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Accueil du site > Tribune Libre > La dialectique du maître et de l’esclave

La dialectique du maître et de l’esclave

La lutte pour la reconnaissance avait abouti à la séparation de la conscience d'abord identique à elle-même (A = A) dans l'immédiateté du Moi en deux figures : celle du maître et celle de l'esclave. Le maître signifie la séparation de l'animalité parce que le maître a prouvé qu'il n'était pas attaché à la vie, l'esclave signifie l'attachement à l'animalité parce que l'esclave a préféré la vie à la liberté. Il semblerait donc que la véritable humanité se trouve du côté du maître et non de l'esclave. Ce texte montre qu'il n'en est rien :

"Mais le sentiment de la puissance absolue, réalisé en général et réalisé dans les particularités du service, est seulement la dissolution en soi. Si la crainte du maître est le commencement de la sagesse, en cela la conscience est bien pour elle-même, mais elle n'est pas encore l'être-pour-soi ; mais c'est par la médiation du travail qu'elle vient à soi-même. Dans le moment qui correspond au désir dans la conscience du maître, ce qui paraît échoir à la conscience servante c'est le côté du rapport inessentiel à la chose, puisque la chose dans ce rapport maintient son indépendance. Le désir s'est réservé à lui-même la pure négation de l'objet, et ainsi le sentiment sans mélange de soi-même. Mais c'est justement pourquoi cette satisfaction est elle-même uniquement un état disparaissant, car il lui manque le côté objectif ou la subsistance. le travail, au contraire, est désir réfréné, disparition retardée : le travail forme. Le rapport négatif à l'objet devient forme de cet objet même, il devient quelque chose de permanent, puisque justement, à l'égard du travailleur, l'objet a une indépendance. Ce moyen négatif, ou l'opération formatrice, est en même temps la singularité ou le pur être-pour-soi de la conscience. Cet être-pour-soi, dans le travail, s'extériorise lui-même et passe dans l'élément de la permanence ; la conscience travaillante en vient ainsi à l'intuition de l'être indépendant, comme intuition de soi-même."

(Hegel, La Phénoménologie de l'esprit, éd. Aubier, tome I, pp. 164-165)

Proposition d'explication : 

"Mais le sentiment de la puissance absolue, réalisé en général et réalisé dans les particularités du service, est seulement la dissolution en soi" : Le maître est désormais détenteur de l'autorité absolue sur l'esclave, autorité "en général" car il est maître par essence et par nature (Aristote), autorité qui se manifeste dans la particularité du commandement qui pour l'esclave est le "service".

Il suffit au maître de désirer et de commander pour que ses ordres soient exécutés, il lui suffit de faire signe pour que la table soit servie. Mais, selon Hegel ce sentiment de puissance absolue n'est que symbolique (verbal), il n'est pas réel, c'est une impression fallacieuse, une illusion. 

Note : On peut faire le rapprochement avec Freud qui distingue l'illusion de l'erreur et définit l'illusion comme une production du désir. 

Le sentiment de puissance absolue provient du fait que les désirs du maître sont des ordres, mais la puissance du maître ne s'exerce pas directement sur les choses (sur le monde), mais sur l'esclave et il ne s'exerce sur le monde que par l'intermédiaire (la médiation) de l'esclave.

Hegel parle de "dissolution en soi" parce que le maître est enfermé dans la conscience de soi. Il n'a pas vraiment de rapport au monde et de rapport à l'autre. 

"La crainte du maître est le commencement de la sagesse, en cela la conscience est bien pour elle-même, mais elle n'est pas encore l'être-pou-soi ; mais c'est par la médiation du travail qu'elle vient à soi-même" : l'esclave a acquis dans la lutte pour la reconnaissance la conscience de soi, il est passé comme le maître de l'animalité à l'humanité, même si le maître la lui dénie. La crainte du maître est le commencement de la sagesse parce que l'esclave est sur le chemin de la liberté (qu'il n'a pas encore acquise) et que pour être libre, il faut d'abord apprendre à obéir. Mais en obéissant au maître, l'esclave apprend à obéir au monde, à se mesurer au monde par le travail. C'est par le travail qu'il développe ses capacités, qu'il devient ce qu'il doit être.

"Dans le moment qui correspond au désir dans la conscience du maître, ce qui paraît échoir à la conscience servante c'est le côté du rapport inessentiel à la chose, puisque la chose dans ce rapport maintient son indépendance"  : le maître exprime un désir à l'esclave, par exemple de dresser la table et l'esclave exécute ce désir. Le rapport du maître à la chose paraît "essentiel" puisqu'il lui suffit d'exprimer son désir pour que son désir se réalise. Le rapport de l'esclave à la chose paraît "inessentiel" puisqu'il ne jouit pas de la chose. C'est le maître qui s'assoit à la table que l'esclave a préparée et non l'esclave. Le maître s'incorpore la chose, mais la chose "maintient son indépendance" par rapport à l'esclave.

"Le désir s'est réservé à lui-même la pure négation de l'objet, et ainsi le sentiment sans mélange de soi-même" : le maître est dans le désir, il désire manger, il désire jouir des objets du monde. Or désirer, c'est vouloir l'abolition de ce que l'on désire, le désir est la "négation de l'objet". Par exemple, désirer un fruit, c'est désirer le faire disparaître, se l'approprier, le faire disparaître en tant qu'objet différent de soi afin d' éprouver "le sentiment sans mélange de soi-même".

"Mais c'est justement pourquoi cette satisfaction est elle-même uniquement un état disparaissant, car il lui manque le côté objectif ou la subsistance" : la satisfaction du désir est un état "disparaissant" : je désire un fruit et je le mange, le fruit disparaît, ainsi que mon désir de ce fruit, puis ce désir réapparaît. Hegel souligne le fait que le désir et la consommation n'ont rien de durable, ils relèvent de l'éphémère. Il nous aide peut-être aussi à mieux comprendre ce qui se déroule aujourd'hui sous nos yeux, à savoir la disparition du travail au profit de la consommation et des "loisirs", avec la transformation des hommes en "petits maîtres", et ce, depuis l'enfance et la nouvelle "éducation", avec la complicité des idéologues du désir non différé. 

"Le travail au contraire est désir réfréné, disparition retardée : le travaille forme" :contrairement à la pure et simple consommation des choses, le travail est un désir réfréné, retardé. Celui qui prépare le repas et qui met le couvert peut éventuellement goûter le plat, mais il ne le mange pas. Hegel montre ici la différence entre celui qui travaille et celui qui jouit. Travailler, c'est établir une distance temporelle. Celui qui mange le repas et qui ne l'a pas préparé en jouit immédiatement, il n'y a pas d'intervalle de temps entre son désir et sa satisfaction. Travailler c'est donc apprendre la patience, le désintéressement, la générosité. "Le travail forme" dit Hegel. Le travail forme parce qu'il donne une forme à la pure négativité de la conscience qui se serait contentée de jouir. 

"Le rapport négatif à l'objet devient forme de cet objet même, il devient quelque chose de permanent, puisque justement, à l'égard du travailleur, l'objet a une indépendance" : prenons l'exemple d'un orfèvre qui cisèle une coupe en étain destinée aux banquets et aux sacrifices. L'orfèvre renonce à jouir de l'objet pour son propre compte (à boire du vin dans une coupe en étain fabriquée par quelqu'un d'autre), il a un rapport "négatif" à l'objet et ce rapport (le travail) devient la forme de cet objet (Hegel fait ici allusion à la "cause formelle" et à la "cause efficiente" chez Aristote)

Note : 

Selon Aristote (philosophe grec, - IV ème siècle av. J.-C.), tout objet produit par l'homme (et non par la nature) est déterminé par quatre causes (aïtias) : a) la cause matérielle : la matière dans laquelle l'objet (par exemple une coupe) est fait (par exemple l'argent) - b) la cause formelle : la forme que l'artisan (en l'occurrence l'orfèvre) va donner à l'argent (celle d'une coupe) - c) la cause finale : ce à quoi la coupe va servir (faire des libations) - d) la cause efficiente : le travail de l'orfèvre - La technique (technè) est l'ensemble des règles permettant d'ordonner ces causes dans un art donné ; une règle technique nous explique comment travailler telle matière, quelle forme lui donner, comment adapter des moyens à une fin.

"Ce moyen négatif, ou l'opération formatrice, est en même temps la singularité ou le pur être-pour-soi de la conscience. Cet être-pour-soi, dans le travail, s'extériorise lui-même et passe dans l'élément de la permanence ; la conscience travaillante en vient ainsi à l'intuition de l'être indépendant, comme intuition de soi-même"  : le travail est un moyen négatif et une opération formatrice dans la mesure où le travailleur (l'artisan, l'ouvrier) retarde la jouissance de l'objet ou n'en jouit pas du tout, mais le fabrique pour d'autres.

En façonnant des objets, en donnant forme à la matière brute, en objectivant une idée, le travailleur transforme sa propre conscience. On se souvient qu'au début (avant la lutte pour la reconnaissance), la conscience n'a pas vraiment de forme, elle flotte entre l'animalité (la vie à l'état pur) et l'humanité (la conscience de soi et la conscience de l'autre).

A l'issu de la lutte émergent deux figures de la conscience : le maître et l'esclave. En risquant sa vie jusqu'au bout, en préférant la liberté à la vie, l'un des adversaires a acquis le droit de commander et de jouir du travail de celui qu'il a vaincu et qui est devenu son esclave.

Mais de son côté, l'esclave n'a pas conservé la conscience informe qui précédait le combat ; il a acquis la conscience de soi, du monde et de l'autre, comme le maître, mais contrairement au maître, son rapport au monde n'est pas un rapport de consommation passive, mais de transformation active.

Le maître consomme le monde, l'esclave le transforme. En prenant conscience de son pouvoir sur le monde par le travail, de la possibilité de créer des objets doués de permanence, l'esclave acquiert l'intuition (la certitude intime) de son indépendance par rapport au monde, sentiment que le maître n'a pas puisqu'il dépend du travail de l'esclave. Et puis par le travail, l'esclave devient plus intelligent, plus habile, plus ingénieux. Il apprend à se poser des problèmes et à les résoudre. "Le travail forme" dit Hegel, il apprend à apprendre, à regarder, à être attentif, à patienter...

Pour se connaître, il ne faut pas rester, comme le maître à l'intérieur de soi-même, il faut affronter la résistance du monde et des choses, il faut façonner les choses en leur donnant la forme de l'idée. Ce n'est ni par le regard immédiat que nous portons sur nous-mêmes ni par le désir, mais par l'épreuve des choses que nous connaissons notre vrai pouvoir. Le désir impatient veut détruire l'objet pour se l'assimiler, non le conserver en tant qu'objet dans son objectivité. Le désir pur nous rend semblable aux bêtes de proie. 

Le maître reste à l'écart de la véritable humanité parce qu'il ne participe pas à l'oeuvre qui révèle les véritables capacités humaines. En se contenant de consommer le monde, le maître est tombé au-dessous de lui-même et c'est l'esclave, en transformant le monde par son travail qui atteint la véritable conscience de soi et qui possède finalement la vraie maîtrise.

 


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20 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 2 janvier 2018 10:09

    ’’La crainte du maître est le commencement de la sagesse parce que l’esclave est sur le chemin de la liberté (qu’il n’a pas encore acquise) et que pour être libre, il faut d’abord apprendre à obéir.’’
     
    Où ? Quand ? Le maître a-t-il appris à obéir ?
     
    ’’Or désirer, c’est vouloir l’abolition de ce que l’on désire, le désir est la « négation de l’objet ». Par exemple, désirer un fruit, c’est désirer le faire disparaître, se l’approprier, le faire disparaître en tant qu’objet différent de soi afin d’ éprouver "le sentiment sans mélange de soi-même".’’
     
    Vous êtes un homme, n’avez vous jamais désiré une femme ?
     
     Sur le fond : c’est pas un peu orwellien, votre truc ? L’esclave est libre, le maître est un sous-esclave ?! On n’est pas en avril : Je le saurais !


    • Samy Levrai samy Levrai 2 janvier 2018 10:28

      @JL
      Oui, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force... l’esclave a tellement de chance ... pauvres maîtres.



    • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 11:37

      @JL


      Vous avez tout compris ! smiley 

      ... D’ailleurs Hegel, si je me souviens bien, avait appelé à voter Macron ! 

    • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 11:48

      Euh, j’ai juste essayé de comprendre et d’expliquer ce texte auquel je n’avais pas osé d’attaquer jusqu’à présent. Ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec Hegel, pour autant que l’expression ait un sens. Il m’a semblé, en tout état de cause que ce texte avait une dimension critique encore d’actualité (la société de consommation et des loisirs, le fait que le Capitalisme crée du chômage structurel et que ses serviteurs politiques veulent maintenant sanctionner les chômeurs...), mais je peux me tromper. Ce texte a eu une très grande importance dans la formation de la pensée de Marx et des hégeliens de Gauche.


      D’accord avec la remarque selon laquelle le désir ne veut pas toujours détruire ce qu’il désire, se l’incorporer. C’est vrai de la faim, mais non de la sexualité. Hegel pensait à la faim.

      • Francis, agnotologue JL 2 janvier 2018 12:06

        @Robin Guilloux
         
        la faim ce n’est pas un désir, c’est un besoin à satisfaire ; impérativement.


      • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 13:42

        @JL


        Oui, c’est un besoin que nous partageons avec les animaux, mais dans la mesure où le besoin devient conscient, on peut parler de désir (j’ai besoin de manger, mais je ne mange pas n’importe quoi, sauf en cas d’extrême nécessité). Le désir, c’est le besoin « en ce qu’il se parle » (Roland Barthes)



      • Francis, agnotologue JL 2 janvier 2018 14:54

        @Robin Guilloux
         
        ’’En se contentant de consommer le monde, le maître est tombé au-dessous de lui-même et c’est l’esclave, en transformant le monde par son travail qui atteint la véritable conscience de soi et qui possède finalement la vraie maîtrise.’’
         
        Sauf que les maîtres actuels ne sont pas nés de la dernière pluie ! Ni les rejetons fainéants d’un
        lignée décadente ; pas encore, et loin s’en faut.
         
         « Il faut que tout change pour que rien ne change » : depuis Hegel, beaucoup d’eau est passée sous les ponts.


      • Arnold Arnold 2 janvier 2018 13:32

        Excellent sujet, tout semble être résumé ici "Le maître reste à l’écart de la véritable humanité parce qu’il ne participe pas à l’œuvre qui révèle les véritables capacités humaines. En se contenant de consommer le monde, le maître est tombé au-dessous de lui-même et c’est l’esclave, en transformant le monde par son travail qui atteint la véritable conscience de soi et qui possède finalement la vraie maîtrise."
        De tout temps l’esclave a participé au progrès, au développement supérieur de l’esprit. Il a joué un rôle prépondérant dans la production des résultats, qui indéniablement on contribué à son développement intellectuel et moral. Il s’adjuge de nouvelles forces chaque moment et à l’égard desquelles il modifie non seulement le monde extérieur, mais aussi sa propre personne, à travers les réactions extraordinaires du moral sur le physique et du physique sur le moral.


        • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 14:01

          @Arnold
           Oui, même si les deux figures du maître et de l’esclave sont différentes de ce qu’elles étaient dans l’antiquité gréco-romaine ou du temps du servage. On voit bien aujourd’hui, même si on manque un peu de recul que l’esclave n’est plus le prolétaire, mais celui qui vit des revenus de son travail et que la maître est celui qui vit du placement de son capital et que les revenus des uns et des autres n’a aucun rapport avec leur utilité sociale respective. Si Emmanuel Macron avait réellement suivi les cours de Paul Ricoeur au lieu de s’en servir comme « capital intellectuel », sans avoir réellement travaillé la question, il y regarderait à deux fois avant de pourchasser les chômeurs et revenir aux vieilles catégories moralisatrices de la bourgeoisie du XIXème siècle des bons et des mauvais ouvriers. Aucun de ceux qui nous gouvernent (Poutine, Macron, Trump) ne savent réellement ce que veut dire « travailler ». Hegel nous aide à comprendre pourquoi ce système ne peut plus durer.



        • Arnold Arnold 2 janvier 2018 15:05

          La gouvernance n’est pas une affaire de cœur et de sympathie, mais de raisonnement. Ce qu’on doit estimer chez un homme politique, ce n’est pas sa personne, mais formellement ces idées. Il s’avère que seuls compte leurs intérêts quels qu’ils soient par ailleurs et leurs pensées convergent vers cela. Ce modèle de société telle qu’elle est établit ne laisse aucune illusion quand à un changement notoire, pérenne, perdurable pour appliquer les idées et pensées d’Hegel à moins d’une mutation soudaine, qui est utopique selon moi. 


          • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 15:25

            @Arnold


            Oui, c’est assez désespérant. Je ne me fais pas d’illusions non plus. Macron a été payé par l’oligarchie pour faire ce qu’il fait et maintenant, il s’en prend aux chômeurs.. les gens ne votent pas pour le meilleur, mais pour le « moins pire »... Au fond les esclaves essayent juste de survivre. Du reste Hegel ne se faisait pas d’illusions non plus (même sur l’Etat prussien) et il est mort du choléra... La mort remet tous les compteurs à zéro. Bonne année quand même ! 

          • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 20:31

            J’ai lu les commentaires. Effectivement Hegel admirait Napoléon ("J’ai vu passer sous mes fenêtres - à Iéna - l’âme du monde à cheval’) comme un instrument de la raison dans l’Histoire et les nazis se sont servis de son idée que le travail rend libre. Mais ils se sont aussi servis de Nietzsche.


             Alors à quoi ce texte ésotérique peut-il encore nous servir ? Aussi étrange que ça puisse paraître, j’ai trouvé des liens avec la critique du libéralisme-libertaire que fait Michel Clouscard (enfin pas si bizarre dans la mesure où Clouscard se réclame de Marx qui se réclame de Hegel). 

            Je ne veux pas idéaliser le passé, mais il me semble que l’éthique du travail, aujourd’hui complètement perdue, avait du bon (cf. à ce sujet la France contre les robots de Bernanos et l’Enracinement de Simone Weil). 

            Je pense que Hegel aurait été complètement effaré par le divorce dans la société contemporaine entre le Kapital et le travail. 

            • Robin Guilloux Robin Guilloux 2 janvier 2018 21:05

              ... Et par l’apologie permanente et la manipulation du désir dans la société moderne et son exploitation financière dans la phase libérale-libertaire pour parler comme Clouscard. Il n’y a plus tendanciellement ni esclaves ni maîtres, mais des cochons à l’engrais et fiers de l’être. On ne comprend même plus ce que Hegel voulait dire et contre quoi le texte met en garde. Entre Clouscard et Seguela, la partie est trop inégale. Le creux l’emporte contre le plein, les sophistes contre Socrate. Comme disent les élèves : « Ca nous prend la tête vot’truc ». Eh bien continuons comme retrouvons la conscience fantomatique d’avant la lutte pour la reconnaissance, l’informe, le sommeil, les gens qui décident pour nous, le temps de cerveau pour Coca-Cola. « Nous leur permettrons même de pécher, pourvu qu’ils nous mangent dans la main. » (Dostoïevski, La Légende du Grand Inquisiteur)


              • Hervé Hum Hervé Hum 3 janvier 2018 10:59

                la liberté exige une grande discipline intérieure, la servitude un minimum et l’esclavage aucune, car la discipline est imposée de l’extérieur.

                Sinon, désolé, si on peut dire que l’esclave préfère sacrifier sa liberté pour conserver la vie, il est faux d’en tirer la conclusion selon laquelle le maître préfère la liberté à la vie. Prenez deux maîtres, faites les se battre entre eux, eh bien généralement le vaincu préférera devenir esclave plutôt que perdre la vie.

                Bref, on peut être maître un temps et esclave un autre temps selon les circonstances. Ce que l’on remarque, c’est que si on peut affirmer qu’un esclave préfère la vie à la liberté(en attendant de s’enfuir), seule l’expérience vécu peut dire si une personne à l’esprit d’un maître au sens où Hegel l’entend.

                Sa dialectique est d’autant plus fausse, que les cas où l’esclave est capable de révolte et de sacrifice ne sont pas rare, mais commun dans l’histoire humaine. Autrement dit, qu’une personne peut accepter de supporter l’esclavage sans pour autant renoncer à son désir de liberté et donc, être toujours le maître de lui même.


                • Robin Guilloux Robin Guilloux 3 janvier 2018 13:34

                  @Hervé Hum


                  Oui, encore une fois, il s’agit d’un mythe, d’une construction de l’esprit. Le but de Hegel est de mettre en valeur cette réalité qui apparaît au XIXème siècle comme un objet philosophique important (déjà au XVIIIème avec l’Encyclopédie) et qui va de pair avec le début du capitalisme et l’apparition de la figure du Prolétaire : le Travail.

                  L’idée de la guerre vient sans doute du fait que dans l’antiquité gréco-romaine, les prisonniers de guerre étaient réduits en esclavage.

                  Hegel met en valeur une autre notion qui n’intéressait personne jusque là (cf la pauvreté de ce qu’en dit Descartes dans les Méditations) : Autrui et l’intersubjectivité.

                • Hervé Hum Hervé Hum 4 janvier 2018 11:45

                  @Robin Guilloux

                  Le capitalisme ne naît pas au XVIII ème siècle, mais en même temps que la naissance des monarchies, celles ci étant un capitalisme foncier. Ce dont vous parlez est donc le capitalisme bourgeois, fondé sur l’outil productif et financier.

                  Quand au prolétaire, lui aussi, si le nom change, le principe reste le même, soit, la non propriété de l’outil économique pour assurer sa propre subsistance.

                  L’escroquerie intellectuelle consistant à faire croire qu’il s’agit de systèmes différents, alors que s’il y a effectivement évolution sur la forme, le fond reste strictement le même, soit, un système fondé sur le rapport de domination aux fins d’exploitation de la vie d’autrui.

                  Pour Choucas, n’est maître que celui qui n’est pas manipulé par autrui...


                • Robin Guilloux Robin Guilloux 6 janvier 2018 12:51

                  @Hervé Hum


                  Effectivement, le capitalisme foncier et le capitalisme industriel sont deux formes d’exploitation, mais elles ne sont pas concrètement équivalentes et elles correspondent, selon Marx à des modes et à des rapports de production différents. 

                  Ce que voulais dire, c’est que le concept de travail assimilé à l’exploitation (ou à l’aliénation) n’apparaît dans le champ de l’épistémè (pour parler comme Foucault) qu’à partir de la première partie du XIXème siècle avec Hegel, bien qu’il reste largement traité de manière idéaliste et métaphysique. 

                  C’est Marx qui se chargera de « remettre la dialectique de Hegel sur ses pieds ». Il en est de même de la notion d’autrui et d’intersubjectivité qui n’apparaît dans le champ de la philosophie qu’à partir de Descartes (mais de façon quasiment fantomatique dans les Méditations) et surtout de Hegel (dans la dialectique du maître et de l’esclave) comme constitutive de la subjectivité (que Hegel nomme « la conscience de soi »)

                  Il faut attendre le XXème siècle avec Heidegger, Husserl, Sartre et surtout Merleau-Ponty (il faudrait ajouter Freud et son élève, Mélanie Klein qui montre l’importance de la relation à la mère dans l’acquisition du langage), Wallon, Zazzo, Lacan et Winnicott, avec le « stade du miroir » (je comme un autre), pour s’acheminer vers l’idée qu’autrui (comme structure et pas seulement comme « figure », est le médiateur indispensable entre moi-même et moi-même.

                • Hervé Hum Hervé Hum 7 janvier 2018 11:43

                  @Robin Guilloux

                  Il ne faut pas confondre la forme et le fond !

                  Ainsi, le principe du système capitaliste reste strictement identique entre le capitalisme foncier, industriel ou financier, c’est à dire, prélever l’impôt sur le travail d’autrui en terme de temps de vie dédié. En cela, il n’y a pas de différence entre l’esclave du maître et le salarié du patron quand à l’impôt, tous deux ont la même fonction, permettre l’exploitation de l’un par l’autre.

                  Autrement dit, le rapport de production n’évolue pas dans le fond (son principe ou but visé), mais uniquement sur la forme.

                  Ensuite, peu importe que " le concept de travail assimilé à l’exploitation (ou à l’aliénation) n’apparaît dans le champ de l’épistémè (pour parler comme Foucault) qu’à partir de la première partie du XIXème siècle avec Hegel, bien qu’il reste largement traité de manière idéaliste et métaphysique. « 

                  le concept existait déjà en lui même de par les faits de la relation maître esclave qui n’a de raison d’être que par le principe d’exploitation ET aliénation.

                  Ainsi, s’il avait fallut attendre que le principe de l’exploitation apparaisse dans le champ de l’épistémè, l’histoire ne nous parlerait pas de tous ces esclaves qui se sont révoltés contre leur condition d’exploité. Autrement dit, s’il avait fallut attendre qu’une personne l’écrive pour s’en rendre compte ! Il est tout à fait inutile de faire des études de philosophie pour se rendre compte de son propre état d’exploité, de faire la différence entre travailler pour soi et travailler pour le compte d’ autrui. Car le travail est une condition nécessaire pour subvenir à ses besoins, mais pas celui consistant à subvenir aux besoins d’autrui autre que sa propre famille. La différence étant que dans le premier cas il s’agit d’une contrainte intérieure, alors que dans le second cas il s’agit d’une contrainte extérieure.

                  Ainsi, tout ce que vous dites sur l’intersubjectivité et la conscience de soi, sont des notions intemporelles, c’est à dire, qui existaient déjà au temps d’Aristote ou au temps de l’homme préhistorique ou même, au sein de toutes structures sociales, donc, aussi animale et pouvant même être étendu à toute la matière.

                  Rendre compte d’une réalité n’est pas ce qui l’a fait exister, mais simplement en avoir une connaissance/conscience acquise et non plus seulement innée. Plus exactement, l’innée est un acquis systématisé, donc, qui n’est plus maintenu dans le champs de la réflexion immédiate, mais disons, »axiomatisé« de telle sorte qu’elle n’a plus besoin d’être réfléchit, mais appliqué de manière à libérer le cogito. C’est la tentative des maîtres du système actuel, faire sortir du champ de la réflexion immédiate toute idée de remise en cause du système, de manière à le décaler de la conscience vers l’inconscient collectif, donc, de l’acquis vers l’innée et ainsi, interdire toute remise en cause.

                  De la même manière, il est absurde de croire qu’il ait fallut attendre les auteurs que vous citez dans le dernier paragraphe pour savoir de la relation mère enfant, puisque la quasi totalité des peuples le savaient de manière innée, c’est à dire, axiomatisé.

                  l’idée qu’autrui (comme structure et pas seulement comme « figure », est le médiateur indispensable entre moi-même et moi-même.

                  Non ! Tel qu’écrit ici, la conséquence est la prise de contrôle de soi même par autrui, puisque cela consiste à mettre l’autre comme arbitre dans la relation »entre moi-même et moi-même« .

                  Donc, cela n’interdit en rien le rapport maître esclave, dominant/dominé, mais bien au contraire, c’est cette »médiation" qui permet la relation maître esclave.

                  Autrement dit, ce n’est pas autrui qui doit être le médiateur, mais l’idéal commun et lui seul. Comprendre que le simple fait de parler de relation de soi avec autrui, implique de manière absolue de conceptualiser un espace commun. Et c’est seulement la définition de cet espace commun dans les relations entre les êtres qui composent cet espace, qui dit si on a affaire à un rapport de domination ou non, c’est à dire, fondé sur l’équité.

                  Désolé, soit votre explication n’est pas bonne, soit tous vos auteurs se fourvoient.


                • monsegu monsegu 4 janvier 2018 10:30

                  Merci de réactiver la question de la conscientisation en vue de l’émancipation, à partir de réflexions du XIXème siècle.
                  Vois l’apport de mémonaute (portant un Lien solidaire vers cette page-ci) :
                  memolang_apport_lien
                  Bien sûr, comme le disent ces commentaires-ci  :
                  - les conditions sont devenues différentes, surtout avec Ce Capitalisme financiarisé/mondialisé ...
                  mais :
                  - reste à oeuvrer la conscientisation en vue d’une émancipation théorique comme effective,
                  et :
                  - les espoirs d’antan ont été déçus et doivent être réévalués et refondés.
                  En prospective, à partir d’espoirs de réalisations futures devant s’inscrire en chemins dans notre présent continu, vois les raisons de demander à notre Président Macron de changer de cap, après avoir « épuisé » Ce Capitalisme :
                  memolang_macron_president

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