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Accueil du site > Actualités > Société > Le paradoxe de la démocratie et du pacte social

Le paradoxe de la démocratie et du pacte social

Le fonctionnement d’une société démocratique peut conduire paradoxalement le citoyen à une déresponsabilisation voire à un désintéressement politique, et la sécurité sociale conduit paradoxalement le citoyen à un comportement individualiste et moins solidaire.

A croire que toute chose comporte le germe de sa propre destruction, comme dès notre naissance nos gènes ont programmé notre propre mort. En matière sociologique, c’est idem. Que constatons-nous ?

1- Le paradoxe de la démocratie :

Dans nos sociétés démocratiques, qui donnent au citoyen le droit de vote pour permettre au peuple de choisir ses dirigeants et ceux qui vont le représenter au Parlement pour voter les lois et contrôler leur application, nous faisons le constat d’un taux d’abstention relativement important aux votes, d’un désintéressement, voire parfois d’un dégoût de la politique, d’une indulgence à l’égard des politiciens qui ont commis des fautes au motif « qu’ils font tous cela »...
Une effervescence salutaire se produit au moment des élections présidentielles, où on rebat les cartes, l’état des lieux critique est réalisé et les candidats doivent présenter un projet, un « programme ». Une partie du peuple s’y intéresse à nouveau et se met à rêver de jours meilleurs. Mais en déléguant un homme (ou une femme) à la présidence, puis en déléguant des députés au Parlement, le citoyen décharge sa responsabilité auprès de ces personnes puis n’agit plus pendant cinq ans. D’où la déception si ceux qu’il a élus ne tiennent pas leurs promesses, ne l’informent pas sur les grands sujets à décider, voire ne le consultent pas (entrée de la Turquie dans l’Europe, privatisation des autoroutes, réformes des retraites...), ne prennent pas des décisions correspondant à ce qu’il aurait souhaité. Son seul pouvoir d’action reste alors la manifestation, soit dans la rue, soit dans des médias appropriés (médias citoyens comme Agoravox ou courrier de lecteurs des journaux).

Pour rendre au citoyen un pouvoir interactif et responsabilisant dans la durée, qui légitimerait les décisions et les actions gouvernementales, il faudrait au moins :
- assainir nos institutions en redonnant au Parlement une représentativité des différentes sensibilités des partis et des régions, en redonnant au scrutin une bonne dose de proportionnelle ;
- obliger ou fortement inciter les députés à faire acte de présence en ne les rémunérant et ne leur accordant le droit de vote que sur condition de présence ;
- obliger le gouvernement et le Parlement à informer les citoyens de façon claire et concise des sujets qui seront débattus ainsi qu’à réaliser des évaluations régulières de l’action gouvernementale, en faisant participer des représentants des citoyens, des professions, partenaires sociaux aux débats (information participative, avec utilisation d’Internet notamment).
- recourir plus souvent au référendum pour les décisions importantes qui nécessitent pour leur légitimation un soutien du peuple, sans que celui-ci ait l’impression qu’on décide sans lui, sans sa responsabilité.

2- Le paradoxe du pacte social :

Cela part d’une bonne intention que d’organiser une solidarité redistributive par l’impôt, garantir la Sécurité sociale, les retraites, l’éducation pour tous. Mais le fait de déléguer à l’Etat cette tâche, de surcroît en la rendant obligatoire, a induit un effet pervers auprès du citoyen : le sentiment qu’il a « payé » cette solidarité, comme on gagne son paradis en allant à confesse et en faisant charité, et en est par conséquent dédouané dans le reste de sa vie. On n’a plus à assumer la charge des personnes âgée autrement qu’au travers des dispositifs prévus (qui sont là pour ça !), de même que les personnes âgées aisées préfèrent partir en voyage ou en cure, bref en profiter plutôt que s’occuper des petits enfants et faire l’assistance aux devoirs des enfants des parents qui travaillent. On veut bien donner une pièce au SDF qui mendie dans la rue mais on se dit « après tout c’est à l’Etat de prendre en charge ! »...Bien sûr il reste des bonnes âmes pour encore faire du bénévolat, faire partie d’associations d’entraide, heureusement, mais la fraternité et la solidarité sont devenues de moins en moins « naturelles ». Certains souhaiteraient même voir le bénévolat « rémunéré », au moins en crédit d’impôt !

Le monde est devenu plus individualiste, plus égoïste, à mesure que la solidarité nationale s’est organisée, centralisée, institutionnalisée. De même que, plus les moyens de communication se sont développés, plus on a assisté à une peur de parler à l’inconnu, même à son propre voisin ! Comme on a créé la Journée de la femme, celle des grands-mères, des secrétaires, on a aussi maintenant décrété une journée du voisinage pour donner un prétexte aux gens pour se rencontrer !

Un des poisons qui ont alimenté ou renforcé ce phénomène est la « marchandisation » des relations humaines, la prédominance de l’argent comme médiateur de l’échange non seulement des biens mais aussi des services y compris « relationnels », et même l’argent comme valeur suprême elle-même et par le pouvoir qu’il représente.
J’ai pu l’expérimenter à mes dépens avec mes propres enfants. Au lieu de leur donner de l’argent de poche, j’ai instauré un système de points sur les notes scolaires supérieures à 15 et sur l’augmentation de moyenne, ainsi que sur des corvées d’aides ménagères. Le résultat fut au rendez-vous, les notes s’améliorèrent, il y avait des volontaires pour les corvées. Mais le revers de cette motivation me fit prendre conscience de la dangerosité de la méthode : l’enfant voyait l’argent comme le but ultime à atteindre, et non le plaisir d’apprendre et de participer aux tâches ménagères pour soulager sa mère. Double erreur !
Et concernant l’isolement des personnes âgées, l’exclusion des SDF, cet écartèlement entre, non seulement les riches et les pauvres, mais les générations, une redistribution matérielle et financière n’est pas suffisante. Cette dernière a coupé le lien relationnel qui se tissait lorsque les individus devaient prendre en charge directement la solidarité.
De même au niveau des nations sur le problème Nord-Sud, une partie de l’humanité vouée à l’abandon et au pillage de ses richesses en matière première, la guerre probable annoncée autour de la rareté du pétrole et de gaz et ne l’oublions pas...de l’eau, les nations riches qui subventionnent leurs exportations et inondent les pays pauvres de produits bon marché tuant tout le tissu agricole de ces pays et accélérant l’immigration massive de leur population vers le Nord. Se pose non seulement un problème de distribution de richesses dans le monde mais aussi de moralité et de fraternité entre les peuples et les hommes.

Alors que faire ? Comment retisser le lien social, permettre aux personnes de communiquer à nouveau, sans intérêt marchand, sans obligation institutionnelle ? Il s’agit bien de refonder des valeurs humaines, sociales, de remettre l’homme plus au centre des intérêts plutôt que l’argent, que ce soit en famille, à l’école, à la télévision...

Et notamment en cette période de choix présidentiel, il faut un « projet de société » et un « projet citoyen », pas simplement un « programme » qui aligne des mesures et des réponses matérielles à des questions essentiellement basées sur des problèmes d’emploi, de pouvoir d’achat, de sécurité.


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15 réactions à cet article    


  • florence meichel (---.---.20.73) 6 mars 2007 12:37

    Bonjour

    Pas la peine de lire : c’est le genre d’accoches qui me mettent hors de moi ! Devriez lire Les uns avec les autres de François de Singly ou le réenchantement du monde pour aller un peu plus loin que ses préjugés de Dame Patronnesse ! L’individualisme crée du lien...d’autres liens...d’autres éthiques...loin de la morale universelle à laquelle vous vous référez !


    • W. Nepigo W. Nepigo 10 mars 2007 14:06

      Bonjour

      « pas la peine de lire » ! Qui êtes-vous pour être aussi péremptoire et méprisante de la douleur d’autrui ? Que la morale dont la disparition est déplorée ici soit morte et pas encore enterrée c’est évident, mais vous seriez aimable de détailler un peu votre apologie de ce qui la remplace... Si vous avez lu Benasayag vous devez connaître « le mythe de l’individu », une critique très vigoureuse de la notion même d’individu ; je serais donc très curieux de connaître les « autres éthiques » dont vous parlez... Je prends note de vos références, en attendant.


    • SOULfly_B (---.---.143.101) 6 mars 2007 13:54

      Et notamment en cette période de choix présidentiel, il faut un « projet de société » et un « projet citoyen », pas simplement un « programme » qui aligne des mesures et des réponses matérielles à des questions essentiellement basées sur des problèmes d’emploi, de pouvoir d’achat, de sécurité.

      Tout à fait ! Il faut bien plus que 100 propositions ajoutées les unes aux autres sans liant !!


      • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 6 mars 2007 15:11

        Le « liant » dans les 100 propositions de SR c’est la démocratie participative (ce qui implique de faire de le politique autrement avec les électeurs) et de réduire les inégalités et les discriminations

        L’égalité et la justice dans la liberté est un lien qui me convient tout-à fait. Vous en avez certainement un meilleur à me proposer, mais la réduction de la dette et la question de savoir qui va la payer ne peut ni être une fin, tout au plus un moyen, de la politique, ni un lien social, bien au contraire. ce ne peut être, dans le cadre des injustices existantes, qu’un facteur de division. J’attends donc, de votre part, un lien qui ne se réduise pas à la défense de la république, véritable auberge espagnole de la politique.


      • (---.---.37.71) 6 mars 2007 15:40

        « le cadre des injustices existantes »

        Lesquelles ?


      • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 6 mars 2007 17:37

        lES INJUSTICES : l’inégalité des chances à l’école, l’inégalité des femmes par rapport aux hommes en ce qui concernent le salaire et l’accès aux postes de responsabilité, la précarité pour les plus démunis alors que les plus riches s’en préservent par tous les moyens que vous savez, les discrimination raciales... et j’en oublie.

        Mais je suis sûr que vous pouvez compléter. Maintenant il est possible que vous trouviez ces inégalités justes ; dans ces conditions nous sommes en effet des adversaires (pas des ennemis) politiques.

        Si c’est le cas, nous n’avons pas, comme on dit, les mêmes valeurs ou je préfère, les mêmes principes du « vivre avec les autres ». À vous de voir !...


      • (---.---.37.71) 6 mars 2007 15:01

        Je trouve au contraire qu’il est trés sain que les gens ne participe pas aux election nationale. Car que connaissent ils réellement à la gestion d’un Etat ? Rien. Par ailleur ils ont compris que l’Etat ne pouvait rien pour eux, et n’avait aucune prise ni sur l’économie, ni sur la société. C’est le début de la sagesse. Quand je vois les français interoger Royale pour savoir combien elle donne pour qu’ils vote pour elle, ca fait pleurer.. Mieux vaut que ces gens ne vote pas.


        • Fred (---.---.20.123) 6 mars 2007 15:49

          Le paradoxe de la démocratie et du pacte social OU L’illusion du paradoxe de la démocratie et du pacte social

          http://www.syti.net/Topics2.html


          • deusexmachina (---.---.161.139) 6 mars 2007 18:14

            concernant votre billet, vous avez raison de souligner le paradoxe de la démocratie. je tiens simplement à ajouter qu’un illustre auteur du XIX avait déjà relevé ce paradoxe. Alexis de Tocqueville avait repéré les risques potentiels de la démocratie, tout en reconnaissant que ce système restait le meilleur possible à l’époque. En développant l’idéal de liberté individuelle, la propriété privée, la démocratie risque à terme de détourner les citoyens des intérêts communs aux seuls profits de leurx intérêts particuliers. or, la désertion des bureaux de vote, le désinvestissement croissant du politique semble aller dans le sens de ce qu’il annonçait il y a deux siècles. Cependant, le renouvellement de la démocratie (de proximité, « participative » comme le disent certains, à condition qu’elle sollicite véritablement la participation active des citoyens) peut permettre de réinvestir positivement le politique et la citoyenneté. A voir.

            Comme le disait W. Churchill, « la démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. »


            • bernard29 candidat 007 6 mars 2007 18:22

              Sur le paradoxe de la démocratie, et les moyens de le résoudre vous oubliez le principal ; la responsabilité . C’est la base. Et la seule manière de la recouvrer c’est d’élire des représentants qui sachent exactement ce qu’ils ont à faire ; donc un « élu, un mandat » et un renouvellement réduit des mandats. Ainsi les citoyens savent aussi à qui ils ont affaire et pourquoi.

              Sur le paradoxe du pacte social, je trouve assez piquant votre critique de l’argent et des relations financières alors que d’après votre profil, vous travaillez dans la finance.

              Les banquiers sont nos nouveaux curés.

              « ce sont ceux qui vont le plus à la messe le dimanche, alors qu’ils mettent tout le monde sur la paille le reste de la semaine ».


              • moebiardus (---.---.11.143) 6 mars 2007 22:07

                Donnez libre cours à vos pulsions altuistes, elles vous honorent mais fichez nous la paix


                • (---.---.155.19) 7 mars 2007 21:55

                  Inégalité des chances à l’école ??? de quoi parlons-nous ?? l’école est toujours un ascenseur social mais pour réussir quelque soit sa couleur ou ses origines, il faut TRAVAILLER, apprendre, réviser. Quand on s’aligne à un concours, le seul risque qu’on prend si on a suffisamment bossé, c’est de réussir.


                  • Fred (---.---.155.75) 8 mars 2007 12:28

                    Je suis un peu d’accord, effectivement il a des ecoles dans des quartiers difficiles dans lesquelles il est plus difficile de reussir. Mais c’est aussi a nous de faire en sorte que les choses s’arrangent plutot que d’attendre que l’etat fasse tout (surtout quand on voit son efficacite). Qu’est-ce qui fait que certains jeunes trainent plutot que d’aller a l’ecole et tombent dans la violence ? Je veux bien qu’il y ait des caracteriels mais globalement au depart il s’agit de parents qui demissionnent de leur boulot de parent. S’il y avait une certaine discipline a la maison, les profs auraient plus de facilite a se faire respecter en classe.

                    L’egalite des chances a l’ecole commence a la maison.


                  • Fred (---.---.155.75) 8 mars 2007 12:41

                    @l’auteur,

                    Qu’est-ce qui vous dit que les gens etaient plus heureux avant cette « marchandisation » des relations humaines ? Mes grands-parents n’avaient pas d’argent et donc les enfants devaient aider aux corvees pour aider ma grand-mere mais ils le faisaient que parce qu’il y avait un rapport de force, rapport qui existe de moins en moins maintenant, l’enfant devenant de plus en plus irrespectueux. Ce n’est pas pour ca que mes parents faisaient les corvees pour soulager ma grand-mere ou encore qu’ils aimaient la situation. C’est bizarre de penser que on faisait mieux les choses avant.

                    Ensuite sur la solidarite, je suis d’accord avec vous, il est interessant de voir nos compatriotes mettre en avant le systeme francais des qu’ils le peuvent pour dire qu’ils sont solidaires ; par contre si on leur demande combien de temps ils passent a faire du benevolat ou a donner a des oeuvres caritatives il n’y a plus personne. Les francais quoiqu’ils en pensent sont tres individualistes et pas solidaires du tout. Il n’y a pas de sentiment d’entre-aide et on jalouse son voisin s’il reussit mieux.


                  • prgrokrouk 16 mars 2007 14:43

                    L’effet est insensiblement de faire dériver le jugement dans le giron du Contrôle Social... du coup, inutile de participer puisque le Conformisme social est la seule valeur. Donc, on ne vote même pas... Et puisqu’un bonhomme éduqué, civilisé, avec ses convictions, est exhibé comme un marginal... autant être sale, pauvre et méchant, ça rapporte. Car, on peut toujours descendre plus bas que le point zéro. Après, il y aura de nouvelles « mesures ».

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