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Des Histoires I. Sarkozy 1 Hollande 0. Pas de Grand soir

Le 26 juillet à Dakar, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours conçu comme une épître aux Africains. Les propos tenus ont suscité force critiques et commentaires parmi lesquels une réaction de l’essayiste camerounais Achille Mbembe, l’un des intellectuels les plus en vue du moment. Dans ce texte, très diffusé en Afrique francophone, Mbembe tente de démonter la rhétorique de Sarkozy en dénonçant notamment une vision manichéenne inspirée par un Hegel recyclé pour l’occasion en procureur d’une Afrique n’ayant pas su ou pu entrer dans l’historicité (Courrier International, 30/08/07). Je ne prendrai pas partie dans cette controverse. Par contre, aucune hésitation, ce discours de Sarkozy mérite une attention dans la mesure où il dévoile quelques traits essentiels du monde contemporain, notamment à travers la vénération de l’Histoire. Ce qui d’ailleurs est cohérent pour un homme politique qui n’a cessé de se réclamer de la rupture. Lorsqu’il se produit une différence entre un avant et un après, il n’y a pas un retour cyclique des choses mais une ouverture sur du nouveau. C’est d’ailleurs l’héritage mosaïque qui ressort et que chacun pourra saisir en lisant Exode, second livre de l’Ancien Testament. L’Histoire, c’est aussi une notion occidentale et moderne chargée de sens dans la mesure où elle fonctionne de pair avec l’idée de progrès et les idéologies progressistes.

Voici un extrait du discours de Sarkozy : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. Le paysan africain, qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. Le problème de l’Afrique - et permettez à un ami de l’Afrique de le dire -, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’Histoire. Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé. »

Indéniablement, le président de la France se réclame d’une idéologie progressiste ; dont du reste il ne s’est pas caché dans nombre de ses interventions, pendant et après la campagne de 2007. Notre président veut le bonheur pour tous et y croit, pour peu que le volontarisme politique puisse foncer dans les réformes, les ruptures, rationalisant de fait les dispositifs techniques qui, alliés au spirituel, donnent les clés de ce nouveau paradis que sera la France d’après. Ce plaidoyer idéologique n’a rien de nouveau. Il a été à la base des idéologies progressistes appliquées aux Etats-Unis depuis deux ou trois siècles. On consultera l’édifiante étude de Lasch qui, dans Le Seul et Vrai Paradis (Climats), suscite le débat, notamment en dénonçant le volet antidémocratique des progressistes fonçant dans les transgressions techniques de tous ordres, imposant le diktat de la surabondance illimitée. Lasch montre que les mouvements authentiquement démocrates se sont opposés à cette fascination, voire même cette dictature du progrès. Ce livre est utile, pour ce qu’il nous enseigne sur le dessein de Sarkozy dévoilé au miroir des idéologies américaines. On saisit par la même occasion cet empressement du président à trouver les clés de la croissance, dépêchant une mission d’urgence présidée par Jacques Attali avec la participation de quelques psychologues prêts à mettre leur savoir des émotions au service de cette grande cause qu’est la croissance économique. L’Histoire, oui dit Sarkozy, mais pas sans se doter de moyens techniques applicables dans les administrations, les entreprises mais aussi les âmes humaines qu’il faut doper pour qu’elles oublient la morosité, la dépression, et foncent vers cette France d’après promise.

Les plus soucieux auront quelques inquiétudes sur ce programme du bonheur rationalisé orchestré par l’équipe au pouvoir ; car il est vrai que le progrès imposé a quelque chose de totalitaire. D’autres y trouveront matière à ironiser, jugeant qu’il y a là une part de comédie hollywoodienne dans cette France qui veut jouer une page d’Histoire et que les médias, dociles au possible, se plaisent à filmer, avec en tête d’affiche Sarkozy en premier rôle.

Venons-on à ce terrible aveu de François Hollande. Une petite phrase dont nul n’a encore perçu les résonances historiques et la portée pour l’avenir : « Le Grand Soir c’est fini » a déclaré le chef du PS à La Rochelle. Autrement dit, nous avons assisté à une sorte de passage du témoin. Le Grand Soir, cela fait trois décennies qu’il est achevé, avec ses Grands Récits, comme l’a bien explicité Lyotard dans La Condition post-moderne (Minuit, 1977). Mais il a fallu du temps pour que la gauche fasse le deuil de la lutte des classes, idéologie qu’elle n’a jamais pu extirper de ses desseins. Et maintenant, le progrès est incarné par le pragmatisme de Sarkozy qui a si bien décomplexé la droite et le fric qu’on croirait le scénario inversé. La lutte des classes a bien eu lieu, à notre insu et c’est le Capital qui l’a emporté. Et c’est la droite qui, jetant par-dessus bord le Grand Soir, sur fond de démission du PS, se prête aux jeux du Grand Lendemain. Si bien qu’il nous faudrait un Nietzsche pour ironiser sur le Grand Crépuscule qui aussi, est une éventualité à prendre mais pas au sérieux. Il faut quand même vivre légèrement ! Mais dans un coin de ce pays, quelques âmes lucides pourraient aussi convenir qu’une Aurore est possible, pour peu qu’on rêve d’audace en la signant d’une devise, ni Sarkozy, ni PS ! Rendez-vous en 2012.


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5 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 3 septembre 2007 13:49

    Le grand soir s’est terminé avec la fin du 2eme septennat de Mitterand.

    Jospin avait su moderniser la gauche au pouvoir mais aurait du rendre flexible la notion des 35h et prendre en compte la donnée « sécurité ».

    Le projet socialiste est à revoir dans son ensemble et il doit se couper des dérives « gauchistes » de type associatives qui ont pris le pouvoir des idées au PS,car ultra-minoritaire et non représentatif de la majorité des français.

    Ensuite,dans une société d’économie de marché,la lutte des classes n’existent pas car elle est régulée par l’intervenant qui s’apppelle l’ETAT.

    Concernant le discours de Nicolas Sarkozy ,c’est la réalité aux africains qu’il a expliqué.

    Si les africains veulent se développer qu’ils se prennent en main comme les asiatiques ont su le faire et comme l’inde l’a fait aussi.


    • don roumano 3 septembre 2007 22:54

      « Si les africains veulent se développer qu’ils se prennent en main comme les asiatiques ont su le faire et comme l’inde l’a fait aussi. » mais comment peut on penser ainsi ?


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 3 septembre 2007 21:59

      cha’ super commenteur, notre Dim up West


    • moebius 3 septembre 2007 22:06

      vive la lutte des classes


      • Antoine Diederick 6 septembre 2007 22:06

        Bonsoir Bernard....

        Je viens de lire et si j’avais appris la polémique que les déclarations sarkoziennes avaient suscitées, je ne les avais pas lues « dans le texte ».

        Le commentaire du Président français est limite injurieux et surtout très bête. Quel est le tâcheron qui lui a écrit cela et sinon le Président a-t-il lu ce texte avant de le réciter ou bien finalement l’a-t- il écrit lui mme ?

        c’est un jugement de valeur et comme jugement de valeur il est un aveu d’ignorance

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