copuliste qui méprise ceux qui ne copulent pas.

Juger en Bien / Mal de ce phénomène qui nous déchire, nous divise et nous radicalise assez violemment me semble impossible ou non juste (le principe de majorité ne me semblant garant que de valeur relative, non absolue). Mais, sans le juger, je pense qu’il existe et qu’il n’est pas inutile de le dire. En parler offre d’accéder à la tolérance aussi bien des rigidités maintenues jusqu’au bout que des faillites, des errements, des ambivalences et des hésitations.


(Les histoires personnelles, pour très conséquentes qu’elles soient, ne nous conduisant qu’à nous inscrire plutôt dans un courant qu’un autre, soit très jeune sans plus en changer, soit de manière alternative à la suite de quelque choc ou rupture)



Allez, pour la route, je rappelle un peu le cas de Madame de Maintenon.
Après un début de vie singulier (épisode en Martinique), après s’être mariée à Scaron qui décède à 50 ans, la voilà encore très jeune à s’occuper des bâtards de Louis XIV, élevés hors Cour. Lors d’une visite à ses petits, le roi remarque la grande affection maternelle qu’exprime cette veuve et en fait sa maîtresse, son égérie.
Cette femme, sans avoir été aussi intrigante que bien d’autres, se sera tout de même vue trop intéressée et aura progressivement accompli une sorte de virage vers plius de probité.
Au point qu’elle s’est mise en tête de créer un collège regroupant des jeunes filles de petite noblesse pauvre pour en faire une cohorte de femmes éduquées, instruites de toutes choses, talentueuses, aptes à servir tous les ministères, mais probes.

Madame, qui n’était pas appréciée de la Cour, découvrit qu’en grandissant ses jeunes filles réputées attiraient les courtisans qui les entreprenaient alors.
Fâchée d’un si facile dévergondage de ses filles, elle devint plus ferme et les orienta de plus en plus fortement vers un mariage avec Jésus.

Madame et le roi convenant qu’ils avaient abusé d’arrogances en tous genres, s’entendaient parfaitement pour se racheter en soutenant leur fabrique de saintes de Saint Cyr.
Tous deux pratiquaient certes toujours le sexage, le roi estimant qu’il avait besoin de ça pour tenir son rôle. Tous deux ont révoqué l’Edit de Nantes et ont donc martyrisé les protestants mais ce couple royal est bien allé vers l’abstinence ou la frugalité par procuration.

Je crois qu’il ne faut ni en rire ni en juger, le Monde n’étant fait que de cas similaires.




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