Le crime de Yann Moix
Le Tribunal de l’opinion a rendu sa sentence : Moix est crucifié. Ses déclarations sur les femmes de 50 ans et sa préférence pour les femmes jeunes et de type asiatique valaient-elles tant d’infamie ? Pas sûr.
Pat Hibulaire
L’interview de Yann Moix paru dans Marie-Claire commence par une valise de précautions :
« Ses mots, nous les trouvons choquants. Nous le lui avons dit, et nous l’avons écrit. Ces mots - qui illustrent un jeunisme pour le moins banal - n’ont pas choqué que nous, et c’est tant mieux. … Cette pensée réductrice pour les femmes existe dans l’esprit de bon nombre de nos contemporains. »
Le crime de Moix doit être immense pour susciter une telle défiance. Je ne suis pas fan de ce personnage avec sa tête à jouer Pat Hibulaire (mais on ne choisit pas plus sa tête que ses attirances). Pourtant il y a de la franchise dans ses propos sur les femmes de plus de 50 ans. Il s’expose :
« Elles sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes, c’est tout. Point. Je ne vais pas vous mentir. Un corps de femme de 25 ans, c’est extraordinaire. Le corps d’une femme de 50 ans n’est pas extraordinaire du tout. »
Est-ce un crime ? Non bien sûr. Est-ce moralement répréhensible ? Pas sûr. Alors pourquoi cette levée de boucliers ? Ce n’est certes pas agréable de se voir préférer une personne plus jeune. Mais accuser Moix de réduire les femmes au rang d’objet est abusif.
Betty Boop
Il a ses goûts. Qui n’a pas les siens ? Qui n’a pas un type de femme ou d’homme dans la tête et dans les yeux ? Les beaux bruns, les soldats en uniformes, n’ont-ils pas pendant longtemps été les fantasmes de bien des femmes, comme Betty Boop ou Marilyn ont été ceux de beaucoup d’hommes ?
Demi Moore, Kylie Minogue, Sandra Bullock, Madonna, Brigitte Macron, pour ne citer que quelques femmes connues, montrent aussi leurs préférences pour des hommes parfois beaucoup plus jeunes. On trouve cela fun, c’est une « femme libérée ».
Alors que chez Moix ce serait du jeunisme, cela choquerait et au final lui vaudrait la haine raisonnable et le pogrom numérique des populaces twittériennes. On en fait grand cas, et bien des femmes lui répondent en se jouant concernées. Un seul exemple suffit, celle qui montre ses jolies fesses (image 3) en commentant : « 47 ans, ans so what ? »
Le site Slate remarque avec pertinence :
« Fin décembre, on avait gueulé contre la pub Aubade, jugée sexiste, et elle avait été retirée de la façade des Galeries Lafayette. Début janvier, on montrait docilement son cul à Yann Moix qui ne nous jugeait pas désirables. »
Et il ajoute, non sans cruauté pour celles-là qu’on voudrait défendre et valoriser :
« S’ensuivirent des démonstrations tout aussi prévisibles, à grands renforts de quinquas célèbres. Marina Foïs compta les mois où Yann la désirerait encore. Passèrent des photos de Sophie Marceau et de Halle Berry, 52 ans aussi. Enora Malagré parla de Julia Roberts. Pour combattre le jeunisme, on montre toujours des femmes qui ne font pas leur âge. D’octogénaires, point. »
Pavlov, sors de ce corps !
Dur dur d’être une quinqua. Remarquez, chez les hommes, pour un Clint Eastwood il y a une centaine de Patrick Timsit. Pas très « bandable » si l’on ne choisit que du corps musclé comme une bouchère choisit ses pièces de boeuf.
Sur le site féministe madmoizelle.com on crie au sexisme en ayant l’air de ne pas y toucher. Même si par effet de style l’auteur en fait une affaire personnelle. Exemples :
« Eh bien je dois vous dire que me lever un matin avec la certitude que Yann Moix n’a aucune envie de me faire un cunni, ça n’a pas vraiment gâché ma vie. Rapport que je me demande rarement si un auteur et chroniqueur de 50 piges aurait la gentillesse de vouloir me baiser. »
Et encore, pavlovienne réplique :
« Alors en 2019, je propose qu’on arrête de s’intéresser à ce que le patriarcat pense de nous, qu’on vive notre vie, qu’on baise des gens qui ont envie de nous et qu’on accepte avec joie son premier cheveu blanc. »
Laissez le méchant patriarcat tranquille, c’est juste une affaire d’homme. Ou de femme quand c’est une cougar. Je m’économiserai en délaissant délibérément toute analyse psychologique ou psychosociale de l’écrivain. Le crime de Yann Moix est de toute manière impardonnable : il est homme, mâle quoi. J’ajoute : et blanc, et il a 50 ans. Hop, au bûcher !
Quel sexisme ?
Or à quelques jours près, sur C8, Valérie Benaim montrait une vidéo dans laquelle une femme de 56 ans, prénommée Nicole, bien faite de corps et de visage, assume de n’aimer que les jeunes hommes de 25 à 30 ans. Elle précise (replay ici jusqu’au 21 janvier, à partir de 24’45’’) :
« Déjà au niveau peau, au niveau corps, je ne sais pas, moi j’aime bien les hommes qui sont musclés, qui ont une prestance… au niveau du muscle ou du maintien qui est importante pour moi. »
Les chroniqueurs et chroniqueuses ont dans l’ensemble trouvé cela sympa pour la femme. Rien à redire. Sauf un homme, qui a fait remarquer que taper sur Yann Moix et valoriser cette Nicole pour le même comportement, c’est du sexisme.
J’ai aussi vu ailleurs cette même remarque. Ce type de faux problème aux relents de police des moeurs finira-t-il par réveiller les hommes sur le sexisme misandre qui s’étale en toute insolence, de plus en plus, dans notre société « égalitaire et sans préjugés ni stéréotypes » ?
À propos de sexisme je recommande la lecture du livre de Patrick Guillot, « Misogynie, misandrie, il y a deux sexismes ». L’auteur retrace entre autres l’histoire de la misandrie. Très intéressant, j’en parlerai ultérieurement.
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