Zemmour, quelques évidences
Vous avez envie de jouer à " je te tiens par la barbichette avec moi " ?
Zemmour est un produit médiatique dont les seuls exploits et responsabilités sont d’avoir été un journaliste puis un éditorialiste versus polémiste. C’est dire la richesse et la profondeur de la vie politique dans notre pays actuellement. Les animateurs télé sont déjà prêts pour la relève. Suivra bien sûr ceux de la téléréalité pour faire bon poids. Il n’est pas anodin d’observer que tout cela ne serait pas possible sans le contrôle pris en quelques années sur les médias par les milliardaires du CAC 40 (la main sur les meilleures audiences aux meilleures heures d’écoute ainsi que sur la carrière des journalistes et au-delà).Je crois aussi que notre passivité mêlée de notre naïveté de consommateurs sur sollicités n’y est pas non plus étrangère. Peut-être aussi un sentiment diffus d’impuissance devant le rouleau compresseur de la bulle médiatique qui nous enveloppe maintenant.
Zemmour est aussi un bon homme d’affaire sans tabou, limites ni scrupules lorsqu’il s’agit de vendre ses œuvres. Il n’a pas peur, pour pousser les ventes et élargir le lectorat, d’une provocation outrancière sur les prénoms actionnant directement les sirènes du buzz dont il connaît bien le fonctionnement et dont il est un virtuose. Il y a là comme un style maintenant répandu dans les annexes de la maison médiatique dont il est le pensionnaire choyé. Il faut dire qu’il ne se sent pas seul et sait qu’il est épaulé par ailleurs par un bon éditeur qui défend sa maison d’édition et a mis au service de la poule aux œufs d’or tant qu’elle pond ses équipes et ses réseaux ce qui n’est pas rien. A ce niveau pas de collusion bien sûr mais des intérêts financiers à partager tant que cela dure. Pour mémoire j’ai lu le "Le bûcher des vaniteux"(2013), petit succès. Puis "Le suicide français "(2014). Le même livre avec quelques arrangements. Gros succès de vente et de parade médiatique. Je n’ai pas entendu un seul critique le dire. Cela aurait fait baisser les ventes et les audiences. Tout ce petit monde s’est bien tenu. C’est drôle, les mots de dindon et de farce me traversent l’esprit
Ensuite la poule prétendant muter en coq français et risquant de devenir plus un problème qu’une bonne affaire fut priée de se trouver un nouvel éditeur. Mission accomplie. Autant être son propre éditeur et empocher toute la marge quand il s’agit de publier ses pensées d’aspirant grand homme auto investi maintenant d’une mission nationale. Pas de soucis, une logistique déjà bien avancée veille au grain si j’ose dire, les grands hommes ont leurs petites coulisses. L’autre soir saisi d’une fulgurance historique il a déclaré que l’Anglais était le véritable ennemi de la France, déclaration suivie d’une démonstration aussi sophistiquée qu’alambiquée comme s’il essayait de se convaincre lui-même. J’ai pensé à Jeanne d’Arc. Désolé, on n’est pas toujours maître de ses associations d’idées.
Politiquement, pas de mystère, il a fait passer aux hauts responsables économiques le message qu’il ne gênerait en rien leurs pratiques habituelles et intérêts. De ce point de vue il est plus honnête que Marine Le Pen qui est sur la même position mais plus gênée de l’afficher en raison de promesses sociales faites et d’attentes d’une partie de son public qui finirait par se poser des questions aussi à propos de dindon et de farce. L’immigration, l’islam, la sécurité, la laïcité … oui on en redemande mais si c’était une fois de plus l’hameçon qui cache la future cure de bromure. Après tant de promesses non tenues de toutes parts, des changements de voilure et caps et sorties de route les esprits sont aux aguets et sont devenus méfiants. On peut comprendre.
Zemmour comme JMLP en 2002, il l’avait dit bien sûr une fois la partie terminée, ne tient pas à gagner. Il fait partie de ces candidats du premier tour qui ont quelque chose à vendre. Des salades aux électeurs ?! Non, pas de mauvais esprit. Aux candidats de sa famille (étendue bien sûr). Au plus offrant. Dès avant le premier tour ou juste après. Vous savez bien que nous ne sommes jamais invités aux marchandages de l’arrière salle. Des voix bien sûr contre quelques reconnaissances symboliques satisfaisant ses obsessions, des promesses de mesures spectaculaires marquées d’un Z, voire des responsabilités, de nature à émerveiller les ravis de sa crèche mais pas beaucoup plus loin. Ce qui n’est pas rien. Pour un candidat du second tour cela peut être déterminant. Tout est pesé et tout compte surtout les voix qui s’absentent ou s’égarent. Pour Zemmour une forme de consécration de sa carrière de polémiste. Des choses à ne surtout pas dire maintenant. Un césar du meilleur second rôle peut-être plus tard, catégorie fier-à-bras et filou. Mais maintenant, chut, omerta. Zemmour ne veut et ne peut surtout pas l’admettre pour le moment. Tout occupé à se donner une stature de circonstance pour faire monter les prix. Mais qui peut bien encore vouloir voter pour une stature ? Surtout si comme à chaque fois maintenant on finit par s’apercevoir qu’on avait affaire à un boute-en-train. Petit rappel, en hippologie, le boute-en-train est un cheval entier (c'est-à-dire non castré) se trouvant dans les haras où on l'utilise en le plaçant à proximité des juments afin de vérifier si elles sont en chaleur et les disposer à l’accouplement qui se fera avec un autre étalon sélectionné. Désolé c’est un peu trivial mais c’est le climat politique qui est trivial et l’impétrant n’y est pas pour rien. De petites équipes ont déjà commencé à faire du placement de produit en vue de futures tractations. La tambouille ordinaire de campagne pour un certain type de candidats. Il serait selon la rumeur le bouffon utile préféré du président. Qu’en pense Bolloré ? Ou le marchepied de personnages tenus en réserve au cas où. Ou encore d’autres, de la droite actuelle, celle de l’abandon de l’ADN républicain après Maastricht et la forfaiture de 2008. Il semblerait ici que dorénavant tous les arguments seront bons pour essayer de se maintenir et conserver une part de gâteau.
Zemmour est aussi un grand nostalgique incapable d’affronter le monde moderne et ses incertitudes au point qu’il se réfugie pour expliquer et comprendre le présent dans un passé mythifié et mystifié. Il est instruit et intelligent, sait utiliser une trame et installer une frise historique, lit les historiens mais relie les événements à sa convenance et les explique selon ses propres attentes et désirs. D’où l’agrément de ses livres. Tout y est simple et évident. On y voit facilement le lien avec les événements actuels. Incroyable. Je comprends enfin l’histoire.
C’est limpide comme un conte, celui qu’il invente, parce que l’histoire c’est difficile à pratiquer et contrariant quand on aime les idées simples. Je pense que comme moi vous souhaitez pour vos enfants plutôt un professeur qualifié d’histoire qui ne vend rien, n’a pas besoin de recettes publicitaires, à un polémiste validé chez Bolloré. Cela vaut je pense aussi pour les grands que nous sommes. Lui se fait plaisir. Il trouve toujours ce qu’il cherche en suivant les quelques obsessions qui le travaillent. L’islam comme une tumeur de l’Ancien et Nouveau Testament, la république qui en sapant les bases et l’ordre social garantis par l’église catholique (pas protestante, cela ne marche pas selon lui, je n’ai pas bien compris pourquoi) a engendré le déclin inéluctable de nos sociétés pour l’essentiel. Qui aurait cru que la vieille famille idéologique de Pétain aurait encore quelques surgeons 75 ans après. Concrètement que faisons-nous avec cela ? Une vieille rengaine et de très mauvais souvenirs effacés par qui vous savez qui sauva l’honneur pour éclairer l’avenir ? Cela devrait nous faire réfléchir sans polémique mais sérieusement sur le rôle des médias dans nos sociétés du point de vue de la démocratie et des usages de l’histoire.
Si vous avez encore envie de voter pour Zemmour ou d’écouter ses consignes, de croire les promesses auxquelles ne croient pas ceux qui font profession de s’en émerveiller ou de vous en parler pour vous tromper, de l’écouter tout simplement, ou de vous laisser emporter par les péripéties, les provocations, les bluffs, les bravades, les simagrées, l’épate, les impostures, les surenchères, les pieds de nez, qui ne manqueront pas de surgir, grâce à lui qui n’existe que par l’attention que vous lui portez, transformée depuis des années en cash, alors je ne peux plus rien pour vous. Je crois même que je vous ai agacé. Et si c’était le début d’une réflexion ?
Un dernier point. Ne sous-estimons pas l’aspect charmeur du personnage. Il est souvent dans la séduction et la politesse de bon aloi lorsqu’il dialogue avec des interlocuteurs prestigieux et se réjouit avec une pointe de malice et de jubilation de les emmener sur le territoire de ses phantasmes tout en jouant les modestes avant de tenter d’avoir le dernier mot ou à défaut de récolter un peu de lumière et de reconnaissance dont il a tant besoin. Je me suis souvent demandé ce que la plupart de ces derniers faisaient là tant ce jeu est évident. Peu importe. Le même Janus peut se révéler un provocateur agressif et brutal avec d’autres qu’il a repérés peu armés pour se défendre comme lorsqu’il stigmatise le choix d’un prénom en s’en prenant à celle qui le porte. Tout à ses arrière-pensées.
Aujourd’hui le registre change. Dans les bonnes feuilles de son nouveau livre distillées au goutte à goutte avant sa parution il assume cette duplicité et tisse sa légende en faisant croire que depuis toujours il n’était pas un journaliste opportuniste cherchant à gagner sa vie auprès de qui voulait bien l’employer mais en mission rédemptrice tel un justicier afin de démasquer les infidèles (à ses phantasmes), et en témoigner aujourd’hui au pays trahi (qu’il incarne). Sa parole en guise de garantie suprême. Personnellement je trouve que cela fait beaucoup à avaler et je doute d’un franc succès. Le martyrologue du censuré pour lui qui est le polémiste le plus sponsorisé de ses quinze dernières années aura du mal à passer auprès de ses inconditionnels pas dévoués au point d’endosser le costume de buse. Des records de vente peut-être mais aussi d’arrivée rapide dans les boutiques de seconde main de ces livres que l’on pas réussi à lire jusqu’au bout comme pour les précédents. Chacun trouve la légende qu’il peut, celle-ci est une historiette inscrite dans l’horizon d’une campagne électorale qui s’annonce crapoteuse. Sa méthode est tirée de tout manuel basique de propagande. Efficace quand elle est bien dosée. Mélanger des observations éparses que tout le monde a pu faire, les grossir, les généraliser pour imposer son interprétation comme étant la réalité. Rajouter ou inventer ce qu’il faut pour corser le tout afin obtenir crédibilité auprès de ceux qui sont sensibles aux explications simples en mesure de conforter et justifier leurs inquiétudes (nous tous à un moment ou un autre). Tous les ingrédients sont en place pour de bonnes petites polémiques gonflées aux haut-parleurs que tout le monde connaît déjà par cœur et et dont nous sommes lassés par avance. A vos marques, le spectacle va commencer. C’est arrivé souvent que cela marche. Avec une limite à ne pas franchir.
Il ne faut surtout pas que ceux dont l’adhésion est visée puissent se rendre compte que la malice, maintenant revendiquée, de tromper la confiance et l’honnêteté de ses interlocuteurs passés les visent eux-aussi et au fond depuis le début. Le frein de cette appropriation étant notre propre amour-propre à nous avouer notre erreur de jugement qui nous laisse dans un premier temps démunis.
Zemmour est comme beaucoup de politiciens, il pense qu’il sera toujours plus malin que ceux dont il guigne la voix ou l’écoute. Ce n’est pas gagné. A notre tour de nous jouer de ce genre de personnage que certains n’ont pas entretenu ni mis sur notre chemin gratuitement. Et si on laissait Guignol à ses tréteaux pour une fois. Pour avoir l’air moins con quand la poussière retombera.
Et si on ne se laissait pas encore et encore détourner à l’orée de cette présidentielle de l’examen méthodique des problèmes du pays, des véritables enjeux d’une présidentielle dont les politiques occupés de se placer évitent à chaque fois maintenant de nous instruire. De pointer les responsabilités sans indulgence ni acharnement afin de pouvoir méthodiquement examiner les solutions proposées et leurs alternatives. Il paraît que ce n’est pas possible. Et que ce serait principalement de notre faute. Gaulois réfractaires. Populistes. Radicaux. Complotistes. Amish même.
Autrement concernant l’épisode Zemmour, quel intérêt de remettre en selle une vieille droite, déjà abandonnée par une partie des siens, obligée depuis un moment déjà de se prostituer avec les vieux démons qu’elle avait fini par exorciser et s’y référant dans le désarroi comme à des fétiches protecteurs d’une génération plus jeune, conjuguant en iconoclaste accompli libéralisme, néolibéralisme, social libéralisme sans tabou du moment qu’il y a juste ce qu’il faut d’électeurs pour cautionner les quelques rendez-vous électoraux encore incontournables à franchir ? Pour perdre du temps et descendre une marche de plus ? Regretter son vote avant même la proclamation des résultats ?
Il va falloir tourner cette page puisque ce qui est le fonctionnement ordinaire d’une démocratie semble ne plus être possible ici aujourd’hui. Il s’agit de remettre sur pied des institutions qui permettent la restauration de ce fonctionnement et que nous puisions y trouver notre vraie place de citoyens et celle du pays dans l’Europe. Plutôt que de nous laisser à chaque fois instrumentaliser en rivalités que l’on exacerbe ce qui permet à une minorité de manipuler les campagnes électorales et de se faire élire de justesse. Pour développer ensuite dans notre dos grâce au répit gagné la chape juridique de l’UE dans laquelle les classes dirigeantes espèrent enfermer les peuples.
Droites et extrêmes droites, rivaux par les personnes pour les places à prendre, alimentent ensemble ce processus au détriment de l’intérêt des travailleurs et du pays. Sortons de ce piège, donnons-nous les moyens dès le premier tour d’obtenir une alternative qui ne pourra plus se passer de l’avis des citoyens seul moyen de remettre le pays sur pied et de se faire respecter. Seuls nos votes assumés en toute indépendance des états majors ont le pouvoir de remettre à leur juste place ceux qui par leur bilan sous couverture de droite ou de gauche ont contracté une obligation morale de discrétion et d’humilité. Seule une gauche authentique à construire et consolider qu’auront rassemblée nos votes en déjouant les invitations à la dispersion par la multiplication des candidatures de circonstances, pourra porter cette possibilité. Pour qu’une nouvelle génération en soit l’avenir, hommes et femmes politiques mais avant tout nous les citoyens dans notre diversité s'imposant dorénavant incontournables du local au national quand il s'agit de décider de nos vies.
Autrement demain sera au mieux pareil à aujourd’hui.
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